À presque 80 ans, Michel Ocelot poursuit sa carrière d’animateur chevronné, dans un style unique nourri de nombreuses influences autant culturelles que cinématographiques. Dans Le pharaon, le sauvage et la princesse, il se tourne à nouveau vers le format du conte pour nous livrer non pas une, mais trois histoires distinctes. Une structure dont les thèmes se recoupent, tissant des liens entre les sujets de prédilection du cinéaste, mais aussi l’ensemble de sa carrière multiple.
Le pharaon, le sauvage et la princesse de Michel Ocelot
Par la mécanique de la conteuse, Ocelot installe d’emblée la parenthèse d’un récit encadré, où les époques et les genres vont se mélanger pour tenir en haleine les plus jeunes. Et c’est au travers de la parole de celle-ci, à la manière d’un livre d’histoires, que l’on découvre le premier récit : Le Pharaon.
D’emblée, on ressent la patte unique du cinéaste dans ces trois récits, et au travers de ces personnages. Leurs mimiques, leur gestuelle et leurs réflexions portent ce mélange subtil de simplicité et de finesse qui caractérise des films comme Kirikou, Azur et Asmar. Comme un retour aux sources, on sent également un travail d’orfèvre de l’animation, à l’instar des Les trois inventeurs, merveille de papier découpé aux origines de la filmographie d’Ocelot. Dans les cases illustrées du Pharaon, le protagoniste parcourt monts et merveilles à la rencontre de l’Égypte ancienne, et d’un panthéon divin avare de conseils, mais flamboyant de couleurs. Avec Le beau sauvage, c’est vers les ombres chinoises que se tourne le réalisateur pour narrer une histoire tout aussi belle, en y intégrant de fines touches de lumière qui en subliment l’esthétique. Un hommage assumé à tout un pan de l’animation du vingtième siècle, et au théâtre d’ombres, directement inspiré des œuvres de Lotte Reiniger.
Enfin, La princesse des roses et le prince des beignets est une apothéose de textures, de teintes et de matières, intégrant habilement la 3D dans un univers de décors en deux dimensions pour un résultat délectable et atypique sur grand écran. De véritables tableaux vivants.
Sans que les histoires ne se chevauchent, elles sont parcourues par les mêmes enjeux, et la même sagesse. Les héros et les héroïnes de Michel Ocelot sont vertueux, bons et justes, sans pour autant se laisser marcher sur les pieds par des antagonistes cupides, méchants ou simplement castrateurs. Le salut, chez l’artiste, est souvent atteint par la persévérance autant que la patience, deux qualités que l’on retrouve dans chacun de ses protagonistes. En résulte une œuvre d’une douce lenteur, tendre avec son spectateur comme avec ses personnages, et que l’on appréciera de plus en plus au fur et à mesure que se révèle à nous toute sa beauté.
“Quand on a aimé une histoire, il ne faut pas en parler tout de suite. Il faut la laisser résonner en nous”, affirme la conteuse. On ne peut que vous donner ce même conseil pour le film, qui grandira dans votre estime au fur et à mesure que vous le partagerez avec vos proches. Car au cinéma aussi, il est parfois très agréable de prendre son temps.