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Le Veilleur de Lou du Pontavice et Victoire Bonin

Publié le 27/10/2025 par Benjamin Sablain / Catégorie: Critique

En 2017, Lou du Pontavice, accompagnée de Victoire Bonin, s’aventuraient en Chine et récoltaient les témoignages d’un père veilleur de nuit et de son fils étudiant au conservatoire. Il en a résulté un court-métrage intitulé Le Veilleur. Cependant, convaincues du potentiel du film, elles envisagèrent rapidement d’en faire un long métrage, Davantage que de proposer une version longue du montage initial, elles en profitent pour élargir leur horizon. Il en résulte un film tout aussi attachant que difficile d’accès, mais non sans intérêt.

Le Veilleur de Lou du Pontavice et Victoire Bonin

Le Veilleur est ainsi un projet qui s’est développé sur le temps long. Dans le cadre d’un programme d’échanges organisé par l’INSAS, Lou du Pontavice part en 2017 durant six semaines à Pékin en compagnie de Victoire Bonin avec pour but de travailler sur la politique de l’enfant unique. Elles rencontrent alors Guangdong, veilleur de nuit dont la maison a été rasée, et son fils. Tous deux fréquentent le conservatoire central de musique de Pékin, l’un comme employé et l’autre comme étudiant. Touchées par l’intensité du lien père-fils, elles choisissent de les filmer pour aboutir à une première version du Veilleur. Il est cependant tributaire de la législation chinoise, très stricte à l’égard du droit à l’image, et d’un rapport à la parole complexe (à la fois indirectement, du fait de la mobilisation de traducteurs interprètes, et directement, marquée par le climat socio-politique). Ce court-métrage mêle dès lors reconstructions fictionnelles et réalité quotidienne. Si le fils se rend bel et bien au conservatoire de Pékin, il était impossible de le filmer sur place. Elles l’ont alors filmé en train de répéter dans une salle à proximité louée par son père.

C’est sur cette prémisse que commence la version longue du Veilleur, celle qui nous intéresse présentement. De nuit, Guangdong quitte son travail pour rejoindre son fils et l’accompagner dans un curieux endroit où sont entreposés des pianos sous bâche transparentes. Un lieu liminal aux contours incertains dont il est très difficile d’interpréter la fonction première. Cependant, cette seconde version, bien plus ambitieuse, opère rapidement un saut de cinq ans pour s’attarder sur la nouvelle situation de Guangdong et de son fils, mais aussi inclure son épouse ainsi que sporadiquement quelques autres membres de leur famille. Les enjeux sont en effet plus nombreux. Le fils vit désormais en Estonie afin de devenir un musicien accompli. Il cherche à donner le meilleur de lui-même pour ne pas décevoir ses proches restés en Chine qui mettent tous leurs espoirs dans sa réussite. Ses parents doivent quant à eux désormais atteindre un nouvel équilibre en l’absence de leur enfant. Le documentaire va par conséquent chercher à capturer ces deux quotidiens en filmant d’une part la vie du fils en Estonie et d’autre part celle des parents. Tout le défi réside alors dans la capacité de l’équipe de réalisation à ne pas perdre son public au vu du grand nombre d’événements à relater et la complexité des situations à donner à voir.

Or, le dispositif choisi peut conduire à émettre des doutes sur la capacité à rendre clairement compte de la vie de cette famille désormais éclatée entre l’Europe de l’Est et l’Extrême-Orient. Fidèle à son ambition initiale, émise durant la réalisation du court-métrage, Lou du Pontavice évacue toute voix off pour donner à ressentir la routine quotidienne sans interprétation surplombante et explorer davantage l’intime. Et, effectivement, le long métrage profite pleinement de ce choix, enchaînant les moments forts comme on enfilerait des perles, interpellant son public à propos des dilemmes représentés, créant une empathie très forte avec ce couple attachant ainsi qu’avec leur fils. On vit au plus près les tiraillements de ce père renfrogné en prise avec des doutes profonds et qui rappelle par son attitude le personnage de Droopy créé par Tex Avery. On est facilement emporté par l’énergie de la mère, toujours pleine de vie et prête à secouer son mari lorsqu’elle le trouve trop apathique. On est touché par la candeur de leur fils, toujours soucieux du regard de sa famille. Il y a un donc un véritable talent déployé à magnifier les petits moments du quotidien pour en faire percevoir toute la beauté et l’universalité. Cependant, ce que le filme gagne en puissance émotionnelle, il le perd à mes yeux au niveau de la transmission des informations nécessaires à la compréhension du contexte.

 

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