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Short Screens. Luc Vanden Eede : « J’ai toujours aimé partager, montrer des films que j’ai aimés »

Publié le 26/08/2024 par Katia Bayer / Catégorie: Entrevue

Diffuser des courts sur grand écran à Bruxelles. Telle était l’idée de 3 amis cinéphiles (Marie Bergeret, Adi Chesson, Bibiana Vila Giménez) en 2009. Le nom du projet ? Short Screens. Les premières séances eurent lieu à l’Actor’s Studio. Quand le cinéma ferma en 2018, le petit groupe traversa la rue pour proposer l’idée au cinéma L’Aventure qui l’accueillit avec intérêt. Malgré le temps et les difficultés, les soirées Short Screens existent toujours, 15 ans plus tard avec un nouveau calendrier et un nouveau programmateur, Luc Vanden Eede, officiant depuis un moment déjà.

Cela faisait un moment qu’on souhaitait vous faire partager ces rendez-vous précieux, axés autour de la rencontre et de la découverte, animés par des individus qui ont croisé un jour la route du court. Grâce à cet entretien, on en profite pour faire un retour en arrière et un état des lieux sur les perspectives et les défis de Short Screens.

Short Screens. Luc Vanden Eede : « J’ai toujours aimé partager, montrer des films que j’ai aimés »

Cinergie : On se voit pour les 15 ans de Short Screens. C’est un projet qui existe depuis longtemps, comment est-il né ?

Luc Vanden Eede : Short Screens est né il y a 15 ans par des fans de cinéma, Marie Bergeret et Adi Chesson - qui étaient tous les deux à l’ULB - et une troisième personne, Bibiana Vila Giménez, qui faisait un peu de distribution. Leur but, c’était de mettre en avant le court-métrage (short), sur le grand écran (screen). À l’époque, les seules possibilités de regarder des courts-métrages, c’était très tard sur quelques chaînes de télévision ou bien dans les festivals. Ils voulaient amener les courts-métrages sur grand écran, mais à un autre public aussi.

 

C. : Quel est le public du court ?

L.V.E : À Short Screens, c’est un public de curieux et de cinéphiles. Beaucoup de personnes découvrent le court-métrage, ils sont attirés par les thématiques ou un réalisateur invité. Notre particularité aussi, c’est de montrer des films de toutes les époques et de tous les genres, de toutes les origines, belges, mais aussi étrangères, des tout premiers films du cinéma muet, des films récents, expérimentaux, documentaires, d’animation, de fiction… Ça brasse beaucoup de choses et ça fait venir un public très divers !

 

C. : Qu’est-ce qui t’a donné envie de reprendre ce projet ? Qu’est-ce qui ta incité à passer de spectateur à programmateur ?

L.V.E : Je suis venu d’abord comme spectateur parce que j’ai toujours adoré le cinéma, et je connaissais Marie Bergeret. Je suis venu à la première séance et ça m’a plu, alors je suis devenu un fervent spectateur. Quand Bibiana est partie, Marie et Adi se sont retrouvés à deux et ils m’ont proposé de les rejoindre. J’ai dit oui avec grand enthousiasme parce que j’aime le cinéma. J’ai toujours aimé partager, montrer des films que j’ai aimés. C’est devenu mon fil rouge, le partage de mes coups de cœur ou des thématiques que j’ai envie de développer, avec le public. J’ai continué avec Adi, et maintenant, depuis le Covid, je suis tout seul. J’ai ralenti la fréquence des séances. À l’époque, c’était une fois par mois. Maintenant je le fais de manière plus espacée pour avoir le temps de préparer les séances, de choisir les films. Sur une séance, je peux montrer 6, 7 ou 8 films.

 

C. : Comment affine-t-on son regard en tant que programmateur ? Tu viens d'un autre secteur. Comment te fais-tu confiance dans tes choix de thématiques et de courts-métrages ?

L.V.E : Avant de participer à Short Screens, je suis devenu cinéphile. Ça m’a tellement plu que j’ai voulu apprendre le cinéma. J’ai travaillé sur des courts et des longs-métrages, en tant que scénariste, monteur et assistant-réalisateur. J’avais donc une connaissance du monde du cinéma. J’ai ensuite fait une petite pause et quand je suis retombé dedans grâce à Short Screens, il était naturel pour moi de vouloir être à nouveau dans le partage.

 

C. : Tu parlais de films belges que tu avais envie de soutenir. Est-ce que tu as eu le sentiment que les films, côté flamand et côté francophone, n’avaient pas assez de place?

L.V.E : Quand j’ai travaillé dans le cinéma, dans les années 80-90, c'était très compliqué parce qu’il n’y avait pas de Tax Shelter et la télévision ne faisait pas grand-chose pour les courts. C’était vraiment galère de pouvoir montrer et diffuser ces films. Ici, j’aime montrer les films comme j’aurais aimé qu’on montre les films qu’on faisait à l’époque. J’aime aussi les films de jeunes réalisateurs ou parfois de cinéastes amateurs. Il m’est arrivé, trois ou quatre fois, d’organiser des séances de films complètement amateurs. C’est autre chose, mais il y a un immense plaisir de pouvoir diffuser sur grand écran ces films devant ces réalisateurs qui sont ébahis de pouvoir les montrer à leurs proches. Short Screens montre beaucoup de films belges. Sur 800 films montrés depuis 2009, il y en a eu plus de 300 belges.

 

C. : Est-ce que la salle apporte quelque chose de particulier à la programmation ?

L.V.E : Au départ, Short Screens se déroulait à l’Actor’s Studio. Maintenant, il suffit de traverser la rue pour aller dans l’autre galerie, au cinéma Aventure, où une jeune équipe - c’est important - nous soutient et nous laisse carte blanche. C’est un cinéma très sympathique. J’aime de plus en plus mêler les arts : organiser des séances de courts-métrages en invitant des chanteurs, des musiciens, des conteurs, des comédiens. Nous préparons une séance sur la danse donc j’ai envie d’inviter des danseurs. L’Aventure s'y prête assez bien parce qu'il y a un podium dans l’une des salles. Il est aussi arrivé que nous délocalisions des séances. Nous avons fait des collaborations avec le Centre culturel coréen pour leur ciné-club et le Brussels Korean Festival, aux Galeries, dans la grande salle, où nous avons proposé une programmation plus grand public, avec de grands réalisateurs comme Park Chan-wook. Nous avons également organisé des séances en collaboration avec Format Court à Paris, ou encore dans un centre culturel à Barcelone.

 

C. : Quels films as-tu été heureux de programmer ?

L.V.E : Ce qui me plaît le plus, c’est quand il y a une interaction avec le public. C’est pour ça que j’aime de plus en plus organiser des séances multiartistiques, pour vraiment partager avec le public, comme on peut le faire par exemple à un concert. C’est pourquoi j’aime aussi inviter de plus en plus des cinéastes, des comédiens pour avoir un échange, continuer après la séance en salle ou au bar de l’Aventure. Je reviens à la notion de partage, d’échange, c’est vraiment ce qui compte. Il y a quelques films qui ont marqué mon expérience. Il y a un réalisateur que j’aime beaucoup, Basile Vuillemin. J’avais montré son film qu’il avait fait dans un Kino, Dispersion, réalisé avec zéro budget. J’avais beaucoup aimé son univers, on l’a invité et on a fini la soirée dans un bar. Il y a des affinités comme ça avec certains réalisateurs. J’étais très content d’avoir pu montrer son dernier film, Les Silencieux, qui vient de gagner aux Magritte. Il y a eu Xavier Seron aussi et l’année passée, Jaco Van Dormael. J’en suis quand même assez fier. Quand j’ai commencé le cinéma, Toto le héros sortait en salle. C’est important aussi de montrer les films de cinéastes comme Olivier Magis ou Gérald Frydman que j’ai rencontré dans les années 70. Ce sont des cinéastes que les jeunes générations ne connaissent pas. C’est agréable aussi de faire se rencontrer les générations.

 

C. : Est-ce que tu as le sentiment, ces dernières années, que des choses ont changé, par rapport à la diffusion et la réception du public ?

L.V.E : Au fil des années, les programmateurs ont changé. Au départ, avec Bibiana, Marie et Adi, il y avait toujours quelqu’un de plus porté sur le documentaire, l’autre sur l’expérimental ou la fiction. Les affinités de chacun jouent un rôle sur la programmation. Le fait d'être maintenant seul implique que mes goûts personnels influencent la sélection. J’essaye tout de même de garder à l’esprit ce qui plaisait aux prédécesseurs, car ils ont des goûts différents des miens et leur sélection plaisait aussi à une partie du public. Le public se renouvelle beaucoup, il y a beaucoup de jeunes. Mais il y a toujours des fidèles et j’ai envie de leur faire plaisir. Cela me permet aussi de découvrir des films vers lesquels je n’irais pas spécialement. De plus, il y a le fait que je sois bénévole, les seules rentrées que nous obtenons nous permettent de payer les droits de diffusion - qui augmentent de plus en plus depuis le Covid. Pour pouvoir payer ces films, il faut attirer plus de public ; et donc, utiliser davantage les réseaux sociaux. C’est un passage obligé pour pouvoir continuer à montrer les films. Les choix changent avec ça, il faut parfois sélectionner un film porteur qui va attirer du monde à la séance. C’est nécessaire pour pouvoir continuer.

 

C. : La dernière séance a eu lieu le 21 mars, avec trois films avec Wim Willaert qui garde un lien fort avec les courts. As-tu senti qu’il y a une génération d’acteurs belges qui joue le jeu de soutenir des premiers films et daller à la rencontre du public?

L.V.E : À Short Screens, nous invitons souvent des réalisateurs et des comédiens. Cela permet de découvrir qu’il y a pas mal de comédiens qui ont une belle carrière qui continue à travailler dans le court-métrage. Cela leur permet d’avoir plus de liberté, par rapport à la lourdeur des longs-métrages. Avec des budgets plus importants pour ces derniers, il faut faire des compromis lorsqu'il y a des co-productions. Vu l’étroitesse des budgets dans le court-métrage, cela donne plus de liberté et donc je crois vraiment que c’est un outil de travail qu’ils aiment. Il y a effectivement des comédiens comme Wim Willaert qui a joué dans de nombreux films flamands et francophones. Il prend un plaisir fou à jouer des rôles différents et cela se ressent. Lazare Gousseau, qui vient de recevoir un Magritte pour le long-métrage de Raphaël Balboni et Ann Sirot, Le Syndrome des amours passés, a été invité deux fois à nos séances pour des courts-métrages. Tous ces acteurs acceptent volontiers de parler de leur métier et des courts-métrages sur lesquels ils travaillent. Raphaël Balboni et Ann Sirot continuent également à faire du court. C’est assez courant et je vois cela chez des réalisateurs beaucoup plus chevronnés, puisque nous avons déjà montré un court-métrage de David Cronenberg et de Nanni Moretti, et cela ne les empêche pas de faire des longs-métrages. Ce qui est très agréable, c’est le plaisir avec lequel ils offrent ces films gratuitement parce qu’ils veulent que ces films-là puissent être diffusés, en dehors des plateformes et des festivals, auprès d’un public lambda.

 

C. : Short Screens a 15 ans. Quels sont les souhaits pour l'avenir ?

L.V.E : Les droits des films augmentent. Nous espérons pouvoir continuer à montrer des films malgré cela. De temps en temps, je fais des collaborations pour ne pas devoir toujours tout faire seul. Parfois cela facilite les choses, parfois cela complique, mais en tout cas c’est enrichissant. Ce ne sont pas les envies qui manquent, mais le temps. Dans le court-métrage, beaucoup sont bénévoles et beaucoup ont d’autres emplois. Il faut trouver des créneaux. Le temps passe vite entre l’envie de faire une séance jusqu’à la diffusion.

 

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site internet de Short Screens : http://www.shortscreens.be/

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