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Max et les bouffons

Publié le 15/07/1999 par Dimitra Bouras et Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Tournage

Quelque part à Molenbeek, dans les greniers gigantesques d'un ancien entrepôt transformé en salle de spectacle. Sur la scène, quatre mecs en jeans et tee-shirts cradingues transpirent en grattant quelques notes sur leurs guitares électriques. Un groupe, un peu barge, qui oscille entre le Rhythm and blues et la Country. Edouard Molinaro, le réalisateur de Mon oncle Benjamin, se lève de son siège, observe la faune qui l'entoure et circule parmi les groupes qui papotent, font circuler les rumeurs. Ils sont surlookés, les mecs cheveux décolorés, pantalons cargos, tatoués, torses nus ou en tee-shirts mouillés de transpiration, les filles cheveux colorés, décolleté fait pour être maté, polo ou top bien trop petit qui met en relief le nombril, piercing (nez, gorge, oreilles), pantalons ultra-moulants et montés sur des buffalos, genre Spice Girls.

Max et les bouffons

Molinaro demande aux figurants d'approcher de la scène, là où il y a le plus de lumière, pendant que Catherine, son épouse et assistante, leur explique le déroulement de la séquence, les déplace et essaie de remplir les vides de la salle. " J'ai fait une mauvaise estimation. J'avais besoin du double de figurants, constate le réalisateur. J'oublie toujours qu'on est à la télévision". Il met sa main sur le front comme une visière de casquette et poursuit avec l'aide d'un mégaphone : " La caméra va passer près de vous. Ignorez la, complètement, laissez passer les techniciens. On va faire une première répétition, ce sera un désastre mais après ça ira. " 

Séquence 

Nous sommes sur le tournage de Max et les bouffons, un téléfilm que Molinaro tourne en Belgique et qui raconte l'histoire d'un adolescent révolté et fugueur que l'oncle Robert et la passion du rock and roll vont sauver du naufrage. Sur la scène du loft des machinos travaillent le son, on gaffe un micro, on teste la balance puis le play back. Putain, ça crache ! Les amis et parents de Max (Aurélien Wiik) sont au premier rang (Virginie Lemoine et Bruno Solo pour les comédiens français, Julie Legein, Aurélien Ringelheim, Mhaïdra Devaux, Alain Leempoel, Manuela Servais, Michel Israël pour les belges). Renaat Lambeets, l'opérateur steadicam, place l'Arriflex SRIII, une caméra Super16mm, sur son support. Molinaro, le casque sur les oreilles, se place derrière lui afin de vérifier le son et le cadre proposé sur l'écran de la steady. Hélène Lamy-au-Rousseau perche au-dessus du groupe pour Ricardo Castro, l'ingénieur du son que le play back ne rend pas vraiment heureux. Comme prévu, les premières répétitions tournent au désastre, " mais on va y remédier ", commente confiant le réalisateur. 
On replonge la salle dans l'obscurité. Le morceau de musique démarre en play back, se fait siffler par l'assistance. Première prise avec clap de fin. A la deuxième, Molinaro s'énerve parce que le play back n'est pas ajusté. Scène de ménage amicale avec Catherine qui règle l'ambiance sonore. Brouhaha. Les figurants, sifflant de tous leurs poumons et râlant sont dans le ton mais semblent oublier qu'ils doivent jouer dans la continuité, bien que la musique soit coupée au milieu de la séquence afin qu'on puisse entendre le dialogue des parents de Max. Lorsque la musique s'interrompt, l'assistance s'arrête. Bref, il n'y a pas une bonne prise. On recommence. A la cinquième prise, après vérification sur le moniteur, c'est bon. 

Contre-champ 

La caméra change d'axe. Plan rapproché des parents et de la famille qui aux premiers rangs admirent leur progéniture sur scène. Le groupe de Max s'appelle les Iguanes. C'est un groupe de hard rock au look tapageur, polo noir, cargos foncés avec des cheveux à l'iroquoise surmonté d'une crête de coq verte. "Pourquoi ont-ils des cheveux verts?" demande Sonia, la mère, d'un ton admiratif. "A cause des iguanes", réplique Yvon, le paternel, agacé. Des mecs dansent, l'air ravi, à l'avant-plan à côté de gamines qui se trémoussent, les hanches et les seins presque agressifs. La chaleur grimpe. Les accessoiristes balancent des fumigènes. Et pour ajouter au chaos ambiant, les caméras de télévision en reportage promotionnel bouchent la vue des journalistes. Molinaro place la caméra dos à la scène sur laquelle s'embrassent Max et Laetitia, sa petite amie. Répétitions, sans musique. Le public applaudit mais sans faire de bruit. Moteur. On enregistre puis on refait le même plan, en plus rapproché et plus découpé. Les reporters de Cinergie s'enfuient en slalomant pour éviter les cameramen de télé, qui n'arrêtent pas de bousculer tout le monde sans jamais s'excuser, comme s'ils étaient les propriétaires du réel.

 

Mhaïdra Devaux


"C'est mon quatrième film, nous explique Mhaïdra Devaux, qui joue avec la petite croix qu'elle a autour du cou et qu'elle maintient à l'aide d'un lacet de cuir noir. J'ai d'abord fait de la figuration dans Enfants de salaud de Tonie Marshall avec Anémone. Mon premier petit rôle je l'ai obtenu avec le Pantalon, en 1995, d'Yves Boisset. Ensuite j'ai tourné le Bal de Julien Vrebos dans lequel j'étais la petite amie d'un des tueurs du Brabant wallon. Puis, dans Les Monos , un téléfilm réalisé par Didier Gausset. Dans Max et les bouffons, je joue le rôle de Sarah, la petite amie d'Hugo qui est le meilleur ami de Max. 
J'ai fait cinq ans de diction et trois ans de Théâtre à l'Académie d'Uccle. Ma maman travaillant dans le théâtre en tant que costumière, je l'accompagnais partout. Le monde du spectacle est un milieu dans lequel j'évolue depuis toujours. C'est donc tout naturellement que j'ai joué au théâtre. Mais je préfère le cinéma. Mon père étant photographe m'a souvent prise en photo. J'y ai pris goût. J'aime me dévoiler devant un objectif.

Michel Israël

 

"Avec le physique que j'ai, je n'ai pas vraiment de concurrence, nous confie en souriant sous ses moustaches Michel Israël. Dans ce film, je suis Monsieur Fourcade, un professeur de français. C'est un personnage qui, à la lecture du scénario, m'est apparu intéressant mais surtout touchant. Lorsqu'il apprend que Max s'est enfui de chez lui, il commence par être contrarié, il fait la morale à ses autres élèves en leur expliquant que ce n'est pas vraiment une bonne idée. Mais quand il découvre que Max s'est mis dans un groupe de rock, au lieu de le punir, il va au concert avec ses élèves. C'est quelqu'un qui préfère favoriser la créativité, qui ne veut pas mettre les élèves dans un moule. Ce dont moi j'ai souffert à l'école, du fait que j'étais assez costaud. C'est un peu le prof idéal que j'ai eu la chance d'avoir à l'Athenée d'Ixelles. Il s'appelait Monsieur Collard. Il m'a fait aimer le français. Il était en compréhension directe avec les élèves plutôt qu'en conflit avec eux. Quand on donnait une mauvaise réponse il disait :" non, là, on vous a refilé un faux! Essayez de trouver le bon tuyau pour demain ". C'était un excellent professeur dont j'ai conservé le souvenir. 

Travailler avec Molinaro, est un plaisir. Il a un rapport exceptionnel de justesse. Ce qui m'a frappé, par exemple, c'est que lorsqu'il veut parler avec quelqu'un, que ce soit un technicien ou un comédien, il se lève et va vers lui pour lui parler. Du coup on se sent utile, on se sent responsable et on a envie de donner le meilleur de soi-même. Lorsqu'il installe la caméra, il combine ses mouvements afin de favoriser le jeu de l'acteur. La technique est au service du comédien et non l'inverse.
La plus belle aventure de ma vie a été Train de vie dont j'étais le co-producteur. Il y avait sept comédiens belges qui avaient des rôles importants. Il y a eu une sorte de miracle sur ce film où tout s'est bien passé. Pas la moindre agressivité, pas la moindre angoisse sur un tournage vachement difficile. Sept semaines en Roumanie avec des lieux de tournages éloignés des lieux d'hébergement (tous les jours on avait une à une heure et demie de trajet), plus le tournage de nuit mais sans qu'il y ait le moindre signe de lassitude. Il y avait une grande générosité sur le plateau. [dagger]'a été ce qu'on appelle un moment de grâce. Radu Mihaïleanu, le réalisateur, m'a dit, après le tournage : " Ma co-production avec la Belgique, c'est le plus beau cadeau qu'on m'ait offert."

Aurélien Ringelheim 

 

" Mon rôle est celui d'Hugo, l'ami de Max, nous précise Aurélien Ringelheim, les yeux pétillants mais la voix posée. Il lui révèle qu'Yvon n'est pas son vrai père et va l'encourager à fuguer. En ce moment, j'étudie au Conservatoire et je fais du doublage son pour les films. Il y a trois ans, j'ai fait un film, le Poids d'un secret. Si on veut devenir comédien aujourd'hui, il faut faire du cinéma et du théâtre, être polyvalent. Le théâtre, c'est un travail de longue haleine fait de répétitions pendant une longue période. Puis, il y a les représentations, le rapport avec le public. Il y a un échange entre les spectateurs et les comédiens. C'est totalement différent du cinéma où les prises sont brèves et on les recommence plusieurs fois et où tout se fait très vite."

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