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Mia de Wouter Bongaerts

Publié le 15/04/2014 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Le jeune étudiant de Media, Arts and Design Faculty de Gand qui nous avait fait fondre en 2011 avec sa souris aux grandes oreilles, joue aujourd’hui dans la cour des grands. Premier projet professionnel produit par studio Creative Conspiracy (toujours à Gand), Mia a déjà remporté le prix du public au festival d’Austin et celui de la SACD au dernier Festival Anima. Wouter Bongaerts est peut être devenu grand, mais il est toujours aussi tendre. 

Mia de Wouter Bongaerts, film d'animationMais oui, elle nous avait fait craquer cette souris bleue aux oreilles de Dumbo coincée dans son animalerie et ne trouvant pas acquéreur. C’est qu’elle s’en donnait pourtant du mal, pour être aimé. Trois ans plus tard, Wouter Bongaerts revient avec une thématique très proche. Il a laissé l’animal au profit de l’humain, la petite Mia, 7 ans, bouille ronde, visage solaire, en contradiction avec l’univers qui l’entoure… ou plutôt la bouscule. Elle aussi aurait envie d’être aimée. Traînée dans le métro par sa business maman oreillette-mallette-tablette bien greffée, Mia veut, à tout prix, lui montrer le beau dessin qu’elle a fait. Et, on l’a compris, ce n’est pas le moment, il s’agit d’avancer… et vite ! Et avant que les portes du métro se referment, le dessin s’envole, l’enfant court, trop tard, la mère est bloquée dans le train avec enfant en danger sur le quai, puis dans la rue, à la poursuite du dessin perdu. Bien décidée à ne pas lâcher ce beau projet qui représente Mia et sa maman, main dans la main, au milieu d’une nature calme et paisible, Mia s’égare dans la ville.

Avec ses personnages longilignes, très année 50 entre Jacques Tati et Voutch, Wouter Bongaerts décrit un monde déshumanisé, dans lequel les êtres agissent comme si la simple circulation du corps était soumise à un strict principe d'obéissance et de rationalité du temps et de l'espace. Mia, elle, contraste fortement, tache jaune et verte au milieu d’une foule aux tons monochromes. Sa silhouette, si radicalement différente, montre l’inadaptation d’une enfant dans un monde qui a perdu tout sens de la raison et de la mesure et se focalise sur la vitesse et le fonctionnalisme… Encore du Tati visiblement, mais version moins joyeuse. Quoique… Mue par son désir et son cœur, Mia va bouleverser l’ordre des choses, l’essence même de son être, symbolisé ici par le passage du simple dessin à la 3D. Mia prend forme, le chien qu’elle étreint aussi et l’espace extérieur si agressif se transforme, sous ses yeux amusés, en un décor de pacotille fait de lignes sans épaisseur et peuplé de personnages plats, silhouettes sans chair aussi mince qu’une feuille de papier. La ville, elle, a tout à coup bien changé.
Ode à la fantaisie et à l’anti conformisme, ce court métrage sans prétention est un bonheur visuel de chaque instant, un spectacle dans lequel la vivacité du récit et la souplesse des péripéties nous font retrouver un cœur d’enfant.

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Mia