Le collectif Extérieur Jour, dont l’embryon de projet est né il y a déjà 20 ans, a pour objectif de créer un espace de parole en vidéo pour les Bruxellois issus de tous les milieux socioculturels. Le résultat du projet : un film de 26 minutes réalisé à plusieurs. Son but : mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Tous les mois, une dizaine de personnes, encadrées par deux animateurs, passent par les différentes étapes, depuis le choix du sujet et de l'angle, jusqu'à l'organisation logistique, l'interview, les cadrages, la prise de son, le montage et la sonorisation. Les films sont alors diffusés deux dimanches par mois à 14h sur BX1. Olivier Charlier, responsable du collectif, nous raconte les origines du projet, ainsi que les puissantes transformations individuelles et l’éveil aux problématiques sociales que les activités proposées permettent de faire émerger.
Olivier Charlier, pour Extérieur Jour
Cinergie : Comment s'est créé ce projet ?
Olivier Charlier : Il y a à peu près 20 ans, lors d’une soirée au festival Cinemamed, ici à Bruxelles, lors d’un débat des jeunes ont trouvé qu’aucune place ne leur était accordée pour s’exprimer à la télévision. Il se fait que le directeur de BX1 était présent à cette soirée-là, tout comme le directeur du CVB. Ils ont dit « chiche on le fait » et c’est comme ça qu’est né Coup2pouce à l’époque.
C. : Quelles sont les principales thématiques et les problématiques dont vous avez traité ou que vous traitez ?
O. C. : Les thématiques traitées sont très larges. Globalement, on va parler de thématiques de sociétés, de problématiques qui touchent le public qu’on a à l'un instant T. On a parlé travail, genre, drogues, violences policières, donc des thèmes de société qui sont en général choisis par le groupe. Les thématiques abordées sont assez larges pour que les participants se l’approprient et en fassent ce qu’ils veulent.
C. : Quels sont les objectifs sociaux ou socioculturels de votre collectif ? Quels sont les messages, les morales qui sont transmises à travers ces projets ?
O. C. : Ça dépend en fonction de chacun, mais globalement, on essaie qu’il y ait un message général qui sorte du film. L’atelier se déroule dans une démarche d’éducation permanente, dont l’objectif est de faire en sorte que le film détruise les jugements préétablis qu’on pourrait porter. Je pense notamment au film qu’on a réalisé récemment sur le travail, où on abordait le travail du sexe. Ça a cassé beaucoup de nos idées préconçues. Ça nous permet d’évoluer, de grandir.
C. : D’après vous, quelles sont les compétences que ce projet apporte aux participants ? Acquièrent-ils des qualités humaines et professionnelles ?
O. C. : Les participants acquièrent différentes compétences en participant à l’activité. Pour ce qui est de l’humain, ils apprennent à travailler en collectif, à s’écouter, à apprendre ensemble, à se respecter. À côté de ça, il y a tout le côté technique qu’ils vont pouvoir découvrir. Le but de l’atelier, c’est qu’ils s’approprient les métiers de l’audiovisuel. Ils vont toucher à la caméra, à la prise de son, au montage. Toutes ces compétences font en sorte qu’en sortant de chez nous, ils sont un peu transformés. Ce qu’on constate, c’est que pas mal des participants poursuivent des études, notamment de cinéma. C’est très chouette.
C.: Permet-il une plus grande cohésion sociale entre les participants qui viennent peut-être de milieux différents ? Une bonne dynamique se crée-t-elle ?
O. C. : Les participants viennent majoritairement du service citoyen. On a un partenariat avec eux. L’atelier est ouvert à toustes. À partir du moment où vous mettez huit cerveaux autour du même projet, forcément il y a une cohésion qui doit s’établir pour aller explorer les différents vécus, les différents parcours, les différentes attentes. Car tout le monde ne va pas spécialement participer à un atelier pour les mêmes raisons. Quand on met tout ça dans la marmite, ça donne un bon résultat, ça enrichit tout le monde, puisque les parcours enrichissent mutuellement les participants.
C. : Comment les participants opèrent-ils pour se lancer dans l’écriture du projet ?
O. C. : Pendant la première semaine d’atelier, qui est un peu la semaine d’émergence consacrée à ça, toute une série d’animations, d’activités est proposée pour passer de la page blanche à de premiers bourgeons d’idées. Et de là, on commence à creuser en faisant des ateliers d’écriture, des recherches, en allant voir un film, une exposition ou autre sur la thématique. Tout ça vient se placer dans un grand entonnoir pour ressortir sur un film.
C. : Les participants arrivent-ils en général à se mettre d’accord, à se coordonner par rapport aux rôles à s’attribuer et aux tâches à accomplir ?
O. C. : De manière générale, il y a très peu de désaccord. On ne peut pas satisfaire tout le monde, c’est sûr. Mais étant donné qu’on part de ce qu’ils veulent aborder pour savoir de quelles thématiques on va parler, c’est automatiquement plus simple de se mettre d’accord, plus que si j’imposais un sujet à traiter. Très peu de petits désaccords ou de frustrations ont lieu. D’un côté technique, c’est clair, ils veulent d’office tous être sur la caméra. (rires) Ça fait partie des règles de l’atelier : on propose que tout le monde touche à tout, s’essaie à être devant, derrière la caméra, s’occupe du son, etc. Et puis évidemment, des affinités se créent, certains vont plus développer un œil pour tel ou tel élément que d’autres, être plus à l’aise. En fonction des groupes et de la dynamique, la passation technique se fait plus ou moins facilement.
C. : Pourquoi avoir décidé d’ouvrir le collectif à tous les âges ? Comment le collectif a-t-il évolué depuis Coup2pouce ?
O. C. : Dès l’âge de 18 ans, tout le monde peut faire partie du collectif. Pourquoi ? On est dans le domaine de l’éducation permanente et cela concerne donc uniquement les personnes majeures, mais il n’y pas d’âge limite. Il y a six ans, on a ouvert le collectif à toutes les générations et on s’est rendu compte que plus l’ensemble des participants est hétérogène, plus le résultat sera enrichi parce qu’on va aller chercher dans les histoires, parcours et points de vue de chacun sur une thématique. Par exemple, on a travaillé avec une dame de 52 ans pendant un an. Quand on lui parlait de problématiques de genre, elle n’avait pas les mêmes opinions que le reste du groupe, mais ça a permis d’enrichir la discussion, de la faire grandir elle et le film. On a aussi pu sortir d’un processus de création où on avait tous la même vision et on allait dans la même direction.
C. : Qu’en est-il de la diffusion de votre projet ?
O. C. : Ça fait 20 ans qu’on a un accord avec BX1. Le collectif a évolué sous différentes formes depuis, mais on a continué à faire des diffusions. Là, on est à une diffusion par mois sur cette chaîne sans compter les multiples rediffusions. J’aimerais conclure en parlant de petites victoires. Au niveau des participants, je disais tout à l’heure qu’il y en avait certains qui reprenaient leurs études en cinéma, en communication ou autres. Là, on en a qui sortent de l’IAD avec une distinction, c’est clair que ça fait plaisir de penser que c’est grâce à nous qu’ils ont pu rentrer dans le milieu.