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Pandore de Vania Leturcq, Savina Dellicour et Anne Coesens

Publié le 07/02/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Diffusée dès le 13 février sur la RTBF et en intégralité sur Auvio le même jour, Pandore pourrait n’être vue que comme la dernière née du programme “Séries” engagé depuis bientôt dix ans par nos institutions de Fédération Wallonie-Bruxelles. Mais le projet de Vania Leturcq, Savina Dellicour et Anne Coesens est bien, bien plus que cela. Sans en avoir l’air, Pandore est une œuvre majeure, résolument actuelle et d’une qualité d’écriture encore jamais vue dans le paysage sériel belge francophone. Autopsie d’une révolution.

Pandore de Vania Leturcq, Savina Dellicour et Anne Coesens

Entre les tramways, le palais de justice et les ruelles des Marolles évoluent des personnages complexes, pétris de contradictions. Claire (Anne Coesens), juge d’instruction, se voit contrainte d’impliquer son propre père dans un scandale de corruption. Mark (Yoann Blanc), politicien modéré, chavire vers le populisme pour booster sa carrière qui stagne. Ludivine (Salomé Richard) met sa jeunesse et son avenir de côté pour tenter de libérer sa sœur Rachel, prisonnière politique. Trois vies bien distinctes qui vont soudain s’entrechoquer lorsque l’imprévisible, l'innommable se produira pour Ludivine. Et c’est alors que les jeux de pouvoir, les batailles d’influence se mettront en place. Entre recherche de la vérité, ambition et humanité des protagonistes.

Une introduction dure, sans concessions, pour un récit qui ne s’en accorde presque aucune. Derrière ces personnalités bien campées, ces prestations justes et ces instants où l’on reste sans voix, il y a toute la profondeur du travail de ces trois créatrices, leur rigueur et leur talent. Une équipe qui a su bien s’entourer, se faire accompagner des meilleurs et meilleurs, mais sans jamais faire de compromis à la facilité ou aux tropes éculés de la télévision et du Septième art. En résulte des arcs complexes, des zones grises, et une prodigieuse véracité de ces personnages. Des femmes humaines, mûres, résilientes, avec leurs forces et leurs faiblesses. Des hommes avec leur sensibilité, leurs doutes, leurs travers. La facilité et les répliques toutes faites n’existent pas dans Pandore, et cela fait un bien fou. Une fraîcheur, une impression de réalité si simple, et pourtant si rare. Un séisme.

Reflétant cette humanité qui transpire de l’ensemble, la série bénéficie d’une réalisation impeccable, fruit d’une collaboration que l’on sent fusionnelle entre les cinéastes et leur équipe photographique dirigée par Joachim Philippe. La caméra dynamique colle à la peau d’un casting brillant, apportant une immédiateté et une tension dans les scènes dramatiques tout en permettant aux artistes de laisser libre cours à leurs émotions lors des séquences d’intimité. Tantôt douce, tantôt éloquente mais jamais bêtement emphatique, la bande son moderne de Sophie Balbeur est peuplée de Belges de tous horizons, révélatrice de talents. Une compilation musicale forte où domine un générique animé d’une énergie incroyable, l’emballage qu’il fallait pour une série de cette puissance.

En dix épisodes, Pandore casse les représentations et évacue les stéréotypes, construisant des protagonistes d’une humanité folle par des regards vrais et des répliques qui sonnent juste. Sans jamais revendiquer obstinément sa différence ou bien crier haut et fort son propos, simplement en racontant sans concessions et avec brio ce qui sonne comme une réalité bruxelloise, belge et universelle à la fois.

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