Peter Monsaert, réalisateur du Ciel flamand
Cinergie : Comment fait-on pour aborder le métier particulier de la prostitution ?
Peter Monsaert : J'ai visité beaucoup de lieux et parlé avec beaucoup de femmes qui sont dans ce « business » et elles m'ont toutes demandé si je comptais les filmer comme de vraies personnes. Comme des mères, comme de sœurs et pas simplement réduites à leur profession. Je suis réalisateur, tu es journaliste mais je suis aussi le père d'un garçon qui va aux scouts et je joue dans une petite équipe de foot. Au regard de la société, les prostituées ne sont que prostituées. Et c'est aussi cette image que l'on voit dans les films et les séries et que je voulais absolument éviter. C'est pourquoi je montre la cuisine et pas les chambres. J'ai d'ailleurs passer la plupart de mes rencontres dans la cuisine, écoutant les conversations du bar et discutant avec les femmes entre les clients.
C. : C'est comme la réunion de staff autour du café le matin...
P. M. : Oui mais c'est comme ça. Et c'est marrant que l'on soit surpris que cela se passe de cette manière.
C. : Et vous connaissiez déjà ce milieu ou aviez-vous envie de le découvrir ?
P. M. : Comme réalisateur, je trouve très intéressant de découvrir des milieux que je ne connais pas. J'avais une vision extérieure. J'étais déjà allé en boîte de strip-tease mais aussi pour regarder les hommes. Et il y a beaucoup d'hommes qui viennent chercher de la chaleur ou le fait d'être reconnu comme homme, de présenter un peu d'intérêt pour une femme. Il paie et il oublie. « The Girlfriend experience » qui se trouve dans le film est très populaire auprès des clients. Les plus belles filles ne sont pas choisies car les hommes ont peur de ne pas croire eux-mêmes à ce jeu de rôle un peu bizarre où l'un dit je te paie et je crois que tu es intéressée par moi et je veux oublier que tu n'es en fait pas intéressée. En même temps, j'ai aussi entendu beaucoup d'histoires où les femmes ne disent pas à leur mari ce qu'elles font de leur journée. Sara Vertongen m'a également accompagné pour rencontrer ces femmes, afin de prendre leur ton si particulier entre familiarité et distance par rapport aux clients. Elles doivent être accueillantes mais en même temps, elles développent un côté plus dur, plus direct pour maintenir le cadre du « business ».
C.: Pourquoi l'importance du mensonge qui traverse tout le film ?
P. M. : Pour moi cet endroit est comme un agrandissement de notre vie où les mensonges, grands ou petits, sont partout.
C. : C'est aussi un film sur les faux-semblants, les apparences trompeuses et sur l’ambiguïté.
P. M. : Oui il s'agissait de s'interroger sur les réponses qu'on ne peut pas toujours trouver. Je donne des questions et le spectateur en fait ce qu'il veut. Le fait de ne pas tout donner dans le récit peut être frustrant mais c'est aussi mon boulot de réalisateur de créer un dialogue avec le spectateur. J'offre des choses et c'est au spectateur de travailler avec moi.
C. : Il y a également une rupture de genre, du drame familial sombre vers le thriller et la traque qu'entreprend le personnage de Dirk.
P. M. : Je voulais que l'on soit complètement dans le point de vue de Dirk, qu'on ressente fortement cette envie de croire que l'homme qu'il rencontre est le coupable. C'est aussi un personnage qui entre littéralement dans cette histoire qui d'abord le rejette et finit par prendre sa place de force. Je voulais qu'il y ait 3 parties avec pour chacune d'elle, la mise en scène d'un point de vue particulier (la mère, la fille, l'oncle).
C.: Malgré les aspects très sombres présents, certaines choses vont malgré tout pouvoir se résoudre.
P. M. : Avant même d'écrire quoique ce soit, je souhaitais vraiment apporter une solution positive pour les trois personnages dans un contexte pourtant très négatif. Je ne souhaitais pas un happy end mais je refusais que le récit plonge trop dans une ambiance pesante et triste. Et donner la possibilité d'un peu de bonheur malgré tout.