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Philippe Volter

Publié le 01/03/2006 par Katia Bayer / Catégorie: Hommage

Philippe Volter


D’une scène à l’autre, d’un plateau à l’autre, le comédien Philippe Volter a accumulé les rôles, explorant les potentialités de jeu. Ses débuts, il les vivra au théâtre. Ses parents ne sont autres que Jacqueline Bir et Claude Volter qui, hormis lui avoir transmis le goût pour la représentation, lui paraissent meilleurs professeurs que ceux du Conservatoire.

Philippe Volter et Anne Roussel dans Le Maître de musique

 

Le cinéma lui apparaît sous les traits et la caméra d´Hugo Claus. Il a 26 ans, Le Lion des Flandres est son premier film. Par la suite, José Pinheiro le dirige pour Les Roses de Matmata, Thierry Michel pour Issue de secours et Gérard Corbiau pour Le Maître de musique. C’est justement dans le personnage de Jean, le jeune voyou sensibilisé au chant par le baryton José Van Dam, que Philippe Volter sera révélé au grand public et deviendra un des jeunes premiers les plus populaires du cinéma français. Résidant désormais à Paris, le comédien est retenu pour le casting de films à succès tels que  Les Bois noirs de Jacques Deray (pour lequel il est nominé en tant que meilleur espoir aux Césars de 1990), Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, La Double vie de Véronique et Bleu de Krzysztof Kieslowski ainsi que Simple Mortel de Pierre Jolivet.

Professionnellement, il se diversifie. Il tourne pour la télévision, revient sur les planches, et choisit de travailler avec des cinéastes aussi singuliers que lui : il tourne entre autres,  La Veillée sous la direction de Samy Pavel, Abracadabra, le premier long métrage d’Harry Cleven, Les Cinq sens de Jérémy Podeswa, Aline de la québécoise Carole Laganiere et La Nuit du destin du cinéaste français d’origine algérienne Abdelkrim Bahloul.
Animé par le jeu, Philippe Volter était qualifié par ses pairs comme quelqu’un de talentueux, de passionné, de sûr de lui, d’exigeant dans le choix de ses rôles. Confondu parfois avec les personnages magnétiques qu’il avait pu incarner à l’écran, l’homme était pourtant en proie à des doutes par rapport à son travail, à sa famille, à sa vie. En disparaissant brutalement en 2005, à l’âge de 45 ans, il a laissé derrière lui une filmographie incomplète mais magnifique.

Hommage à Philippe Volter

Le dernier Festival du Film d’Amour a souhaité saluer la mémoire de Philippe Volter à travers la projection de deux films auxquels il a participé et le témoignage des cinéastes qui leur sont associés. L’un est belge, l´autre est français; tous deux ont connu, choisi, aimé et dirigé le comédien. Echange de perceptions entre Gérard Corbiauqui a mis en scène Volter dans le Maître de musique et Abdelkrim Bahlouqui a fait de même dans La Nuit du destin.

Gérard Corbiau : Un jour, j’ai trouvé devant la porte, un homme que j’avais convoqué et je me suis dit : «ça, c’est le personnage de mon film». (…) Pendant le film, régulièrement, Philippe me disait : «pourquoi Gérard ? Pourquoi est-ce que tu m’as choisi pour ce film ?». C’était incroyable : on était en plein tournage ! «Pourquoi ? J’ai ouvert la porte et c’était toi !». J’aurais dû dire autre chose mais c’était vrai : c’était lui! 

Abdelkrim Bahloul : Moi, je lui ai proposé le rôle pour incarner un gentilhomme représentant de l’esprit français. La Nuit du destin est un film sur l’Islam écrit en 1996 et tourné en 1997. A l’époque, ce n’était pas un sujet à la mode, et personne n’avait envie de se mouiller. Pour moi, Philippe Volter était une vedette. Je l’avais vu chez Kieslowski et chez Corbiau. Il a lu le scénario, il lui a semblé que c’était important. Il n’a pas eu peur de plonger dans une histoire écrite par un algérien d’origine et parlant d’un sujet difficile qui risquait de hérisser les gens bien pensants. Sans lui, je n’aurais pas eu d’acteur, parce que j’avais fait le tour et tous avaient  refusé. (…). Philippe Volter, lui, n’a vu que le rôle et que le jeu.

Un acteur intègre

A.B. : Il n’avait absolument rien à gagner à faire [mon] film mais il l’a fait. (…). Quand c’était bon et beau à jouer, il le faisait. Que ça le desserve ou que ça le serve en tant qu’acteur, je pense que là n’était pas la question (…).Il se situait dans une planète de jeu, d’art dramatique, de cinéma, de théâtre, de télévision. Il avait la certitude de savoir jouer, et quand il venait bosser sur un film, il apportait un don aux gens. (…).

G.C. : Volter s’est investi à fond dans le film (ndrl, le Maître de Musique), comme tout le monde, d’ailleurs. Mais comme c’est quelqu’un de très entier, il s’est mis dans le film avec une volonté totale d’y être, une volonté parfois un peu dérangeante pour le metteur en scène. Je dis ça, parce que c’est aussi une caractéristique du personnage : c’est un personnage entier et pur. Il ne s’est jamais compromis, je crois. Il a fait des essais, il est parti dans des directions. Toutes n’ont pas été celles qu’il aurait voulu prendre mais c’est quelqu’un de total. C’est Philippe Volter. Il faut l’accepter tel qu’il est et ça, c’est extraordinaire quand même!

A.B. : En faisant le film avec moi dans des conditions de production peu avenantes, il prenait tous les risques mais il ne s’est pas déballonné. Je pense que ce qui était important pour lui, c’était l’art. Et il a travaillé avec moi en tant qu’artiste parce qu’il était payé « que dalle ». Quand il a vu qu’on n’avait pas de cadreur et que ça avançait lentement, il m’a dit « je prends le cadreur, je le paye moi-même et on va plus vite! ». Donc, ce n’était pas une question d’argent.

G.C. : Pour ma part, il y a eu ce film qui a été quelque chose de fort. Lors de la promotion, il était là presque à chaque fois. Quand je suis parti aux Etats-Unis pour la nomination aux Oscars, la production ne pouvait pas payer les acteurs. Volter a payé lui-même son avion, son hôtel : il nous a suivis, il était là, avec nous. C’était vraiment un acteur, quoi!

A.B. : Philippe Volter a été un très grand comédien et nous ne pouvons que nous désoler de sa disparition (…) qui nous a privés de ce qu’il aurait pu nous apporter par la suite au niveau de son art. (…) Je vais te dire : moi, je me sens complètement floué. Quand j’ai appris son décès, je me suis dit : "Bahloul, tu es un pauvre con parce que tu as cru que Philippe Volter, c’était quelqu’un de solide, qu’il allait tout faire, qu’il allait tout casser avec cette espèce de force physique qu’il avait de se mettre en avant". Je me suis dit : "tu crois que tu as de la psychologie, mais t’as rien parce que tu ne l’as même pas vu passer et voilà, il est mort". Si j’avais compris ça, je lui aurais cassé la gueule vingt-quatre heures avant et il serait toujours là.

G.C. : Ces dernières années, je m’étais dit qu’au fond, ce serait bien de retravailler un jour ensemble parce que je trouvais que le personnage avait tellement changé, qu’il avait acquis une belle maturité, qu’il se bonifiait, qu’il avait trouvé son âge pour s’imposer peut-être comme un des acteurs les plus importants du cinéma français (…). Il se serait encore laissé quelques années, et je crois que finalement, il aurait trouvé sa place, cette place qu’il cherchait et qu’il ne trouvait pas vraiment. C’est vraiment dommage qu’il n’ait pas pu aller jusqu’au bout parce qu’il n’était pas loin (…). Je l’avais rencontré il y a 10 ans, au moment de la sortie de Farinelli. Il m’a dit : « J’ai l’impression d’avoir raté plusieurs trains » et c’était vrai qu’il y avait, je crois, une insatisfaction. Moi, je n’ai pas l’impression qu’il a raté des trains quand je vois ce qu’il a fait. Il a fait une très belle carrière en télévision et au cinéma. Je crois malheureusement qu’il s’était laissé enfermé les derniers temps dans la télévision. Il avait besoin de retourner au cinéma.

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