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Rencontre avec Aurélie Losseau, coordinatrice du Festival Cinéma Méditerranéen de Bruxelles

Publié le 05/12/2016 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

Le Festival Cinéma Méditerrannéen de Bruxelles, 16ème du nom, a su, avec en moyenne dix mille fidèles par an, trouver son public, en plus d'une identité particulière. Pendant une semaine, une septantaine de films issus de la vingtaine de pays du pourtour méditerranéen seront ainsi diffusés. Un événement qui s'ouvre ce vendredi 2 décembre, avec le dernier film d'Emir Kusturica, On the Milky Road (avec Monica Bellucci), et qui se clôturera vendredi prochain avec Quatretondeta, avec Sergi Lopez.

Aurélie Losseau, sa jeune coordinatrice de 32 ans qui gère le Festival depuis 2012, après avoir fait ses gammes au FIFF de Namur, nous en dit un peu plus sur cette initiative qui émane d'une collaboration entre deux structures, la COCOF (la Commission communautaire française) et l'ASBL Cinemamed.

 

Festival Méditerranéen 2016

 

Cinergie: Malgré une concurrence assez forte au niveau des festivals chez nous, votre événement semble trouver ses marques. À votre avis, pourquoi?
Aurélie Losseau: Peut-être parce que s'il n'est annuel que depuis 2013, il a quand même aujourd'hui vingt-sept ans! L'une de ses forces, c'est de pouvoir réunir des fans de cinéma qui sont là pour passer une belle semaine, et puis, ceux qui sont là en fonction de leur nationalité: les Grecs viennent voir les films grecs, les Israéliens viennent voir les films israéliens, les Italiens viennent voir les films italiens, etc. Sans oublier ceux qui choisissent de venir voir un film pour son sujet. On essaie d'avoir une bonne alchimie entre films plus pointus, notamment avec nos douze films en compétition (Big Big Worlds de Reha Erdem, Mort à Sarajevo de Danis Tanovic, Tour de France, avec Gérard Depardieu...), et peut-être plus légers, avec les huit autres films de la section panorama (Fai bei Sogni de Marco Bellochio, Timgad de Fabrice Benchaouche...), où l'on retrouve souvent des comédies maghrébines. Il y a des documentaires, des courts-métrages et des coproductions belges qui, entre autres, viennent renforcer la programmation. Le brassage culturel et générationnel se crée tout seul. Enfin et surtout, le festival reste volontairement démocratique : entre 3 et 5 euros la place.

 

C: De cette édition 2016, quelles sont les principales thématiques qui se dégagent?
A.L.: Si en fiction, on retrouve tous les genres, le documentaire, lui, propose une rétrospective assez intéressant sur le printemps arabe, qui va avoir cinq ans. Je songe au documentaire égyptien Trials Of Spring, qui offre un regard sur l'Egypte post-Mubarak. Ce qui m'inquiète un peu, de manière générale, c'est la condition de la femme et le poids des traditions dans la Méditerranée, qui restent encore très fortes. On a parfois l'impression d'assister à des retours assez inquiétants dans le passé...

 

C: Une programmation riche de 70 films, cela se nourrit comment?
A.L.: Sans grande surprise, le Festival de Cannes est pour nous un moment fort de l'année. En plus d'y voir et repérer énormément de films, c'est intéressant d'y nouer des contacts avec des producteurs et des vendeurs internationaux, en fonction de notre thématique. Après, nous gardons un œil sur les sélections de la plupart des festivals internationaux et bien sûr, nous recevons pas mal de films. Dans une programmation, le flair joue autant que la chance, mais nous la bouclons bien en amont afin de peaufiner le festival car nous restons une petite équipe, avec quatre personnes à la coordination et à la réalisation du festival, d'une poignée de passionnés et une trentaine de bénévoles, qui sont là au moment de l'événement. Tout cela implique une certaine polyvalence!

Aurélie Losseau

 

C: Au-delà des films, le Cinémamed est réputé pour son ambiance et ses nombreuses activités. Lesquelles, cette année?
A.L.: En marge des documentaires, comme Intégration Inch'Allah (Pablo Munoz Gomez)ou Molenbeek, génération radicale ? (Chergui Kharroubi et José-Luis Peñafuerte ), il y a souvent des débats. C'est quelque chose qui nous tient à cœur, car nous avons de nombreux partenaires associatifs et culturels. Puis, on a souvent des événements dans la foulée des projections. Nous avons par exemple profité de Born in Syria, qui évoque le parcours de réfugiés syriens arrivés en Belgique, pour proposer un concert de réfugiés syriens. Idem pour Who's Gonna Love Me Now, un documentaire où il est question d'une chorale gay londonienne, qui sera suivi d'un concert et d'une soirée avec une chorale gay bruxelloise. On tient à recréer une ambiance très méditerranéenne, pour que le public puisse échanger, discuter et même manger un bout, grâce à notre marché, dont l'argent récolté va à des associations...

 

C: Un festival, ce sont aussi des invités. Yoann Blanc, l'acteur principal de La Trêve, se retrouve ainsi pour la première fois juré d'un festival de cinéma!
A.L.: Cela nous semblait effectivement opportun, car cette série a marqué les esprits. Les cinéphiles apprécieront aussi, je pense, la présence de Marco Bellochio (NDLR: avec un cycle lui étant dédié à Cinematek), figure de proue du cinéma italien, et des cinéastes Reha Erdem et Férid Boughedir (Parfum de Printemps), l'acteur Slimane Dazi ou le rappeur Sadek, présent pour Tour de France. Puis des personnalités belges comme Olivier Masset-Depasse, Pablo Munoz Gomez, José-Luis Peñafuerte, Jawad Rhalib, Mourade Zeguendi.

 

C: On vous sent impliquée par ce festival. Que représente-t-il exactement pour vous?
A.L.: Je me sens en effet investie, car heureuse de pouvoir travailler dans un festival qui traite de thèmes forts et qui défend des valeurs qui me tiennent à cœur, telle que l'ouverture d'esprit, l'acceptation de l'autre... Voir avancer ce projet, essayer de le porter et de le concrétiser, c'est grisant. Mais pour moi, le plus beau cadeau que m'offre cette organisation, c'est lorsqu'on ouvre les portes au début du festival et que le public arrive. L'an dernier, nous avions notamment diffusé Fatima, de Philippe Faucon. Et de voir des gens sortir de la salle émus aux larmes, des hommes y compris, venir nous remercier, c'était très touchant. Rien que pour cela, on se dit que le jeu en vaut la chandelle, et on oublie alors les longues heures passées pendant l'année à remplir des dossiers de subventions (sourire). Nous ne sommes certes pas médecins et ne sauvons pas de vies, mais cela soulage de voir que ces investissements-là servent à faire un peu bouger les choses… 

http://www.cinemamed.be/

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