Midnight Dancer de Marco Zagaglia a été diffusé durant le mois de janvier au Festival du Film Indépendant « Courts Mais Trash » aux Riches-Claires de Bruxelles. François Marache, l’organisateur du festival, est un véritable dénicheur de petites merveilles cinématographiques décalées. Avec une bonne dose d’humour et de dérision, le jeune réalisateur belge d’origine italienne (fils de Paolo Zagaglia) plonge le spectateur dans le quotidien pathétique et routinier d’un groupe d’habitants dont la vie se résume principalement à refaire le monde en buvant des bières dans un bistrot local. La qualité des images et de la bande-son ainsi que des choix de plans surprenants font de ce film une véritable épopée onirique misérabiliste.
Rencontre avec Marco Zagaglia à propos de Midnight Dancer
Midnight Dancer débute par un gros plan sur l’acteur principal, Jean-François Molinghen. Ce dernier se trouve devant l’entrée du café et il répète inlassablement qu’il a réussi, qu’il a enfin arrêté de boire. Son accent verviétois et ses traits marqués par les expériences de la vie le crédibilisent instantanément dans son rôle de pilier de café de longue date.
L’action du film se déroule presque intégralement dans un bar de Verviers. Les dialogues abordent différentes thématiques sociétales : cruauté entre vieux amis de comptoir, homophobie, racisme ordinaire, violence gratuite,… En moins de quinze minutes, Marco Zagaglia réussit à mettre en avant toute l’abjection et la frustration que l'on peut retrouver dans les relations entre les habitués du café.
Mais loin de s’arrêter à un récit pour le moins banal sur l’alcoolisme dans les cafés, c’est véritablement au purgatoire de cet homme pathétique auquel nous assistons en direct. L’ambiance anxiogène est prenante et l’on obtient au final un véritable petit bijou de réalisme cynique. Avec une fin surprenante et une réalisation de haute volée vu le budget minimum alloué au projet, la rencontre avec le réalisateur était quasi inéluctable.
Rencontre
Marco Zagaglia : Ce projet me tenait fort à cœur et je voulais absolument retourner dans mon Verviers natal. Cette petite ville a connu son heure de gloire par le passé mais à l’heure actuelle, on peut parler de décadence morale. La contrainte principale du projet était de tourner tout le film dans un périmètre de 500 mètres, d’où sont issus tous les comédiens et figurants. Cela permet de fixer l’ambiance et de donner du réalisme au récit. En Italie, par exemple, on apprend aux acteurs à respecter les accents suivant les régions. Chez nous, on a plutôt tendance à vouloir gommer cela. Ce que je trouve dommage…
Cinergie : Comment s’est passé le casting, ça n’a pas été trop difficile à mettre en place ?
M. Z. : Je connaissais Jean-François Molinghen de longue date. Vincent Koerver, le méchant, a fait le conservatoire avec lui à Liège dans les années 80. Par contre, celui qui interprète un homophobe est simplement un habitué du café. J’ai donc dû m’adapter car on ne dirige pas de la même façon quelqu’un qui a fait le conservatoire et quelqu’un qui n’a jamais joué devant la caméra.
C. : Les images sont vraiment somptueuses par moments. Comment as-tu fait pour avoir ce résultat avec une équipe et un budget aussi restreints ?
M. Z. : J’ai tout mis de ma poche pour ce projet (5000 euros avec la post-production). J’ai ensuite confié la gestion des images à Mihnea Popescu. Il n’avait qu’un seul assistant pour tout faire. C’est donc vraiment une prouesse technique. Ce réalisateur photo est magique. Nous avons eu une longue réflexion commune pour rendre ce court-métrage onirique. La prise de vue anamorphique a, quant à elle ,permis d’arrondir les angles.
C. : Quel est le message central du film ? Tu parles de l’alcoolisme, de l’homophobie, du rapport au sacré, de la jalousie entre amis. Quel est le vrai fil rouge au final ?
M. Z. : C’est la crise des liens tout simplement. J’avais envie de parler des gens qu’on n’a pas envie de montrer. Les pires fachos, les mecs de bars. Ces personnes existent et je voulais les montrer de manière crue et brutale, sans essayer de positiver ou de dire qu’il y a de l’espoir derrière. Souvent, je trouve le cinéma un peu hypocrite. On doit toujours mettre une sorte de happy-end ou de faire passer un message positif ou d’espoir. Ici, rien de tout ça. Le contrepoids humain ne m’intéressait pas. Je voulais mettre en avant cette morosité générale. Je ne voulais pas être consensuel ou donner une image policée de la réalité.
C. : Une anecdote à propos du tournage ?
M. Z. : Pour la musique, nous avons capturé le son dans une chorale liégeoise pendant un match des Diables Rouges. Ça vaut un film à part entière. Chaque scène devait être transformée dans une façon qui n’est pas réaliste.
C. : Tu comptes faire tourner ton court-métrage dans des festivals au cours des prochains mois ?
M. Z. : Pour la diffusion, j’espère avoir des sélections dans des festivals les deux ans à venir. Wait and see !