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Rencontre avec Pascal Heuillard, responsable commercial de Studio L'Équipe

Publié le 03/07/2018 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

Un Studio unique en son genre

De Jaco Van Dormael à récemment Terry Gilliam, en passant par les frères Dardenne, Joachim Lafosse ou Fabrice Du Weltz, nombreux sont les réalisateurs de renom, belges ou non, à avoir finalisé leurs films dans les (immenses) bureaux bruxellois de Studio L'Équipe, incontournable lieu de post-production belge depuis plus d'un demi-siècle.

Pour évoquer cet endroit, rencontre avec le discret mais proactif Pascal Heuillard qui, à 53 ans, en est le responsable commercial depuis quatre ans.

Cinergie : Malgré un travail qu'on imagine déjà prenant au quotidien, on vous voit absolument partout : de Bruxelles à Cannes, en passant par Berlin, Namur ou Venise. Pourquoi ?
Pascal Heuillard : Car j'estime que cette présence fait partie intégrante de mon job, pour rencontrer et garder un contact avec les artistes et les producteurs. Cela permet aussi de rester au courant des projets qui se font. Puis, l'audiovisuel, et plus particulièrement le cinéma ici, reste à mes yeux un domaine où le relationnel et la convivialité sont primordiaux.

C. : Cinquante ans d'existence pour Studio L'Équipe, avec une notoriété qui va bien au-delà de la Belgique : c'est aussi pour vous, l'occasion de continuer à balader une marque forte, non?
P.H. : Clairement. Par l'envergure du lieu (NDLR: 5000 mètres carrés) et une installation d'un niveau comparable aux studios anglo-saxons, nous pouvons attirer de grosses productions internationales. Notre principal atout est d'avoir tout sur le même site : de la gestion des rushs d'un film à la post-synchronisation, en passant par le montage, le son, l'étalonnage ou le mixage. C'est assez unique pour le Benelux et même la France. Nous sommes d'ailleurs parfois sur-sollicités, avant Cannes notamment, raison pour laquelle nous bénéficions d'un deuxième site en Wallonie, à Bierges, qui nous soulage parfois.

C. : Outre la plupart des films belges, de nombreux films français viennent se finaliser ici. Un phénomène durable, selon vous ?
P.H. : Je pense, vu la réelle connivence entre cousins francophones, et cette habitude de travailler ensemble. Les équipes françaises connaissent bien les techniciens belges, et vice-versa. Donc oui, ça va perdurer, même si c'est plus difficile depuis que la France a mis en place des règles pour maintenir plus de productions à domicile, avec le crédit d'impôt. Cela modifie la répartition des dépenses, et plus particulièrement dans la post-production, justement. Autant, avant, nous gérions des films dans leur intégralité, autant à présent les choses se font de manière plus morcelée. C'est donc de plus en plus compliqué d'avoir la production complète d'un film français en Belgique. Et c'est dommage!

C. : Mais pour parer à cela, des alternatives se mettent actuellement en place, non?
P.H. : Absolument, c'est la raison pour laquelle des accords bilatéraux spécifiques se nouent ces derniers temps, avec des pays comme le Brésil, le Chili, Israël, le Mexique, la Suisse ou l'Ukraine. Entre autres. Donc, la vision des producteurs belges, historiquement centrée sur la France, change, car certains vont devoir travailler avec des pays peut-être moins communs. D'où un travail de pédagogie à effectuer, aussi au niveau des institutions belges, je crois. Mais avec ses facilités de financement, comme le Tax-Shelter, la Belgique jouit d'une d'attractivité puissante. À terme, cela peut amener des choses aussi neuves qu'intéressantes !

C. : Avec votre recul, comme Français et... bourlingueur, vous constatez un certain dynamisme, dans le paysage belge ?
P.H. : Oui, d'autant plus que la taille et la position géographique centrale du pays l'encouragent. Si je compare à la France que je connais forcément bien, il est extrêmement plus simple ici de rencontrer des ministres ou des attachés économiques, par exemple. Il y a une dynamique économique et de proximité rare. Et malgré ce que j'entends, le bilinguisme reste un atout. Flamands et Francophones se complètent, et pour Bruxelles, un organe comme Screen Brussels, via Noël Magis, entreprend en ce moment un travail majeur pour attirer davantage de productions flamandes et étrangères. Ce que nous essayons d'encourager aussi.

C. : Pour en revenir au Studio L'Équipe, qu'est-ce qui se met en place, à l'aube de cet été 2018 ?
P.H. : Terry Gilliam vient de terminer L'Homme qui tua Don Quichotte, qui a fait l'ouverture du nouveau Festival International de Bruxelles (BRIFF) et qui sort le 25 juillet. C'était un plaisir de l'accueillir pendant plusieurs semaines. Nous bouclons aussi les derniers films de Joachim Lafosse (Continuer) et d'Olivier Masset-Depasse (Duelles), et on attaque The Bouncer, avec Jean-Claude Van Damme, après avoir fini Nos Batailles de Guillaume Senez, L'Extraordinaire voyage du Fakir de Ken Scott ou The Hole in the ground, un film d'horreur belgo-irlandais. Par ailleurs, les séries n'ont jamais été aussi nombreuses, comme La Trêve 2 et Les Rivières Pourpres. C'est aussi ici, un peu plus tôt, que Ni juge ni Soumise a fini sa fabrication.

C. : En marge des changements constants liés à la technologie, vos studios doivent constamment évoluer, non ?
P.H. : En effet, mais c'est progressif et selon les besoins. Quand par exemple Jamel Debbouze est venu chez nous pour Pourquoi j'ai pas mangé mon père, il y a eu une demande spécifique d'un studio en Dolby Atmos, avec du son répercuté jusqu'à 64 enceintes, de tous les côtés, même au plafond ! Donc oui, depuis notre création en 1962, on s'est peu à peu équipé pour couvrir toutes les étapes de la post-production. Avec des éléments aussi variés que du sous-titrage, de l'audiodescritpion, et une capacité à s'adapter à tous les formats de diffusions, en télé, au cinéma et désormais avec des plateformes comme Netflix.

C. : Quelque chose à ajouter ?
P.H. : Que certains collaborateurs se baladent dans nos bureaux en trottinette, tellement nos bureaux sont grands ? (rire) Plus sérieusement, certains ne le savent pas toujours dans le milieu, mais Studio L'Equipe héberge en son sein d'autres sociétés, souvent liées à nos activités, comme des boîtes d'animation, de cinéma (court, long, documentaire...), de télévision ou d'effets spéciaux. De quoi faciliter des synergies et favoriser la création d'une mini-cité de l'audiovisuel. Et comme nous avons encore de la place...

http://www.studio-equipe.be/

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