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Rencontre avec Stéphanie Van Vyve, en marge du film Tout ça ne nous rendra pas Noël

Publié le 04/11/2025 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

Stéphanie Van Vyve : “Jouer, c’est comprendre le monde autrement”

Comédienne à la curiosité intacte après plus de vingt ans de carrière, Stéphanie Van Vyve enchaîne les projets. Elle est à l’affiche ce 5 novembre du premier film de Nathalie Uffner, Tout ça ne nous rendra pas Noël, adapté d’une pièce créée au Théâtre de la Toison d’Or, et toujours dans L’Homme qui rétrécit de Jan Kounen, aux côtés de Jean Dujardin. Deux univers différents, portés par une même énergie et un même goût du risque.

“Je suis une actrice intuitive. Dès que ça devient trop cérébral, je me perds. J’ai besoin d’être dans une forme de vitalité.” 

 

Dans le film d’Uffner, elle incarne Charlotte, une femme pragmatique, mariée à l’un des trois amis que le récit réunit le soir de Noël. “C’est une comédie de Noël où chacun fait ce qu’il peut avec ses contradictions. Nathalie a une façon très belge de parler de la tendresse sans pathos. Il y a comme un petit côté Tintin dans un univers familial cabossé.”

Quant au film de Kounen, elle l’a abordé “avec curiosité et légèreté. C’est une fable très visuelle. Ce que j’aime, c’est quand le cinéma garde une part de jeu et d’étonnement.”
Pour elle, passer d’un plateau belge à une production internationale n’a rien de contradictoire : “C’est le même geste, la même écoute. Le cinéma, c’est juste un autre espace pour éprouver le réel.”

Une énergie en mouvement

Cette idée de mouvement traverse tout son parcours. “Je tiens par l’activité, même si mon corps me rappelle parfois à l’ordre, forcément.” Entre le théâtre, le cinéma, la télévision et l’enseignement, ses journées sont toujours bien remplies. “Le changement m’a toujours stimulée, et les perspectives trop lointaines m’ont toujours angoissée. J’ai besoin d’avoir plusieurs vies dans la même journée.” Une forme d’hyperactivité assumée, nourrie par une éternelle soif d’apprendre.

Sur scène, elle joue en ce moment au Théâtre de la Toison d’Or dans Cellule de crise de Myriam Leroy. “C’est une pièce politique et comique à la fois. J’y joue une cheffe de cabinet confrontée à un ministre accusé de harcèlement moral et sexuel.” La mise en scène est signée Morena Prats, belgo-québécoise. “C’est intéressant de voir comment ce texte, écrit avant #MeToo, continue de résonner. Je vois bien à la sortie de la salle que ça éveille des réflexions, parfois des crispations.” Une pièce qui illustre bien son rapport au monde : lucide, engagé et sans raideur. “Le théâtre reste un espace où on peut débattre, rire et se heurter. Et cette collision entre le réel et le jeu, c'est ce que j'aime.”

Des mots au jeu

Avant le théâtre, il y a eu la langue. “J’adorais la grammaire, la linguistique… Je rêvais d’être prof de français — et je l’ai été, avant de bifurquer vers la scène — ou même de travailler sur les dictionnaires.” Étudiante en philologie romane à l’UCL, elle découvre le théâtre presque par hasard, à la suite d’une réunion de baptême universitaire. “Je suis sortie consternée, et en croisant un gars qui montait une pièce, j’ai dit : pourquoi pas ?” Ce premier rôle dans La Dame de chez Maxime agit comme un déclic. "J’ai ressenti un état de présence jubilatoire. J’avais la trouille, mais j’étais à ma place."

Quelques années plus tard, elle joue Les Caprices de Marianne, mis en scène par Freddy Bada. Dans le public, Benoît Poelvoorde lui glisse : “Oh mais toi, tu ne dois pas faire d’école, tu dois faire des castings.” Une phrase qu’elle n’a pas oubliée. Admise directement en troisième année du Conservatoire royal de Bruxelles, elle enchaîne aussitôt les projets, notamment pour la RTBF avec la série Septième Ciel Belgique en 2006 et 2007, qui la révèle. “Je ne voulais pas la faire au départ. J’avais peur de déplaire. Et pourtant, cette série m’a beaucoup appris.”

Une trajectoire libre

Depuis, Stéphanie Van Vyve trace un parcours multiple. Récemment, on l’a notamment vue dans les séries Invisible, Salle des profs, ou Quiproquo et, plus récemment, dans l'ambitieuse série flamande De Twaalf, dont la troisième saison – coproduite pour la première fois avec la RTBF – arrivera bientôt. “J’y joue une avocate. On a tourné vingt-trois jours, c’était dense, passionnant. C’est une série puissante sur la morale, la justice et la responsabilité.”

Sur les planches, elle collabore régulièrement avec Christine Delmotte, avec qui elle partage un goût pour les textes à la fois féministes et spirituels : Siddhartha, Ceci n’est qu’un rêve !, Nous sommes les petites filles de sorcières que vous n’avez pas pu brûler

En 2015, elle a reçu le Prix de la Critique de la meilleure comédienne pour L’Œuvre au Noir / Belle de nuit — un rôle charnière. “Ce prix-là, je l’ai vécu comme une vraie reconnaissance, quelque chose de très personnel.”

Respirer, transmettre

Comme chez beaucoup, l’expérience du Covid a modifié son rythme de vie. “Ces confinements m’ont obligée à ralentir. Avant, j’enchaînais sans m’arrêter. Maintenant, j’essaie de choisir, de respirer un peu plus.” Formée à la Danza Duende – une approche qui mêle mouvement, respiration et conscience du corps – elle poursuit cette recherche de présence. “Ça m’aide à sentir, plutôt qu’à vouloir. C’est une manière d’être au monde.”

Aujourd’hui, elle enseigne la déclamation à l’IAD, où elle aime confronter théorie et pratique. “Je rappelle aux étudiants qu’on ne joue pas pour plaire, mais pour comprendre.” Et elle s’ouvre aussi à d’autres espaces d’expression. “J’ai la chance maintenant de faire un peu partie de la sphère radio de la RTBF. C’est un média que j’adore. J’admire tous mes collègues, leur écriture et leur façon de s’exprimer!”

Apprendre, toujours

“J’aimerais écrire, un livre pour enfants par exemple. Quelque chose de sincère, sur le courage d’être soi.” Cette envie rejoint son parcours fait d'apprentissage, d'observations et de transmission. “Je ne sais pas si j’y arriverai, mais j’y pense souvent. Peut-être qu’il faut juste oser. Tant que je ressens du plaisir à explorer, je continue à avancer, à jouer et à comprendre.” 

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