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Rumba Rules, Nouvelles Généalogies de Sammy Baloji et David N. Bernatchez

Publié le 26/10/2022 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Y’a de la rumba dans l’air…

Rumba Rules nous plonge dans la vie frénétique de Kinshasa, et part à la rencontre de l’immense orchestre de Brigade Sarbaty. Coréalisé par l'anthropologue québécois David Nadeau-Bernatchez et l'artiste congolais Sammy Baloji, le film a été sélectionné pour concourir lors du prochain Brussels Art Film Festival.

 

Rumba Rules, Nouvelles Généalogies de Sammy Baloji et David N. Bernatchez

Sur scène, ils sont toujours près d’une trentaine, quelle que soit la taille de l’estrade. Ils s’appellent ou se surnomment Alfred Solo (guitare), Ya Mayi (batteur), Lumumba (chanteur), Panneau Solaire (danseur), Xéna la Guerrière (danseuse), mais aussi Pitchou Travolta, Aimé Dakota, Mentole Nsuka de Patates, Soleil Lizeze Patron, String Tele Tonton World, Chakaï Mumbala, Buldozer Soda, Robinsao Lazar, Sisi Edenda, Choco Liboma, Toum Mwana Chango, Billy Basse et Maître Ali Fantôme. Ils font partie du lineup mouvant, sans cesse en évolution de l’« Orchestre Sarbaty », formation menée par la star Brigade Sarbaty, qui fait danser la rumba dans les rues de Kinshasa. Cette enquête sur la scène musicale congolaise suit leur quotidien créatif, entre concerts, séances en studio et répétitions. 

Le film débute avec le retour médiatique de Brigade Sarbaty - surnommé « Président Sarbaty » ou « Le Prés’ » par ses musiciens – après une chute lors d’un concert qui l’a immobilisé pendant quatre mois. Il s’est relevé, dit-il, pour le peuple congolais. C’est pourtant la seule fois que nous verrons le leader de l’orchestre. Les cinéastes David Nadeau-Bernatchez (un anthropologue québécois) et Sammy Baloji (artiste visuel et photographe) se concentrent plutôt sur quelques-uns de ses musiciens et danseurs, qu’ils suivent pendant des mois, filmant leurs tribulations à Kinshasa et dans sa banlieue. « Apprendre à jouer la musique des aînés correctement » et à reproduire le « son des anciens » est leur principal objectif. « Ces jeunes ont du potentiel, mais il ne faut pas moderniser n’importe comment, pas abîmer ! », fait remarquer un musicien plus âgé. En effet, à Kinshasa, la musique est avant tout une affaire de tradition et de respect envers les aînés. Les paroles des chansons ne sont d’ailleurs souvent que des successions de noms de musiciens, morts ou vivants, à qui on rend hommage sur scène.

Comme on va le constater, au quotidien, le milieu de la rumba congolaise n’est pas si différent des autres microcosmes musicaux. Les différends artistiques en studio sont légion. Et la superstar, nous dit-on, est constamment suivie par « un entourage de gens qui ne foutent rien ». D’ailleurs, suite à une altercation avec des membres de l’entourage du « Président Sarbaty », le chanteur Lumumba quitte l’orchestre pour aller offrir ses talents à la concurrence…

Mais quels que soient les drames en coulisses, la rumba reste la musique de l’Afrique moderne par excellence, une sorte de compromis polyphonique et festif entre les musiques cubaines, coloniales et villageoises. Elle est avant tout une grande kermesse qui forge l’identité du Congo depuis plus de 60 ans et qui appelle à l’unité nationale. Aucun des musiciens de l’« Orchestre Sarbaty » n’est riche ou célèbre. La rumba est simplement leur raison de vivre. Leur musique dessine un portrait en chansons de l’âme du pays. C’est un rassemblement, une communion avec les anciens qui, pour ces musiciens et danseurs, relève du Sacré.

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