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Speech for a Melting Statue, un film du collectif Faire-Part, en compétition au BAFF

Publié le 16/11/2023 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Appeler l’Histoire 

En 2016, Anne Reijniers et Rob Jacobs réalisaient Echangeur à Kinshasa, déjà en compétition au BAFF. Quelques années plus tard avec Nizar Saleh et Paul Shemisi, ils signaient Faire-Part, qui donnera son nom au collectif qu’ils forment aujourd’hui à eux quatre et avec d’autres, de plus en plus ouvert et mouvant. À cheval entre la Belgique et le Congo, tous leurs films, réalisés à plusieurs, dans une volonté de questionnements et de dialogues, interrogent sans cesse l’histoire coloniale de la Belgique au Congo depuis les traces de cette histoire du côté de l’ancienne colonie. Avec Speech for a Melting Statue, ils imaginent la chute à Bruxelles de la statue de Leopold II qui trône encore sur les grands boulevards de la ville et rêvent d’un demain enfin réalisé.

Speech for a Melting Statue, un film du collectif Faire-Part, en compétition au BAFF

Sur des images d’archives à Kinshasa, images analogiques, bleutées et granuleuses, comme surgies d’un temps totalement révolu, quand des grues enlèvent les statuts de l’ère coloniale pour les embarquer au Musée (« où se trouve leur place ») tandis que les hommes déambulent librement dans Kinshasa, la poétesse Marie Paule Mugeni, dans un texte qu’elle lit en voix off, se projette  à Bruxelles, dans le Matongé d’ici, au début d’une journée hypothétique où la statue de Leopold II débarrasserait enfin le plancher.

Ces images d’archives rebondissent sur d’autres images, dont le grain numérique cette fois les rapproche de notre temps, qui filment l’immense foule rassemblée devant le Palais de Justice lors de la manifestation à Bruxelles en juin 2020 contre les violences policières et en solidarité avec le mouvement Black Lives Matter. Deux époques, deux pays se mettent ainsi à dialoguer avec leur histoire commune, que les mots tissent ensemble. Et dans ce montage parallèle, ce qui est advenu là-bas ne peut qu’être « rabattu », en quelque sorte, sur ce qui va advenir ici.

C’est que « le vent est toujours du bon côté » dit-elle dans son très beau texte en off.  Plus qu’une prière,  Speech of a Melting Statue est un très bel acte de foi en un demain qui ne peut qu’arriver, la libération venant depuis là-bas, du côté des opprimés, libérés et libérateurs.

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