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Aanrijding in Moscou de Christophe de Rompaey

Publié le 01/02/2008 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Coup de foudre à Ledeberg


Sorti sur les écrans essentiellement flamands, 
Collision à Moscou est le premier long métrage de Christophe Van Rompaey, après quelques courts métrages et des séries pour la télévision flamande. Notre curiosité est en éveil : le prochain projet de Van Rompaey, Blanco, est retenu au marché de la coproduction du Festival de Berlin en ce début du mois de février. Et il sera produit par CCCP, une maison de production bruxelloise qui détonne dans le paysage de la production flamande : c’est à elle qu’on doit les ovnis passionnants que sont Ex Drummer et Small Gods, entre autres. Voyage donc au Kinépolis de Bruxelles, seule salle où le film se joue

Moscou est un quartier d’une petite ville flamande, Ledeberg, où Matty, quadragénaire fatiguée, emboutit vaguement le camion de Johnny « Camione l’Amoroso » lors d’une malencontreuse marche arrière sur le parking d’un supermarché. Prise de bec, coup de foudre : de presque quinze ans son cadet, Johnny, au cœur tendre, amoureux de l’Italie, tombe très vite sous les coups de Matty, après une bagarre sur le parking où elle lui dit ses quatre vérités. Il est fait, et comme il ne demande pas mieux qu’être amoureux, le voilà parti conquérir sa belle Flamande qu’il trouve, bien entendu, aussi jolie qu’une Italienne. Cela n’ira pas sans résistances, engueulades et remises en questions. Collision à Moscou est un joli portrait de femme qui ne quitte jamais – ou presque jamais – son actrice des yeux. Interprétée par l’émouvante Barbara Sarafian, Matty est une femme fatiguée qui se débat avec sa vie et en oublie justement, d’être une femme. En pilote automatique, elle travaille à la poste, fait ses courses, le repas, la lessive, gronde son plus jeune fils, un peu renfermé, lutte avec sa fille aînée de 17 ans, un peu rebelle, tente de sauver un mariage qui bat de l’aile depuis que son mari, professeur de dessin, pris par le démon de midi, est parti avec l’une de ses étudiantes. Tandis qu’il hésite entre une vie longuement construite à deux et cette jeune étudiante (dont on ne saura rien sinon qu’elle communique – question de génération – par sms), Matty, elle, va succomber, après avoir lutté, un peu, avec son joli camionneur. C’est que Johnny a pour lui un caractère enflammé, innocent et généreux. C’est que Johnny a pour lui de croire à l’amour. 
Filmé de manière très réaliste, près de son actrice et dans les sillages de ses mouvements, Collision à Moscou fonctionne par cartons qui datent les rencontres de ce couple assez improbable et font évoluer le récit bien ficelé mais plutôt classique vers son heureux dénouement. Autour de répétitions de scènes-clés (dîners en famille, travail à la poste de Matty, allées et venues de Johnny, allers et retours du mari volage et indécis), avec quelques running gags légers (Monsieur Jacques à la Poste ou encore les sms), de jolies secondes intrigues étoffées
 
(la relation de Matty et de sa fille aînée, Vera, ou la tendresse d’un mari un peu lâche) et quelques moments burlesques (c’est que Johnny est rarement loin du ridicule), le film avance dans le quotidien de Matty, entre ses luttes, ses doutes et ses désirs, marquant son évolution dans son physique et son éclat, tantôt fatiguée et éteinte, tantôt jolie et lumineuse. La très belle photographie, plutôt réaliste, flirte souvent vers des contrastes plus chromatiques et féeriques (signée par Ruben Impens, à qui l’on doit, entre autres, le travail très stylisé de Steve + Sky de Felix Von Groeningen), ceux qui illuminent les nuits et les rêves de Matty.
 
Tourné à Gand pendant à peine 20 jours le mois d’août dernier avec un budget modeste de moins d’un million d’euros, Collision à Moscou est donc une comédie sentimentale qui affiche des ambitions modestes : divertir intelligent. Plutôt fin, tendre et léger, le film croque quelques-uns de nos travers, quelques rêves et quelques fragilités, « la vie normale », ou presque, d’une femme qui redécouvre le goût de l’amour.
Produit par A Private View, maison de production dirigée par le scénariste Jean-Claude van Rijckeghem, qui signe
 ici l’histoire avec Pat van Beirs, Collision à Moscou n’est pas sans s’apparenter à un autre film, lui aussi produit et écrit par Jean-Claude van Rijckeghem, Man zkt Vrouw de Miel Van Hoogenbemt, autre comédie modeste et tendre. Avec quelques productions pour jeune public, puis la comédie dramatique d’Hans Herbot, Verlengd Weekend, l’un des succès de l’année 2005, Jean-Claude van Rijckeghem écrit et produit, depuis 15 ans, des films ni formatés ni pointus, intelligents et modestes, qui séduisent et divertissent le public.
Ne pas sous-estimer le spectateur porte toujours ses fruits, tel pourrait être son credo et Man zkt Vrouw, qui, s’est classé à la cinquième position des meilleures entrées de films belges en 2007 avec 119 319 spectateurs, lui donne raison. On l’aura compris, Collision à Moscou, qui s’inscrit parfaitement dans cet esprit, est donc un film qui doit plus à son scénariste qu’à son réalisateur. Et même s’il fait la preuve ici de son savoir-faire, pour connaître un peu mieux Christophe Van Rompaey, il faudra donc attendre Blanco.

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