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Aboubakr Bensaihi - Rebel

Publié le 04/10/2022 par Kevin Giraud et Harald Duplouis / Catégorie: Entrevue

Quelques jours avant la première de Rebel, Aboubakr Bensaihi a le sourire, mais un peu de fébrilité aussi. Et on le comprend, à la sortie d’un tel projet. C’est pourtant avec bonheur qu’il échange avec nous sur cette expérience unique qui fut celle de travailler sur ce film, une tranche de vie à la fois éprouvante et inoubliable. Rencontre autour d’une performance aussi impressionnante que l'œuvre dont elle est extraite, et avec un acteur aussi humble que talentueux.

Aboubakr Bensaihi - Rebel

Cinergie : Comment vous sentez-vous, à la sortie d'un tel film

Aboubakr Bensaihi : Stressé, et heureux à la fois. C’est le cheminement d’un gros travail, d’un grand spectacle plus que d’un film. Mais en même temps, je n’ai qu’une envie, c’est que le film sorte. Mitigé donc entre le stress, et vouloir déjà être à l’avant-première. 

 

C. : Comment est-ce que tout a commencé ?

A.B. : En 2014, quand j’ai passé le casting puis le premier rôle pour Black. À cette époque-là, Adil et Bilall étaient en train d’écrire Rebel, et ils pensaient déjà à moi pour ce rôle. On a patienté, et à leur retour d’Hollywood, quand le projet a pu se concrétiser, ils sont revenus vers moi. C’est comme ça que j’ai atterri dans le film, et c’est là que tout a commencé pour Rebel, et le personnage de Kamal.

 

C. : Vous disiez, un grand spectacle plutôt qu’un film ?

A.B. : Il y a tellement de choses à la fois dans ce film, tellement d’aspects dans cette œuvre. On a l’impression de voir cinq films à la fois. Un documentaire, des vidéoclips, mais aussi de l’action, des séquences fortes. Comme celles des motos dans Bruxelles par exemple, on voit rarement cela à l’écran, et encore moins dans le cinéma belge. Tout cela rend le film unique.

 

C. : Comment s'est passé le tournage ?

A.B.: Super enrichissant, et super compliqué à la fois. Tant physiquement que psychologiquement, ce n’était pas facile. Il fallait aller très loin dans le retranchement, et en plus de ça, nous avons eu un accident en Jordanie. J’ai eu le nez cassé, il a fallu opérer, tout cela a ajouté des difficultés. Mais en même temps, ce tournage a été la plus belle expérience de ma vie jusqu’ici.

 

C. : Psychologiquement, un film difficile ?

A.B.: C’était compliqué, autant pendant le tournage qu’après, lorsque tout s’arrête. On ne reste pas insensible, autant pour ce qu’on a vu, ce qu’on a vécu, et ce qu’on a donné. Il m’a fallu trois-quatre mois de repos, à rester un peu seul dans mon cocon à la maison, pour pouvoir me remettre et aussi me préparer à la sortie. Mais l’un n’allait pas sans l’autre, et j’étais prêt. C’était un package complet que j’ai dû accepter, et j’y ai fait face.

 

C. : Vous êtes-vous préparé pour ce film ?

A.B. : J’aime beaucoup les documentaires, j’en regarde énormément. Je connaissais déjà cette thématique, d’autant plus venant de Molenbeek où beaucoup de familles ont vécu ce genre de situation pour de vrai. Et malheureusement, nous avons aussi dû regarder beaucoup de vidéos de propagande, d’exécution, qui sont très très difficiles à regarder. Mais pour ma part, je me sentais obligé de les regarder, je n’aurais pas pu entrer dans mon personnage sans avoir vu le regard de ces gens. Sans avoir vu cette réalité. C’est comme ça que je me suis préparé. En regardant des docus, en lisant des textes, des articles, et en discutant avec ces familles. Tu prends, tu prends, et tu en fais un personnage complet.

 

C. : Un personnage qui chante, comme vous-même en tant qu’artiste, mais dans un style assez différent.

A.B.: C’est vrai, j’ai toujours fait du rap. C’est une de mes plus grandes passions, et peut-être une de celles où j’excelle le mieux. Comment est-ce que cela s’est intégré dans le film ? Ce sont deux univers très différents, celui de mon premier album et celui de Rebel. Mais j’aime les challenges, et j’adore l’écriture. Ces textes me permettent aussi de montrer une autre facette de ma musique, de ce que je suis capable de ramener. Adil et Bilall m’ont donné carte blanche, je me suis amusé en écrivant les textes, et voici le résultat.

 

C. : Quel message voulez-vous faire passer avec le film ?

A.B.: Nous voulions montrer l’erreur de ces jeunes-là, et ce que ça a engendré. Sans montrer l’erreur, les gens ne comprendront jamais. Et puis c’est bien beau de faire un film sur ces sujets, mais il faut soit tout montrer, soit rien montrer. Et Adil et Bilal ont fait le choix de tout montrer, absolument tout. De la propagande à l’endoctrinement, en passant par tout le reste. Nous espérons que cela parlera aux jeunes, et que ça va les bloquer, ou les arrêter s’ils sont déjà dans le système. On espère pouvoir aller dans plein d’écoles, pour aller à la rencontre de ces jeunes, c’est le plus important.

 

C. : Depuis Black, qu’est-ce qui a changé selon vous ?

A.B.: Beaucoup plus de maturité, c’est certain. J’ai tourné Black en 2014, Rebel en 2021. Entre les deux, il y a eu beaucoup de choses, mais je pense que Black, c’est comme si je venais d’avoir mon CEB. Avec Rebel, je termine mon master, et je suis prêt à travailler vraiment maintenant, à aller plus loin dans mes envies de tournage.

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