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Berlin Telegram de Leïla Albayaty

Publié le 07/01/2011 par Dimitra Bouras et Arnaud Crespeigne / Catégorie: Entrevue

Après avoir visité le plateau bruxellois de Berlin Telegram, le premier long métrage de Leïla Albayaty, nous l'avons rejoint dans son studio de montage. Abrité dans une arrière-maison aux murs dénudés, les écrans grand format de Stempel Production soulignaient l'anachronisme de la création. Ce qui fût un atelier industriel est devenu le nid de l'imagination post-moderne, berceau d'une culture errante et hybride, à l'image de la jeune réalisatrice, comédienne et chanteuse. Une femme-orchestre.

 

Cinergie : Comment es-tu arrivée au cinéma ?
Leïla
 Albayaty : Il y a à peu près dix ans, j’ai commencé l’IAD, mais en même temps, je venais d’arriver en Belgique. En arrivant d’Irak, je n’avais pas vraiment envie de faire une école… J’ai donc décidé de faire un film, un documentaire. Je suis partie avec la caravane d’un ami pour faire un film sur lui et moi. Nous faisions du stop avec cette caravane que les gens accrochaient à leur voiture. À ce moment-là, je ne connaissais rien au cinéma. Je vivais à Paris, et quand j’ai parlé de ce projet là-bas, tout le monde m’a dit que c’était impossible, ne serait-ce que faire du stop comme ça. Quand je suis arrivée en Belgique, les gens étaient avec moi, tout le monde a trouvé l’idée super, et on m’a dit fonce, tiens, prends une caméra…
On m’a expliqué comment fonctionnaient les choses. Nous sommes partis en voyage, j’ai tout filmé, les gens, les pays qu’on a traversés, ce qui nous est arrivé, et je suis revenue avec des rushs. L’AJC m’avait un peu aidé, et j’ai rencontré Tabula Rasa, qui est devenu Stempel. Ils ont vu les rushs, et ils ont voulu le produire. Au fur et à mesure, j’ai appris plein de choses en autodidacte, comme le montage son… Après cela, Julien Sigalas, le producteur de Stempel, m’a proposé de faire le son d’un film, sur un long métrage. En faisant le son, avec un Nagra, je n’arrêtais pas d’écouter ma voix... Et on m’a dit « Tu devrais composer de la musique ». Mais je n’étais pas du tout compositrice. Et finalement, j’ai commencé à composer, parce que j’avais un petit piano et c’est vraiment devenu une passion. J’ai donc commencé à faire beaucoup de musique, donner des concerts. J’ai composé pour mon court métrage Vu, qui est lui-même né de la musique. Donc voilà, tout se mêle un peu dans mon travail, qui s’inspire de plein de choses.

C. : Mais tu avais tout de même commencé l’IAD en réalisation ? D’où est venue cette envie de faire de la réalisation ? Quand tu es arrivée en Belgique ?
L. A. : En fait, je suis partie à l’âge de 18 ans en Irak parce que je suis à moitié Irakienne. Quand je suis revenue, je me suis inscrite en architecture à Bordeaux. Là, j’ai eu un grave accident, et je suis restée à peu près un an à l’hôpital. J’ai repris l’architecture en sortant, mais comme j’étais restée un an bloquée (je m’étais faite renverser par une voiture), j’avais besoin de faire quelque chose avec mes mains. Quand je suis sortie de l’hôpital, j’avais perdu la mémoire des deux années précédentes, ou à peu près. J’ai pris une caméra Hi8, et j’ai filmé. Mes profs d’architecture m’ont dit « Ne reste pas en architecture, il faut absolument que tu fasses du cinéma. » C’est comme ça que j’ai présenté l’IAD et que je suis venue ici.

C. : Vu est donc un peu ton histoire ?
L. A. :
C’est une auto fiction… Ce n’est pas vraiment mon histoire, mais bien celle d’une femme qui a perdu la mémoire, qui se ne souvient pas, qui est dans un autre pays, qui se prend pour quelqu’un d’autre et veut oublier un homme parce qu’elle croit qu’il l’a quittée, mais ce n’est pas vrai... Bien sûr, c’est inspiré de ma vie, mais il y a toute la forme de Vu, dont j’ai fait la musique, que j’ai joué, dirigé, monté, tout ça. Je m’inspire de quelque chose de réel, mais c’est de l'auto fiction. Après, je crée un film qui a son propre style.

C. : Sur Vu, tu es un peu une femme orchestre, tu fais tout. Comment cela a été possible ?
L. A. :
Déjà, j’ai des gens autour de moi qui m’aident beaucoup parce que je ne suis pas actrice. Ensuite, ma façon de communiquer ne passe pas en des termes cinématographiques, mais ils comprennent vers quoi je veux aller. C’est un travail d’équipe, une histoire de confiance. Ce n’est pas facile pour moi d’être actrice et de réaliser. Surtout dans Berlin Telegram, mon dernier film, parce qu’il y a beaucoup plus d’acteurs, mais là j’ai été vraiment épaulée par le producteur, le chef op’… Les gens rentraient vraiment dans mon monde, et les acteurs aussi. Ce qui m’a intéressé dans le film que je fais actuellement, c’est d’être en relation avec plein de gens exilés comme moi, des gens qui vivent dans plusieurs pays. Mais notre relation a fait qu’ils ont confiance en moi, qu’ils jouent, non pas leurs propres rôles, mais ce qu’on a réécrit ensemble. On a beaucoup travaillé et finalement, quand ils jouent, on dirait de vrais acteurs. Enfin, certains en sont, mais la plupart non. C’est une histoire de relation. J’aime les gens avec lesquels je travaille.

C. : Tu peux en dire plus sur Berlin Telegram ?
L. A. :
C’est l’histoire d’une femme qu’un homme quitte pour une autre femme. Elle décide de partir à Berlin, complètement cassée. Elle arrive dans un monde totalement étranger, nouveau. Au fur et à mesure de ses rencontres, elle comprend, à travers elles, sa propre histoire. Elle s’ouvre complètement aux autres, leurs histoires entrent dans la sienne, et elle recommence à créer. Sa façon d’aller vers les autres passe au début par se protéger en filmant le monde, et au fur et à mesure qu’elle vit et apprend des choses, des histoires totalement autres que la sienne, elle refait sa vie, devient quelqu’un d’autre, plus généreuse, plus confiante, elle regarde le monde d’une autre manière… C’est une histoire de gens exilés.

C. : Et pourquoi Berlin ?
L. A. :
Par hasard (rires). Je me suis inspirée de ma propre histoire. J’étais en résidence musicale à Amsterdam, et je suis allée voir un ami à Berlin pendant trois jours qui m’a organisé, sans me le dire, deux concerts dès mon arrivée alors que je n’étais pas du tout au courant. Du coup, je suis restée 10 jours de plus, et j’ai finalement donné plein de concerts. Quand je me suis demandée ce que j’allais faire, je me suis dit que je n’allais pas retourner à Bruxelles parce que j’allais trop souffrir de mon histoire. Rester m’a semblé le meilleur moyen de ne pas avoir tout mon passé dans les yeux. Après, il y a plein de difficultés à être dans une nouvelle vie, bien sûr…

C. : Tu utilises à nouveau la caméra pour mettre de la distance entre toi et la réalité ?
L. A. :
Mais je ne suis pas une femme qui fait des documentaires. C’est une caméra un peu poétique. Et puis je suis quelqu’un qui a un grand besoin de créer. Si j’ai une guitare le matin, je compose. Si j’ai une caméra, je filme. Et ça va. Ça m’a toujours beaucoup aidée. Vu a eu une mention à la Berlinale, et on m’a donc invitée dans plein de festivals, dans plein de pays. Le film est né de ça, du fait de voyager dans différents pays sans avoir spécialement envie de n’être que dans les festivals et de ne parler que de cinéma. Je restais toujours un peu plus, je voyageais sur place, je filmais plein de choses, et j’organisais à chaque fois des concerts. C’était une façon de connaître le pays. Par exemple, à Kief, j’ai donné un concert à l'ambassade, et c’était une soirée assez chic. Le lendemain, je faisais un concert punk ! Je me sers de mon art comme d’un instrument pour me mettre dans des situations… C’est comme faire de l’autostop !

C. : Tes réalisations touchent parfois au journal filmé, mais en jouant devant la caméra et en mettant en scène quelqu’un qui lui-même filme, tu joues sur des mises en abîme vertigineuses. L.A. : En fait, dans Berlin Telegram, la manière dont ce personnage se reconstruit tient à sa décision de filmer ce qui va lui arriver. C’est pour ça que le film a ce double regard. Bien sûr, le film parle d’elle, d’elle perdue dans le monde, de ses rencontres, de ce qu’elle filme. Mais oui, c’est vrai, c’est une grosse mise en abîme.

C. : En tout cas, tu joues sur deux regards : celui de celle que tu filmes et le tien sur celle que tu filmes.
L. A.  :
Oui. Voilà. Par exemple, quand elle part à Berlin, elle part avec sa sœur et un ami qui sont très proches l’un de l’autre et, dans toute sa solitude à elle, elle les filme et filme l’amour qu’il y a entre eux. Ce n’est pas du tout une caméra objective, elle est totalement subjective. Elle, qui n’arrive pas et ne veut pas parler d’elle, trouve là sa manière de dire les choses.

C. : Vu était déjà une histoire entre deux sœurs.
L. A
. : En fait, c’est ça qui m’intéresse. Ma sœur n’est pas du tout actrice. Elle vit au Caire et vient exprès pour jouer dans mes films. Sa manière de jouer dans mes films est une histoire de confiance entre nous. C’est la seule qui me connaît à ce point, à qui je peux tout dire. Je ne me vois pas faire ça avec une actrice. Dans ce nouveau film, les gens ont tous leur parcours propre, et je ne travaille pas avec eux sur des répliques, tout se passe en impro, c’est eux qui me questionnent, me renvoient des choses, me racontent leur histoire. Ce film se passe aussi au Caire, ma sœur me fait donc voyager dans un monde qu’elle me fait découvrir, qu’elle m’ouvre, qui n’est pas du tout l’Occident, mais le monde arabe, avec des gens très généreux, la pauvreté …

C. : Et pourquoi as-tu choisi de tourner Vu en Italie ?
L. A. :
Je pensais faire Vu toute seule, comme Vacances, mon premier documentaire. C’était une vraie surprise que la Belgique m’aide sur ce film. C’était donc la première fois que je faisais un travail avec une équipe, ce qui n’était pas du tout évidemment pour moi à l’époque. Je ne connaissais rien à l’image, mais avec Sébastien Koeppel, le chef opérateur, qui est un super artiste, on a vraiment cherché une image pour le film, en regardant les pellicules périmées, en cherchant une matière un peu des années 60, un peu Technicolor. Je voulais faire un film qui ait vraiment son style, sans réalisme. D’autant que ce film est inspiré par la Nouvelle Vague. Au fur et à mesure de nos discussions, à partir de ce que j’imaginais et leur racontais, le producteur Julien et l’équipe m’ont dit qu’il fallait chercher un autre endroit, que ce que je décrivais était un film solaire qu’on ne pourrait jamais tourner en Belgique. On avait déjà fait tous les repérages, mais ils m’ont dit « Pars à Rome ». Le fait de partir en Italie m’a permis de jouer quelqu’un d’autre, cela m’a vraiment fait l’effet du syndrome de Stendhal (rires). Cela a entraîné toutes sortes de complications, de partir ainsi, avec toute l’équipe, mais cela m’a, en même temps, donné pour mon personnage quelque chose de vrai que je n’aurais pas su interpréter si j’étais restée en Belgique, trop proche de ma vie, de mon univers. Vu est devenu un vrai film. Voilà pourquoi Rome. Puis ma sœur, qui connaissait la ville, est venue sur le film.

C. : C’est un peu la complice des 400 coups ?
L. A. :
Oui (rires). Mais toute l’équipe entière a été complice. Pour eux, qui sortaient d’une école de cinéma, ils débarquaient avec moi qui disais « Allez, on filme ». Et j’ai fait beaucoup d’erreurs sur Vu. J’ai réalisé ça au montage où l’on a passé beaucoup de temps à créer le film parce que l’histoire était très dure à raconter.

C. : Est-ce que ta mère, dont tu parles dès l’ouverture de Vu, ou tes origines irakiennes sont des références importantes pour toi ?
L. A. :
En tout cas, depuis deux ans que je vais dans des festivals, les gens savent que je suis à moitié Irakienne et me posent des questions sur ça. Mais moi, je n’ai pas envie de parler de l’invasion américaine, de la Palestine… Ce n’est pas le sujet de mes films. Bien sûr que pour moi, c’est important, notamment dans mon nouveau film, on voit bien que j’ai une culture arabe. Mon père m’a appris à être fière de ma part de culture arabe. J’ai vécu avec quelqu’un qui avait fui le régime de Saddam, et qui était réfugié politique. J’ai été élevée par lui, qui ne pouvait pas retourner en Irak, et pour qui c’était très dur de vivre en France. C’est ma demi-culture, ça fait partie de moi et c’est très important dans ma vie.

C. : Est-ce que le thème de cette table ronde du Cinéma Méditerranéen de Bruxelles t’évoque quelque chose en particulier ? Qu’est-ce que cela signifie, pour toi, une femme du monde méditerranéen qui se saisit d’une caméra ?
L. A. :
Moi, j’adore prendre une caméra. Je trouve ça super intéressant d’être une femme qui prend une caméra. La première fois que je suis allée en Égypte, il y a trois ans, je suis partie seule, chez ma sœur. Une femme qui a l’air occidentale, au Caire, seule, dans la rue, tout cela rendait les choses difficiles. Plein d’hommes m’accostaient continuellement, me regardaient. Je n’avais pas envie d’être accompagnée tout le temps par des gens, mais de découvrir le Caire par mes yeux. Je me suis donc dit que j’allais trouver une caméra. D’un seul coup, j’ai vu une autre ville. Je venais de suffoquer pendant 5 jours d’être une femme et d’être autant regardée, et tout d’un coup, avec une caméra, je me suis sentie complètement protégée. J’allais dans plein de quartiers, où les enfants arrivaient tous vers moi, où j’avais une vraie connexion avec les gens, où je n’étais plus une femme. Cela m’a permis un autre rapport avec eux. Ensuite, je suis partie dans le Canal de Suez et à la Mer Rouge, toute seule, comme ça, avec cette caméra. C’était vraiment un moyen de me protéger et de rentrer dans des vies de gens totalement différents. J’ai des rushs qui sont super beaux, et que je n’aurais pas obtenus avec une équipe entière. Pour moi, prendre une caméra veut dire tellement. C’est pour ça que c’est aussi présent dans Berlin Telegram. J’adore la pellicule, j’ai grandi avec ça. Mes parents n’étaient pas du tout dans le cinéma, mais à 14 ans, j’ai rencontré une femme qui travaillait dans un cinéma d’art et d’essai et qui m’a proposé d’y aller gratuitement. Et je suis devenue totalement passionnée, j’y allais tout le temps, cela m’a ouvert les yeux. Je vivais comme dans un double monde, entre la réalité et le cinéma. On vit dans une époque où les moyens sont la HD, la DV. Je ne pense pas que c’est mieux, mais sans eux, je ne pourrais pas faire des films. Je suis contente de vivre en 2010 parce que cela me permet de faire ces films.

C. : Vu est un film très esthétisant. Les dessins que tu as faits sont très beaux d’ailleurs. Est-ce une volonté chez toi de t’éloigner d’un cinéma réaliste ?
L.A. : Je crois que chaque film a son propre style. Chacun de mes films a le sien d’ailleurs. Le fait d’avoir été amnésique, d’avoir perdu les liens avec la réalité m’a donné envie de faire Vu avec ces bribes de rêves. J’ai essayé de faire un film sur une perte totale de la réalité. Je ne sais pas ce qu’on comprend exactement, mais je n’avais pas envie d’expliquer, je n’avais pas envie que ce soit pathétique non plus. J’aime la réalité, j’ai ma propre vision de ma réalité. Par exemple, comme je suis étrangère aussi, que je vis un peu en Allemagne et que je parle un peu l’allemand, mais très mal, je vais dans des cafés, lire, écrire et cela devient totalement irréel parce que j’entends des mots, mais pas ce qu’on dit.Je vis tout le temps dans des trucs comme ça. Je ne vis pas en France parce que je n’ai pas envie d’entendre chaque jour raconter ce que Sarkozy fait. Je préfère être à côté. Je m’inspire de plus de choses, et je me sens plus dans la vie en étant à côté.

C. : Nous sommes venus sur le tournage de Berlin Telegram et c’était une scène où tu chantais. A quel moment du film se situe-t-elle ?
L. A. :
C’est le début. C’était une scène importante où elle essaie de se tenir, mais elle n’y arrive plus. Cette jeune femme est quittée par cet homme, mais elle va quand même sur scène faire son concert, chanter cette chanson écrite pour lui. Mais elle ne tient pas, elle pleure et s’évanouit après. Mais si le début est triste, et le film l’est, en même temps, être plongée dans une nouvelle vie, rencontrer des gens nouveaux qui se fichent de son passé, qui la rencontrent sur ce qu’elle est aujourd’hui, elle est obligée d’être toujours au mieux d’elle-même, ce qui le rend le film drôle par moments.  

C. : Ce n’est pas un peu frustrant de devoir être partout à la fois, de ne pas pouvoir te consacrer entièrement à ce que tu fais, être réalisatrice ou être actrice ?
L. A. :
Quand j’étais petite, j’ai toujours voulu être actrice. Et finalement, je suis devenue musicienne, puis réalisatrice. Dans Vu, je n’avais pas envie de jouer le rôle. Mais si ce n’était pas moi, qui ? Pour Berlin Telegram, j’ai cherché une actrice pour interpréter le rôle pendant 4 mois. Mais finalement, si ça n’avait pas été moi, le personnage n’aurait pas ces relations avec ces autres personnages, et ce ne serait pas le même film. Mais c’est fou, oui, d’être derrière, devant, derrière, devant la caméra. Comme les scènes se passent souvent entre moi et les acteurs, des gens que je connais, avec qui j’ai des relations, on parle beaucoup, on cherche, et je n’ai jamais le temps de faire l’image, alors je passe derrière la caméra plus tard, je vois après. Finalement, dans l’équipe, tout le monde a eu une place dans la réalisation. Par exemple, le preneur de son me renvoyait que ce que je disais aux gens n’était pas logique, ne faisait pas sens. Le producteur faisait les claps, me dirigeait... Tout cela est une histoire de confiance. Le film se fait comme ça. Avec un tout petit budget, plein
de gens, dans plein de pays, les acteurs appartiennent à beaucoup de pays différents, c’était un planning fou. Mais on a pu faire tout ça grâce à cette équipe-là. Dans cette scène par exemple, je devais faire un concert, mais ce n’était pas tout à fait mon concert parce que je devais interpréter un personnage. On a filmé au Café Central à Bruxelles, c’était super dur parce que les gens venaient voir un concert et ne savaient pas qu’on faisait un film, ils me voyaient jouer et ne comprenaient pas. Ça a été un vrai bordel. Mais bon, il faut faire des trucs fous parfois !

C. : La difficulté ne te fait pas peur ?
L. A. :
Mais il y a des trucs qui forment. J’ai eu cet accident. Le type s’est barré, je ne sais pas qui m’a renversé. Je suis restée un an à l’hôpital. J’ai cru que j’allais m’en sortir, mais je n’ai eu que des complications. J’ai dû me faire opérer du genou huit fois. J’avais super mal, je supportais plus ma jambe, je voulais qu’on la coupe... Et en fait, les accidents, les coups durs, font qu’on devient quelqu’un d’autre. Ce truc-là m’a rendu courageuse. J’ai réussi à avoir plein de désirs pour la vie. Je suis devenue réalisatrice parce que j’ai eu cet accident, et d’autres trucs durs dans ma vie. Je suis comme tout le monde, j’ai mon courage et mes peurs. J’avais lu une phrase que j’aurais aimé comme titre du film, mais c’était un peu trop compliqué : « Je porte en moi tous les rêves du monde » … J’aime le désir, rêver, mettre en rêve, être insoumise. Voilà.

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