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BIFFF 2025 : U Are the Universe de Pavlo Ostrikov

Publié le 23/04/2025 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Enfin seul ! 

Alors qu’il largue des déchets radioactifs dans l’espace entre la Terre et Callisto, un satellite de Jupiter, seul dans sa navette (avec MAXIM, son ordinateur de bord, pour seul compagnon), le cosmonaute Andriy Melnyk (Volodymyr Kravchuk) est témoin de l’explosion de la Terre, détruite, semble-t-il, par une guerre nucléaire. Vraisemblablement devenu le dernier être humain dans l’univers, il se désole de l’absurdité de son existence… jusqu’à ce qu’il reçoive l’appel de détresse d’une survivante et décide, au péril de sa vie, de partir à sa recherche.

BIFFF 2025 : U Are the Universe de Pavlo Ostrikov

Plus d’histoire, plus de culture, plus de politique, plus de haine, plus de guerre, plus de littérature, plus de musique, plus de médecine, plus d’internet, plus de télévision, plus d’amis, plus de confiture, plus de pastis… Plus RIEN !... Voilà ce qu’il reste à Andriy après ce (prévisible) gâchis. L’Humanité entière se trouve maintenant dans sa boîte de conserve. Retrouver cette survivante, une météorologue bretonne prénommée Catherine, devient pour Andriy la seule chose à faire. Communiquant avec elle par radio et à l’aide d’un programme de traduction instantanée, il apprend que sa station, en orbite près des anneaux de Saturne, est sur le point de brûler dans l’atmosphère et qu’il n’a qu’un temps très limité pour lui venir en aide. Les débris de la Terre risquent d’atteindre Andriy dans les 24 heures et, avec un réacteur endommagé, son voyage a des chances de se transformer en mission-suicide – ce qui ne plaît guère à MAXIM, dont les directives sont de protéger Andriy à tout prix… 

Est-il possible de rendre la fin du monde incroyablement romantique ? C’est le défi que s’est lancé Pavlo Ostrikov, qui réalise une charmante tragicomédie douce-amère en huis clos, entre film-catastrophe ultime et romance, sur l’air de… Voyage Voyage, de Desireless ! Quelle raison y a-t-il de vivre quand il ne reste rien au monde ? Une seule : la possibilité de l’amour (et par là même, le seul moyen de faire perdurer l’espèce humaine). Pour combattre sa solitude, Andriy est prêt à se sacrifier s’il le faut, mais c’est sans compter sur sa maladresse innée avec la gent féminine. Si les premières conversations entre les deux survivants se déroulent bien et qu’ils tissent au fil des jours des liens d’affection réels, partageant le même sens de l’humour, le grand maladroit ne tardera pas à faire quelques malheureux faux pas… 

Le film est entièrement tenu par ses dialogues (souvent amusants, notamment lorsqu’Andriy et Catherine, séparés par 700 000 kilomètres, apprennent à se connaître en répondant aux tests d’un magazine féminin), son humour (le seul fauteuil à bord de la navette d’Andriy est cassé), et surtout par la performance de sa tête d’affiche, seule (ou presque) à l’écran pendant 1h41. Dans le rôle de ce doux dadais à l’air constamment ahuri, cherchant désespérément un sens à son existence, Volodymyr Kravchuk s’en donne à cœur joie dans un numéro qui lui permet de dévoiler une large palette d’émotions, ses scènes virevoltant du burlesque (il se lance dans un one-man show à la radio) à l’émotion la plus soudaine, quand il réalise enfin ce que représente la perte de l’Humanité entière. 

Co-production belgo-ukrainienne tournée pendant la guerre, U Are the Universe épate par ses qualités visuelles et techniques, notamment des effets spéciaux spatiaux qui transcendent un budget restreint et une approche minimaliste. Mais ce sont surtout des petits moments de poésie inattendus qui marquent ici : notre Robinson Crusoé des temps modernes, qui sculpte des visages humains en plasticine, fait le portrait de Catherine en suivant ses descriptions et lui fait la conversation en fixant son œuvre. Sans parler d’une scène finale dans l’espace poétique et touchante. What a blast !

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