Les participants du Bilan annuel de la production, de la promotion et de la diffusion cinématographique audiovisuelle en Belgique francophone ont pu assister à un sketch qui résumait l'état d'esprit d'une profession dont la précarité augmente.
Bilan de l'audiovisuel en Belgique francophone 2003
Un raboteur disait à un charcutier : "Partout ailleurs on envoie les vieux canassons à l'abattoir. Ici on est plus rapide. On forme des pur-sangs et on les envoie directement à l'abattoir !". Toute une génération qui a grandit avec les succès du Huitième jour, de Rosetta ou d'Une liaison pornographique a du mal à comprendre que, dans un monde ou l'audiovisuel est en expansion, la part financière que la Communauté française investit dans ce secteur est en stagnation.
Cavale de Lucas Belvaux
Et pourtant, Henry Ingberg, le Secrétaire général de la Communauté française, a souligné que 23 longs métrages avaient été soutenus, soit le double de l'année 2002, que Le Fils des frères Dardenne est classé par le New-York Times au troisième rang des dix meilleurs films vus en 2003 aux Etats-Unis, et que 80 prix ont été décernés à des films belges dans les festivals internationaux (40 pour les longs métrages et 40 pour les courts métrages). Mais a-t-il précisé " les demandes d'aides étaient de 327 en 2003, pour 224 en 2002. Soit une progression de 46 % sur 327 demandes, 103 ont reçu une promesse d'aide, c'est-à-dire 13 de plus qu'en 2002. De plus se sont mis en place, de façon complémentaire, un fond régional comme Wallimage et le Tax Shelter devraient permettre à plus de projets d'aboutir ". Certains films ne trouvent pas leur public dans les salles de notre pays mais se rattrapent à l'étranger. C'est le cas de la trilogie de Lucas Belvaux - qui a obtenu le Prix Delluc et est nommé aux Césars - qui a fait 700.000 entrées en France et en Belgique, tandis que Le Tango des Rashevski, a obtenu 230.000 entrées dans les deux pays. On est encore loin des 1.109.807 spectateurs pour Rosetta. Mais c'est l'ensemble du cinéma européen qui enregistre une baisse générale de la fréquentation des salles.
Chantal Pirlot, Présidente de la commission de sélection, se fit l'avocate du malaise de la profession en demandant que le montant de celle-ci soit doublé. L'enveloppe actuelle, d'un montant de 7.685.232 €, étant un facteur d'étouffement. "Nous ne pouvons plus jouer notre rôle moteur d'une sélection culturelle. Il n'y a plus de place que pour les projets consensuels sur lesquels la majorité des membres se met d'accord. On n'ose plus prendre de risques. De plus, nous avons été obligés de soustraire 20% des budgets présentés rendant la tâche des producteurs plus difficile pour trouver des partenaires". Et Mme Pirlot d'ajouter : "pour la première fois nous avons dû écarter des projets qui avaient obtenu l'unanimité au premier tour". Il est donc important " d'obtenir un financement complémentaire pour accompagner la tendance à la croissance de notre cinéma". C'est son paradoxe, le cinéma belge n'a jamais été aussi créatif mais les moyens d'accompagner son "bond en avant" n'existent pas. "Notre commission, conclut la présidente, est au bord de l'implosion et ne trouvera bientôt plus personne pour travailler dans ces conditions difficiles".
Le Tango des Rashevski de Sam Garbarski
On attendait donc les propositions de Daniel Ducarme, le Ministre de l'Audiovisuel, qui préfère le concret aux discours promit une consolidation des acquis. Ça à l'air d'une blague mais en audiovisuel, le secteur ne dispose même pas de ce filet de protection que sont les contrats programmes qui existent dans le domaine théâtral. Concrètement, Daniel Ducarme entend soutenir les salles d'art et d'essai, aider uniquement les festivals de Namur et de Bruxelles plutôt que l'ensemble de ceux-ci, créer Bruxellimage à l'instar de Wallimage. Apercevant des membres de la RTBF dans la salle, il leur dit : "la RTBF n'assume pas comme elle le devrait l'identité de notre communauté. On ne lui demande pas d'être un observateur mais un acteur de la vie culturelle avec des coproductions qui mettent en valeur nos ressources. Tourner en communauté c'est en faire connaître l'image et être un relais pour créer de la croissance et de la richesse. J'ai trop souvent l'impression qu'il y a peu de différence entre la chaîne publique et les chaînes privées". Les questions de la salle furent précises et incisives, Frédéric Sojcher de l'ARRF et Luc Jabon de PRO SPERE ont demandé au Ministre si la logique culturelle (Commission de sélection) n'était pas grignotée par l'existence d'une logique économique (Tax Shelter, Wallimage et bientôt Bruxellimage. Le Ministre a précisé qu'il n'était pas question de toucher au budget de la Commission de sélection mais qu'il fallait consolider les deux pôles. D'une part, le pôle culturel de la commission et d'autre part, le pôle économique avant de pouvoir envisager une percolation entre les deux approches. Etant lui-même persuadé que la logique économique pouvait générer des moyens pour le culturel. Bref, consolidation jusqu'en 2007 (en ce moment se négocie la répartition du refinancement de la Communauté française). "Si des extras peuvent se dégager cela augmentera vos lignes de crédits budgétaires".
Stéphane Vuillet sur le tournage de 25° en hiver
Marion Hänsel annonça la sélection en compétition internationale du Festival de Berlin du film 25°en hiver de Stéphane Vuillet, qui aura l'honneur de clôturer le festival. Le paradoxe continue : la qualité des films est reconnue à l'étranger et la pauvreté des moyens pour les réaliser subsiste.