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Bye bye Tiberiade de Lina Soualem

Publié le 07/02/2024 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

La réalisatrice Lina Soualem relate dans Bye bye Tiberiade la vie de quatre générations de femmes palestiniennes qui ne sont autres que ses aïeules et elle-même. Très documenté en archives vidéo, ce témoignage personnel et poignant fait office de mémoire collective afin que personne n’oublie l’histoire de ces populations. Mais plus qu’un simple documentaire, il s’agit d’une immersion poétique dans l’histoire familiale de la réalisatrice.

Bye bye Tiberiade de Lina Soualem

Si certaines images sont uniques en leur genre et peuvent surprendre le spectateur, ce récit intime et autobiographique de la réalisatrice franco-palestino-algérienne n’a pas vocation à réexpliquer tous les événements qui ont défini la géopolitique de la région, au contraire. Il s’agit plutôt de mettre en lumière le vécu de son arrière-grand-mère, de sa grand-mère et de sa mère, la comédienne Hiam Abbass. Forte et indépendante, chacune apporte à la narration des éléments spécifiques qui permettent d’un peu mieux comprendre le vécu ainsi que le ressenti des populations palestiniennes et des femmes sur une période qui s’étend de 1948 au départ de sa mère pour la France. Née à Paris, Lina Soualem dévoile ainsi ses secrets familiaux de manière originale.

Tiberias ou Tibériade est la capitale de la Galilée. Il s’agit de la région d’origine de son arrière-grand-mère. Celle-ci a vu ses rêves de devenir professeur brisés par la conquête de territoire israélienne de 1948 lors de la fondation de l’État hébreu. Bâtie sur la rive ouest du lac de Tibériade, la ville est devenue aujourd’hui une station balnéaire israélienne dont les sources chaudes sont réputées pour leurs vertus thérapeutiques.

Cette ville sainte, au même titre que Jérusalem, a connu plusieurs dominations et drames au cours de son histoire. Plusieurs sources relatent le massacre oublié de Tibériade en 1938 lors de la révolte arabe. Ce n’est donc pas un hasard, mais bien un acte politique fort de l’État hébreu lors de sa création de mettre le joug sur ce territoire en 1948, lors de sa fondation. Il s’agit également du point de départ de ce récit de Lina Soualem qui coïncide avec le départ forcé de son arrière-grand-mère de Tibérias.

Loin de mettre de l’huile sur le feu et de vouloir créer de l’animosité entre les peuples, "Bye Bye Tiberias" fait office de plaidoyer pour le pardon, comme le stipule clairement sa maman lors de l’une de ses nombreuses interventions. Si certains souvenirs douloureux semblent difficiles à être partagés, le recours à des poésies ainsi qu’à des lectures des carnets d’adolescentes de ces femmes confère une authenticité surprenante aux propos.

Les vidéos familiales du père de Lina Soualem constituent un véritable trésor qui confère une dimension supplémentaire aux images historiques et contemporaines utilisées dans ce reportage. Il en ressort une vision moins caricaturale de la femme palestinienne que dépeinte habituellement dans les reportages sur la région. Avant-gardiste et traditionnelle à la fois, la vision de ces femmes vivantes, joyeuses et courageuses dans l’adversité résonne comme un témoignage inspirant sur la résilience et la volonté de vivre.

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