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Canton la chinoise de Robert Rombout

Publié le 01/01/2003 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Est-ce dû à son voyage dans les différentes Amsterdam du monde (Amsterdam via Amsterdam, coréalisé avec Roger Van Eck , recherche poétique et pleine d'humour sur les identités)? Rob Rombout semble avoir décidé de nous emmener dans les villes. Résultat, ce premier film, qui doit être suivi d'autres portraits de métropoles, consacré à l'exotique Canton (en collaboration avec Robert Cahen). Exotique...? Toutes les grandes cités ne se ressemblent-elles pas?

Canton la chinoise de Robert Rombout

C'est du moins ce qu'on se demande en découvrant, à travers la vitre mouillée de pluie d'une automobile, rythmés par le battement des essuies-glace, ces grands boulevards, ces gratte-ciels, ces entrelacs d'autoroutes urbaines, de lignes de métro et de passerelles qui s'entrecroisent sur plusieurs niveaux. Et au-delà de la monotonie architecturale, n'existe-t-il pas une certaine forme d' "urbanité", une culture commune aux citadins qu'on retrouverait à travers le monde? Un cantonnais n'est-il pas, d'une certaine manière, plus proche d'un bruxellois, d'un new-yorkais, d'un tokyote, d'un habitant du Cap ou de Rio que d'un paysan du Guangdong, cette vaste région agricole dont la grande métropole du sud de la Chine est la capitale? Cette pensée vient immanquablement à l'esprit du spectateur en écoutant les cinq personnages que les réalisateurs utilisent comme "passeurs", pour nous aider à pénétrer quelque peu la mentalité cantonnaise.

 

Plutôt que de se mettre en position de dispensateurs de savoir, les cinéastes choisissent en effet de se mettre au niveau de leur public. Comme nous, ce sont des voyageurs qui débarquent. Ensemble, on commence par découvrir la ville à travers les vitres du taxi, de la chambre d'hôtel. Puis on fait des rencontres. Celle d'un diplomate français en poste là-bas, celle d'un intellectuel chinois reconverti en libraire, celle d'une jeune fille venue de la campagne et qui se construit une vie... Au-delà du béton, ce sont alors les gens qui éclairent la ville de leur regard. Ensuite, davantage familiarisé, on s'aventure dans les petites rues, les parcs, les restaurants, s'éloignant quelque peu des quartiers des affaires et du tourisme. Jusqu'au jour où, en compagnie de nos nouveaux amis, on pourra prendre le train pour une incursion dans la campagne environnante. Mais toujours, on est un étranger, quelqu'un qui côtoie, qui découvre et qui cherche à comprendre.

 

Les cinéastes prennent soin, de préserver précieusement cette distance, cette subjectivité. De belles images impressionnistes où la pluie, cette lumière particulière qui filtre à travers les nuages de mousson, les taches de lumière servent de filtre entre nous et la réalité brute. C'est tellement beau qu'on en vient à regretter le côté bavard des interviews, qui pourtant participent nécessairement au projet des cinéastes. On voudrait s'abandonner tout entier à l'atmosphère méridionale de cette mégalopole grouillante et trépidante. Mais le film, toujours, nous ramène dans la réalité. Car Canton la chinoise n'est pas un film touristique, fut-il poétique, c'est une réflexion sur les réalités urbaines, vues à travers le prisme de la culture de la Chine du sud. Le réalisateur indien Shekar Kappour expliquait dans une récente interview que la culture occidentale est dominée par la structure et la culture orientale par le chaos. C'est effectivement l'impression qu'on retire souvent d'un séjour dans une métropole asiatique. Canton ne semble pas faire exception, mais la ville ne perd jamais ses droits. Chinoise, japonaise, indienne, européenne, américaine, elle a ses priorités incontournables. Toujours la même et chaque fois différente.

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