Céline Novel à propos de Oh la la !
Cinergie : Quel est le film déclic que tu as vu enfant ou adolescente et qui t'as donné envie de réaliser?
Céline Novel : Plus que des films, ce sont des réalisateurs, dont j'ai vu les oeuvres pour la première fois AU CINEMA, qui m'ont donné le goût de la mise en scène. Et plus qu'un déclic, je dirais que c'est une flamme que j'entretiens constamment en re-visionnant leurs films. Woody Allen et Manhattan. L'humour de ce type totalement névrosé, la poésie magique du noir et blanc, Diane Keaton et Woody Allen qui se chuchotent des choses au planétarium. Cassavetes et Love Streams. Ces personnages sont bouleversants et ce réalisateur est totalement sincère en tournant. Leur amour débordant a traversé l'écran et m'a touchée droit au coeur. Barbara Loden et son sublime Wanda. Une vision de la femme très originale, personnelle, audacieuse, radicale. Mais au-dessus de tous, il y a Maurice Pialat et TOUS SES FILMS. Quand j'ai le moindre doute sur la voie que j'ai choisie (la réalisation), j'en regarde un, de préférence L'Enfance nue. Illico presto, l'énergie revient et ma foi dans le cinéma est comme au premier jour.
C. : Le noir et blanc est un choix plus esthétique qu'économique de nos jours. Pour quelles raisons l'avoir choisi?
C. N. : Je voulais qu'à travers la photographie du film transparaisse un sentiment de profonde mélancolie que les personnages n'expriment pas ouvertement. Pour traduire cette tristesse latente, le noir et blanc peu contrasté me semblait approprié. D'une manière générale, le noir et blanc m'attire beaucoup. J'y suis plus sensible qu'à la couleur.
C. : Le film a un petit côté burlesque mais aussi un côté "contes moraux" à la Rohmer, est-ce un choix?
C.N : Effectivement, le burlesque est un choix. J'aime créer un humour distancié où l'individu ne maîtrise pas totalement ce qu'il met en place, où les objets prennent un malin plaisir à vous taquiner. Je compte d'ailleurs poursuivre dans cette veine-là. Je n'ai jamais pensé aux « contes moraux » et je ne connais pas bien le cinéma de Rohmer aussi suis-je mal placée pour en parler.
C. : Les plans fixes avec raccord dans l'axe plutôt que l'utilisation du zoom renvoient au cinéma de la Nouvelle Vague?
C. N. : La Nouvelle Vague française, je l'avais en tête pour la lumière du film. Ma référence était « Adieu Philippine de Jacques Rozier. Il y avait aussi Les Fiancés de l'italien Ermanno Olmi pour le cadre. J'aime les cadres à distance des personnages, d'apparence simples, fixes et frontaux. Je ne me rapproche que si c'est vraiment nécessaire, pour faciliter la transmission d'une émotion bien précise. Pour ce film, le zoom me paraissait impudique, agressif et il ne correspondait pas à la temporalité du film. En tant que spectatrice, je n'aime pas qu'on m'impose quelque chose à regarder. Je préfère déplacer mon regard à l'intérieur d'une image et avoir le temps de le faire. Alors j'ai fait pareil pour mon film.
C. : Le contexte autour de Marguerite sont très présents dans le cadre. Son lien avec la nature de Belle-île (j'imagine que c'est Belle-île ) est une des choses que tu jugeais important de donner à voir?C. N. : Oui. Cela servait le propos du film mais donnait aussi une tonalité bien particulière au tournage. La maison était réellement isolée, à l'écart d'un hameau, au bout d'un chemin en terre et face à l'océan. Je n'aurais pas pu tourner dans un lotissement et tricher les axes de prises de vue pour faire croire qu'il n'y a personne autour ! Il n'y avait vraiment personne d'autre qu'une équipe de cinéma, une maison et un chien galeux qui a réussi à s'immiscer dans une prise. C'est à nouveau affaire de sensibilité : je me sens bien dans les décors naturels, les lieux déserts, dépouillés avec une nature de préférence rustique ! J'ai filmé des espaces dans lesquels je me sentais bien et qui visuellement m'inspiraient tout de suite des cadres.