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Clémentine Delisse, programmatrice du Pink Screens Queer Film Festival

Publié le 21/10/2022 par Fred Arends et Harald Duplouis / Catégorie: Entrevue

Depuis 21 ans, le festival Pink Screens interroge les identités de genre, les sexualités minoritaires, et tente de déconstruire les rôles sociaux et genrés, l'hétéronormativité et l'hétéropatriarcat. Films de tous horizons et de tous formats dévoilent des récits de résistance, d'amour et de désirs. Proposant des films très pointus avec des films plus grand public, le festival n'hésite pas à faire des propositions esthétiques audacieuses. Ce festival queer est également un lieu de rencontres et d'échanges pour les communautés lgbtqi+ et féministes. Rencontre avec Clémentine Delisse, l'une des programmatrices du festival.

Cinergie : Aujourd'hui, pour cette 21e édition du festival Pink Screens, comment définiriez-vous l'identité du festival ?

Clémentine Delisse : Le festival Pink Screens est le festival de films queer de Bruxelles. C'est un festival qui se plaît à bouleverser les codes de la binarité, de l'hétérosexualité et de l'hétéropatriarcat et qui est traversé par les vies et les imaginaires des personnes Lgbtqia1, les identités minoritaires et les sexualités à la marge. Il s'agit de visibiliser ce cinéma, de multiplier les regards portés sur cette communauté. Montrer et célébrer ces identités multiples.

 

Cinergie : Quels sont les grands axes de la programmation cette année ? 

C.D.: Le festival cette année continue à être très ouvert dans ses propositions. On ne se focalise pas a priori sur un thème en particulier même s'il y a toujours des fils roses ou rouges qui se dégagent. Pour cette édition, en plus d'une rétrospective totale du réalisateur portugais qu'on aime beaucoup, Joao Pedro Rodriguez, et qui sera présent au festival pour la projection de l'ensemble de sa filmographie, y compris les courts-métrages, ainsi que pour une masterclass. Nous avons également un focus sur les archives des communautés queer et leur transmission que l'on retrouve dans plusieurs documentaires. Enfin, un troisième thème qui se détache cette année, un peu inattendu, est celui des religions. Dans ce focus que nous avons nommé « Hot My God », on retrouve un documentaire sur une idylle entre deux nonnes dans un couvent croate et qui parle de résistance, et de l'enfermement par rapport au patriarcat dans des communautés religieuses. Par ailleurs, nous avons un film polonais un peu dur qui parle des identités homosexuelles et catholiques dans un pays où l'on doit se confronter à la montée des fascismes et des lgbtphobes quand on est une personne homosexuelle et religieuse.

 

Cinergie : Pouvez-vous nous parler de la table-ronde qui aura lieu à Cinematek et qui s'inscrit dans le projet Our Story sur les archives queers ? 

C.D. : Cela fait plusieurs années que nous collaborons avec Cinematek où l'on a mis en place des séances de ciné-club qui s'appellent Our Story et qui mettent en avant l'héritage lgbtqi au cinéma. Cette année, nous avons deux séances à Cinematek qui vont parler des archives et de l'histoire du cinéma lgbtqi. Pour la première séance, nous accueillerons Monika Treut, réalisatrice allemande, qui a réalisé, il y a vingt ans, un documentaire sur des activistes trans' à San Francisco (Gendernauts, 1999) et vingt ans plus tard, elle va retrouver les protagonistes pour un nouveau film (Genderation, 2021). Cela permet de voir l'héritage et l'évolution de l'activisme trans. La deuxième séance se fera sous la forme d'une table-ronde avec des personnes qui nous parleront de l'utilisation des archives dans le cinéma queer et plus généralement, de la question des archives dans les communautés. Il y aura des chercheur.se.s, des artistes On va s'interroger sur la manière dont on archive aujourd'hui et comment utiliser ces archives pour la transmission. Comment collecte-t-on nos archives, de manière institutionnelle ou communautaire ? Pink Screens a 21 ans et nous nous sommes posé la question de nos archives. Cette question des archives sera aussi au cœur de documentaires qui vont, chacun à leur manière, utiliser des archives qu'elles soient photographiques, audiovisuelles ou écrites pour dresser le portrait de personnalités de la communauté ou pour faire émerger des récits de personnes totalement inconnues.

 

C: Le festival met toujours l'accent sur le cinéma belge avec une séance de courts-métrages. En quoi cela est important pour vous ?  

C.D. : On a toujours voulu mettre en avant une séance totalement belge, c'est notre séance « Made in Belgium » où l'on présente des films de réalisateur.trice.s belges ou qui ont fait une production en Belgique. C'est une séance assez magique où l'on rencontre le milieu du cinéma queer en Belgique.

 

C.: Vous recevez beaucoup de films belges ? 

C.D. : Oui ! Les queers font du cinéma aussi en Belgique. On reçoit de plus en plus de films belges, des films d'écoles, des films d'animation, des films auto-produits. Cette année, nous avons également deux longs-métrages belges dont le premier long-métrage de Nicky Lapierre, Astro. Les réalisateur.trice.s sont toujours enchantés de montrer leur film aux Pink Screens, cette séance est aussi une manière de les accompagner.

 

C. : Le quartier général du festival est toujours le cinéma Nova, lieu historique des Pink Screens, et depuis plusieurs années, vous vous déployez dans la ville en collaborant avec les cinémas Art et essai de Bruxelles. En quoi cette collaboration est-elle importante pour vous et permet-elle de proposer d'autres choses ?  

C.D. : Oui le quartier général est le cinéma Nova avec qui nous co-produisons le festival et qui nous tient à cœur. C'est un lieu chaleureux qui nous accueille les bras ouverts. Effectivement, nous avons multiplié les partenariats avec d'autres cinémas, le Galeries, l'Aventure, le Palace et Cinematek (aussi au Beursschouwburg, ndlr). On a aussi pu élargir notre espace d'expositions, dans les caves du cinéma Galeries.

 

C. : Le festival est devenu un événement culturel important à Bruxelles et reconnu, même au niveau international. Comment voyez-vous le festival dans le paysage non seulement audiovisuel belge mais aussi communautaire ? 

C.D. : On est toujours content que le Pink Screens réunisse autant de monde. Après 21 ans, le festival reste un rendez-vous important pour la communauté. Au-delà du cinéma, c'est un moment de rencontres, un moment chaleureux. Et nous sommes tous.tes bénévoles dans l'association durant l'année et d'autres bénévoles travaillent avec nous au moment du festival. Et notre engagement est d'autant motivé par l'enthousiasme du public.  

 

www.pinkscreens.org

1Lgbtqia: acronyme désignant les personnes lesbiennes, gay, bisexuel.le.s, trans', queer, intersexué.e.s, agenré.e.s

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