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Diurno Doliente"Remember your name, Babylon"

Publié le 12/09/2016 par Anne Feuillère / Catégorie: Entrevue

Passer le temps...

Ils sont amis, ils ont tous les deux étudié le cinéma, ils partagent le même point de vue sur le monde. Bram Van Cauwenberghe a fait des études de sciences politiques avant de faire une formation de cinéma documentaire en Espagne. Marie Brumagne, elle, a suivi la filière réalisation de l'IAD puis elle s'est lancée dans un road movie qui devait passer par Almería et sur lequel Bram Van Cauwenberghe l'assistait. Mais ce projet n'a pas abouti. Au lieu de quoi, les voilà aujourd'hui de retour du 18e FICA brésilien avec en poche le Prix du meilleur long-métrage documentaire, qu'ils s'apprêtent à présenter au Festival du Film d'Ostende et au Milano Film Festival. Né de leurs amitiés et de leurs rencontres avec un lieu et ses habitants, Remember Your Name, Babylon est un film entièrement autoproduit, réalisé à 4 mains, dans le respect et l'attention des regards croisés. Qui bruisse d'une colère sourde contre notre monde violent et absurde.

Cinergie : Comment est né ce désir de réaliser ce documentaire ?
Marie Brumagne : J'avais un projet de fiction, un road movie qui devait passer par Almería. J'y suis donc allée plusieurs fois et la situation des gens là-bas m'a beaucoup interpellée. Bram m'assistait sur ce projet. Nous y avons passé beaucoup de temps ensemble et cette collaboration à deux s'est avérée très naturelle, presque organique. Comme le projet de fiction n'allait plus se faire, que nous étions sur place sans plus de logement à Bruxelles, nous avons décidé de rester là, de partir sur ce documentaire et de le coréaliser ensemble. Nous avions tous les deux la même envie d'une expérience plutôt immersive et engageante dans cet espace avec ces personnes que nous étions en train de rencontrer.

C. : Combien de temps êtes-vous restés là-bas ?
M.B. : Beaucoup de temps. Peut-être un an, au fil de nos allées et retours.

C. : Vous viviez sur place ?
Bram Van Cauwenberghe : Nous avons souvent loué des appartements pas très loin des serres. Cette zone est très touristique et hors saison, quand les prix étaient trop élevés pour nous, nous allions dormir dans notre voiture, et nous faisions notre film à partir de notre camionnette rouge. C'était un peu notre maison.

Cinergie : Vous avez pourtant filmer un désert.
B.V.C. : C'est aussi véritablement un désert, ce qui rend totalement absurde la culture des légumes et des fruits. La terre est très aride. Tout pousse de manière très artificielle. L'eau vient des montagnes, on amène de la terre. On est en train d'épuiser le sol pour faire ces cultures.
M.B. : La réalité que nous avons découverte là-bas nous a beaucoup secoués. Le monde de fonctionnement de notre société nous était déjà inconfortable, mais Almería concentrait énormément de cette violence qu'on peut déjà ressentir ici.

C. : À partir de l'ouverture, de cette bande son qui raconte une traversée de la mer, le film semble s'ouvrir après la mort, dans une espèce de purgatoire ?
B.V.C. : Le monde qu'on a filmé a quelque chose de cet ordre-là. C'est en tout cas un no man's land entre deux mondes, une salle d'attente un peu affreuse.
M.B. : Nous avions aussi cette sensation d'être dans un endroit post-apocalyptique, dans un « après », après la fin de quelque chose. Et c'est sans doute aussi le début d'autre chose, mais de quoi ? Ce lieu nous a aussi très fortement marqué. Il est très impressionnant, lunaire, désertique. C'était un espace que nous pouvions investir de notre imaginaire, où construire une réalité, ramener dans l'image ce qui nous y interpellait. Quelque chose de l'ordre de la fable, qui nous attirait beaucoup, devenait là possible. Réussir à être à la fois dans le domaine du sensible et de la fable a d'ailleurs été un équilibre très délicat à trouver au montage. Il ne fallait pas perdre l'humanité des petites choses que nous donnaient les personnages pour que le spectateur arrive à être en empathie avec eux. Cela a été vraiment notre souci. On sait très peu de choses de ces gens, ils n'ont pas de prénom, pas d'histoire. Mais au final, on arrive à être touché par cet  « un petit peu ». Il n'y a pas de récits de vies, mais de petits gestes du quotidien comme faire son pain, ranger sa maison, des gestes que tout le monde partage. Nous avions très envie de sortir de l'informatif qui est pour nous devenu inopérant. Le pari du film était qu'à travers ces petites choses-là, faire sa lessive, appeler sa famille, se créerait un lien avec le spectateur au-delà de l'histoire singulière de chacun... Un lien peut être ténu, mais celui d'une humanité commune en tout cas.

Marie Brumagne et Bram Van CauwenbergheC. : Pourquoi avez-vous fait le choix de ces plans statiques, qui font avancer le film par tableau ?
B.V.C. : Nous n'avions pas écrit de scénario. Nous avons fait le film en tâtonnant, en essayant des choses. Les plans fixes se sont imposés à nous. C'était la meilleure façon de capter la tension qu'il y avait dans ces espaces, dans ces moments.
M.B. : L'esthétique d'un film, c'est aussi son économie, c'est-à-dire notre matériel, notre espace, celui des gens que nous filmons. On ne pose pas sa caméra de la même manière dans un château que dans une cabane. Il n'y avait pas mille endroits où mettre cette caméra. Elle était à la place de l'invité, entre le lit et les casseroles. Et puis la réalité, c'était que rien ne bouge et que rien n'allait bouger. Il n'y avait rien à suivre. Les chemins sont en cul de sac. Et les activités sont très limitées. On a eu envie de s'ancrer là. Et puis c'était aussi une manière de travailler le hors champ sonore, qui est une part constitutive du film. Nous voulions privilégier le sensible à l'informatif. Le son a pris beaucoup de place dans la construction du récit parce qu'il fallait donner une densité à l'image, jouer avec cet espace, donner au cadre une profondeur. Tout cela était possible avec le plan fixe. Je crois qu'inconsciemment aussi, le plan fixe a été une manière pour nous de mettre de l'ordre dans le chaos, de se fixer, de s'ancrer. Le chaos est partout là-bas, dans la vie des gens, mais c'est aussi dans le lieu lui-même, une énorme poubelle pleine de poussière à ciel ouvert. C'est difficile d'y trouver son chemin, dans tous les sens du terme. Nous étions nous aussi très fragiles, avec peu de moyens et de matériels. Il nous fallait poser formellement quelque chose de très fort pour avoir un cadre de travail ferme dans lequel trouver notre propre liberté.
B.V.C. : Cette forme est aussi venue d'un souci de résister à la tentation du spectaculaire. Nous ne voulions pas exploiter ce genre de choses, comme l'incendie de la maison de l'un des personnages.

C. : Sans scénario, quelle a été votre méthode de travail ?
B.V.C.: Nous avons commencé à monter très tôt. Dès le tournage, nous avons cherché à poser des images. Le montage et le tournage ont avancé en même temps. Nous avions ce luxe-là, d'avoir du temps et de pouvoir chercher notre écriture en toute liberté.
M.B. : Pour un premier film, nous avons eu beaucoup de liberté. Si nous n'avions pas beaucoup de moyens, nous avons pris tout le temps dont nous avions besoin. Et on a pu passer le temps qu'on voulait avec les gens. On a très peu filmé finalement par rapport au temps qu'on a passé avec eux.

C. : Comment avez-vous choisi vos personnages ?
B.V.C. : Il s'agit plutôt de rencontres qui se sont faites très naturellement avec certaines personnes avec qui nous nous sentions bien et qui sont devenues des amis. On a passé énormément de temps avec eux, on a traversé des moments difficiles aussi. Quand on se sentait bien avec quelqu'un, tout se mettait en place de soi même et au bout d'un certain temps, on pouvait sortir la caméra. Tout s'est fait très progressivement. Au début, nous avions toujours la caméra avec nous, mais nous ne filmions pas. Et puis graduellement, on a commencé à filmer. Tout s'est mis en place petit à petit.

C. : Comment passiez-vous ce temps ensemble ?
B.V.C. : Nous allions chez quelqu'un manger un bout et on passait l'après-midi sur place. Il pouvait y voir de grands moments de silence. C'est une expérience assez forte de passer parfois des heures entières, avec des gens sans dire un mot. Au début, cela nous faisait, d'une certaine manière, un peu peur. Ce n'est pas quelque chose qu'on fait ici à Bruxelles, où on va voir ses amis pour faire des trucs ensemble ou parler pendant des heures. C'était une expérience très différente. Au fur et à mesure, nous nous sommes sentis bizarrement très bien, très entourés. Passer le temps de cette façon là, avec des gens que tu aimes, qui t'aiment, sans parler, c'est très apaisant... L'un des personnages parlait à peine espagnol. Avec lui, c'était vraiment difficile de communiquer. Et nous avons passé des après-midi entières ensemble sans se parler, à boire du thé...
M.B. : On a suivi je crois toutes les saisons d'un soap turc ou brésilien, je ne sais plus, à la télévision (rires). On ne comprenait rien à ce qui se passait, mais ça n'était pas grave, on nous l'expliquait. Nous avons commencé à partager les mêmes intérêts. Et puis, il y avait mille petites choses à faire. Nous avions notre voiture, on faisait les courses, on conduisait les gens à d'autres endroits, à l'hôpital quand il y avait des accidents. On préparait le repas... Tout cela prend une autre place que chez nous. Une autre temporalité nous a été imposée dans laquelle nous nous sommes bien retrouvés.

C. : À aucun moment, votre présence n'a été malvenue ? Ou du moins questionnée ?
B.V.C. : Je n'ai jamais eu ce sentiment-là, non. Mais nous ne sommes pas arrivés en posant notre caméra et en commençant à filmer directement. Nous avons pris énormément de temps et nous avons été honnêtes avec ce que nous tentions de faire. On n'a jamais filmé quand on sentait que ça n'était pas le moment. Et à la fin, on nous demandait même de filmer (rires). La caméra a fini par faire partie de la vie là-bas. Je crois que c'est parce qu'on a vraiment passé beaucoup de temps là-bas, sans urgence. Nous n'avions pas du tout ce stress, qui se transmet, de devoir filmer absolument un truc ou l'autre aujourd'hui.
M.B. : Il était très clair pour nous que si filmer devenait problématique pour quelqu'un, nous arrêterions. Ce qui s'est d'ailleurs passé. Nous nous étions promis de la même manière, que si la question de l'argent se mêlait à ça, ou qu'intervenait un rapport de force qu'on ne souhaitait pas, nous arrêterions de filmer. Je pense que la caméra a aussi joué un rôle de médium dans la rencontre. Comme pas grand-chose ne se passait, elle est devenue l'objet d'un jeu. La caméra s'est installée très progressivement parce que c'est évident qu'une caméra n'a rien à foutre là-bas. D'autant que des caméras, dans ce coin, on en voit quand les journalistes viennent, qu'ils posent 50 euros, demandent une interview. Nous, nous avions une drôle d'identité. On ne ressemblait pas à des journalistes, on dormait dans notre camionnette qui parfois ne marchait pas... La question de notre présence était un peu trouble. Mais informellement, nos intentions et nos moyens ont été très vite compris.

C. : Il y a quelque chose que vous ne filmez pratiquement pas du tout, c'est ce fameux travail.
M.B. : Oui. C'était une question essentielle, savoir si on le filmait ou pas. Il nous a très vite semblé que soit il était l'objet à part entière d'un film, soit on ne le filmait pas du tout. On a donc décidé de l'éluder. Et puis, nous nous sommes rendu compte que ce travail était partout, dans leur conversation téléphonique... Tout est lié à ce travail qui va donner accès à ces fameux papiers et tout changer.
B.V.C. : On aurait pu filmer tout ça. Nous avions accès facilement aux serres. Les propriétaires de ces serres ne sont pas de grandes multinationales, ce sont des gens du coin qui cultivent leur bout de terrain. Et ils en sont assez fiers. Ils auraient eu envie de nous montrer leurs installations modernes. Mais ça a été notre décision. Cela aurait donné un autre film qui n'avait pas sa place dans celui-là.
M.B. : Nous n'avions pas envie de filmer leur identité de travailleur, mais plutôt ce qui en eux était plutôt de l'ordre de la condition humaine et qui était partageable. Pas l'identité du clandestin dans sa fonction, mais celle de l'humain, dans sa non fonction, la vie dans ces petits gestes qui rendaient ce lien possible entre eux et nous.

C. : Est-ce que votre propre dénuement a permis aussi cette proximité avec les gens que vous filmiez ?
M.B. : Venir avec une voiture de location neuve ou avec son vieux chariot que tout le village doit pousser une fois par semaine, parce qu'il ne marche pas, n'instaure clairement pas le même rapport. Dans tous les cas, nous n’avions pas les moyens de tout ça. Nous avions juste les moyens d'être là, de vivre, d'acheter des cassettes pour la caméra, d'aller faire quelques courses. De toutes manières, c'est comme ça que nous voulions aborder le tournage. Nous n'aurions jamais pu faire le même film dans d'autres conditions. Ce dénuement était nécessaire mais il n'est pas feint. C'est notre propre dénuement ici. On a fonctionné avec le strict minimum, sans production. Nous avions juste de quoi faire le film avec notre matériel, s'il ne nous lâchait pas. Et ce que nous avions emprunté à des amis. Si nous pouvions faire quelque chose nous mêmes, on le faisait, on avançait. De fil en aiguille, on a tout fait, ou presque.
B.V.C. : Mais cela correspondait très bien à l'autonomie que nous cherchions dès le départ. Nous avions vraiment envie de travailler dans la liberté la plus grande. Notre désir était de n'être dépendant de rien ni de personne. Nous ne voulions pas attendre des financements, écrire mille dossiers. Et nous avons beaucoup appris grâce à cette aventure, notre autonomie s'est encore accrue. Nous avons tout fait sur le film, à part l'étalonnage.
M.B. : Mais travailler sur le son nous a pris presque deux ans. Nous ne sommes pas des techniciens, nous n'avions pas de moyens. On s'est coltiné la matière, on a commencé à apprendre. C'était notre désir : nous réapproprier des outils qu'on sentait, d'une certaine manière, un peu confisqué.
B.V.C. : Nous ne sommes pas pour autant monteur, mixeur, ingénieur du son. Ce sont de vrais métiers que nous ne maîtrisons pas. Nous y avons surtout consacré beaucoup de temps. L'économie de notre film nous y a forcés. On a aussi eu des coups de main d'amis, des gens nous ont expliqué tout bêtement comment certains logiciels fonctionnent. Ils nous ont mis sur le bon chemin, je crois. Sans ces amis qui nous ont soutenus, je ne sais pas si on y serait arrivé. Mais faire un film est un travail d'équipe et c'est préférable. Cela dit, aujourd'hui, si on veut faire les films qui nous tiennent à cœur, on est un peu forcé de travailler comme ça.
M.B. : Forcé oui, mais c'était aussi notre envie. Nous partagions ce désir de nous réapproprier ces outils qu'on ne maîtrisait pas. Et c'est comme ça qu'on apprend. Et se coltiner des tâches comme le mixage ouvre bien plus l'écriture d'un film que la rédaction des intentions. Toute cette aventure a été très compliquée, difficile et fragile mais cela nous a énormément appris.

C. : Pensez-vous que votre démarche soit trop différente pour trouver des soutiens plus institutionnels ?
M.B. : À partir de notre sélection à l'IDFA, nous avons reçu du soutien financier des organismes pour pouvoir faire un DCP, des dossiers de presse, des choses comme ça. Mais ça s'arrête là. Et puis, tout s'est enchaîné. Ce n'est pas si compliqué que ça de trouver des espaces pour projeter notre film, il faut passer des coups de téléphone dans les salles de cinéma, envoyer le film dans les festivals, s'organiser... Alors, nous l'avons finalement fait nous-mêmes. Il passera par exemple à Berlin une semaine cet hiver, nous n'avons pas réellement de sorties, mais plutôt des dates.
B.V.C. : Lorsque nous avons demandé des aides après la sélection à l'IDFA, on nous demandait si le film était majoritairement flamand ou francophone (rires)... Mais nous ne savons pas répondre à cette question ! Pour nous qui n'avions pas été financé par l'une ou l'autre communauté, comment répondre à ça ? Tout cela est très complexe en réalité. Lorsque nous avons fini notre film, nous l'avons directement proposé à des festivals. Mais les institutions ont des dates butoirs, de remises de dossier, des choses comme ça. Tout cela prend beaucoup de temps. Nous, nous devions avancer. C'est difficile de faire entrer notre approche singulière dans un système institutionnalisé, de déposer un dossier où tu expliques que ton travail va durer très longtemps parce que tu veux faire le montage, le mixage toi-même... C'est une démarche qui sort tellement du cadre qu'elle est difficile à remettre dans la voie institutionnelle. Un réalisateur nous a fait cette remarque, que notre film n'avait pas de carte d'identité pour accéder à tout ça. Mais ça lui va bien, en fait !
M.B. : À une époque, notre film était un peu sans-papiers. Il n'a pas d'histoire, de pedigree, de cachet. C'est un film de chambre. Et dans ce milieu, les choses se font de façons formelles mais aussi informelles. Si tu vas à un repas avec tel producteur, et tu parles de tel ou tel film, d'un tel qui est en train de faire ça ou ça... Nous, nous sommes arrivés avec un truc qui sortait de nulle part et une identité un peu trouble puisque nous n'avions pas de production... C'est difficile de faire entrer ensuite le film dans des voix plus officielles. Nous devons continuer maintenant à le soutenir nous-mêmes.

C. : Comment avez-vous travaillé à deux ? Vous vous-êtes partagés les tâches ? Ou vous avez plutôt tout pensé ensemble ?
B.V.C. : Nous avons vraiment tout fait à deux. À partir du moment où nous avons senti quel film nous voulions faire, nous avons travaillé en confiance. Si Marie se mettait à monter des images pendant la semaine, je n'allais pas être surpris en les visionnant. Même quand on faisait le cadre, on le cherchait à deux. Tout s'est fait à 4 mains. Aucun de nous ne s'est spécialisé.
M.B. : Et puis cela dépendait des jours, de notre énergie, de nos idées. Certains jours, l'un avait une idée plus claire de ce qu'il avait envie de proposer. Cela pouvait changer en cours de route : Bram proposait un cadre, je n'avais pas d'idée et je le laissais faire, et puis je le reprenais... Nous ne sommes pas les mêmes bien sûr, nos affinités sont différentes. Tout le film s'est fait dans une économie très domestique. Et c'est ce que nous avons filmé aussi : des maisons, comment se fabriquent de toutes petites choses, en leur portant attention. Les échelles se sont rencontrées.

C. : Mais pourquoi votre film porte-t-il deux titres ?
B.V.C. : Ce n'est pas parce que nous sommes deux réalisateurs (rires) ! « Diurno Doliente » est le titre d'un poème de Pablo Neruda, que nous aimions beaucoup. Cela veut dire quelque chose comme « La douleur diurne ». Mais il était très difficile à traduire, il perdait toute sa saveur. Un festival nous a fait comprendre qu'un autre titre en anglais serait bienvenu, et c'est le premier compromis que nous avons fait. Mais nous avons voulu garder la trace de notre premier titre.

C. : Et Babylone ?
M.B. : Nous avons filmé un monde et sa violence. Notre regard dépasse la question d'Almería. C'était important pour nous de sortir de l'ici et maintenant, d'atteindre un certain niveau d'allégorie.
B.V.C. : C'est aussi un écho à un motif éternel. Nous avons rencontré des gens qui venaient d'arriver en Europe mais beaucoup d'entre eux avaient déjà eu tout un parcours ici. Cet esclavagisme, ils l'avaient vécu en Suède, en Allemagne, dans les pays qu’ils ont traversés.
M.B. : Babylone est le motif éternel de l'exploitation de l'homme par l'homme.

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