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Divine Carcasse de Dominique Loreau

Publié le 01/02/1998 / Catégorie: Critique

Au hasard Balthazar

Une nouvelle pierre vient de s'ajouter à l'édifice du documentaire belge, cette tour de Babel qui n'en finit pas de se construire, tant grande est notre soif de légendes et de réalités, tant fertile est la terre en mentalités qui s'entrechoquent et temps que des cinéastes s'en porteront témoins pour en faire des films. Le documentaire de fiction, Divine Carcasse donc, nous fait observer de l'extérieur le destin d'une vieille Peugeot depuis le jour -pas le premier- où elle a posé ses roues sur terre.

Divine Carcasse de Dominique Loreau

Elle débarque d'un bateau dans le port de Cotonou, au Bénin, où son nouveau propriétaire, un coopérant français, l'attend les yeux pleins de fierté, pour l'emmener sans ménagement essayer les sentiers de terre battue des palmeraies. Mal traité par un homme qui se laisse vivre au rythme des chaleurs et que seul un concours de circonstances inouï verrait se pencher deux secondes sur un moteur, le vieux tacot a vite fait de s'essouffler. Les hommes ont des rapports bizarres avec les choses : ils y tiennent, ou s'en foutent finalement, ils en disent plus long qu'ils pensent, lorsque comme des enfants, ils jettent, lassés, le jouet cassé.

Pourtant, une Peugeot, ça ne parle pas, ça ne se plaint pas. Pire, ça porte les traces de ce qu'on lui fait, irréversiblement. Et voilà en quoi l'idée de mettre en scène une voiture est fabuleuse et étonnante. En passant de main en main, carcasse devenue, la voiture s'insinue dans la vie, dans la tête de ses multiples propriétaires, comme elle s'insinue dans la circulation en ville, entourée et dépassée par des dizaines de mobylettes. Achetée, donnée, bénie, louée, reconvertie en taxi, en oeuvre d'art, objet-culte, objet de désir, de convoitise, elle se métamorphose et prend les traits des uns et des autres, pour terminer son périple en fétiche protecteur.

 

Florence Daury

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