C’est avec une certaine continuité que Dominique Loreau nous livre un voyage, un manifeste, une œuvre poétique et politique avec son dernier film documentaire. Dans Une si longue marche la réalisatrice porte une attention aux infimes détails de la vie des crabes chinois et développe un regard dialectique permanent entre les animaux et nous. À travers leur quotidien, la cinéaste ne cesse d’interroger les schémas de l’exceptionnalisme humain et incline vers la nécessité de réévaluer notre regard à l’égard d’espèces considérées comme infames. Son souci particulier de la description nous immerge dans un monde aquatique où les images et les sons traversent notre imaginaire, et font vaciller nos certitudes à l’égard des « nuisibles ».
Une si longue marche explore avec émotion et sensualité la rencontre conflictuelle entre les humains et les crabes chinois qui ont été importés en Europe et qui traversent nos rivières polluées. Dans leur tentative de rejoindre la mer afin de se reproduire et mourir, les crabes évitent les obstacles, envahissent les petites villes ou se cachent dans les filtres des centrales nucléaires. Qui sont-ils réellement ? Que nous disent-ils de nos modes de vie modernes ? Comment vivre avec eux ?
Avec la réalisatrice nous avons parlé de la transition des animaux dans le registre du politique, de la nécessité d’effectuer des pas de côtés en cinéma, de pallier le seul langage de la modernité : la violence face à ceux et celles qui ne sont pas utiles.