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Dossier : Connaissance du cinéma belge

Publié le 09/03/2010 par Dimitra Bouras / Catégorie: Dossier

Les mesures envisagées par les institutions publiques communautaires pour une réappropriation du public belge francophone de son cinéma.

Le cinéma en Communauté française se porte bien, merci.

2009 marque clairement un regain d'intérêt du public européen pour le cinéma. Après une chute vertigineuse en 2005 du nombre total d'entrées dans les salles de cinéma européennes, la tendance est à la hausse. Lente et régulière jusqu'en 2008, avec un bond plus marqué l'année dernière, bien que les réalisations produites dans les frontières européennes n’en soient pas les premières bénéficiaires.
En Belgique, l'augmentation est moins spectaculaire, mais bien réelle. De 2008 à 2009, nous avons enregistré une croissance de la fréquentation de 2,9 %, soit 22,6 millions de tickets distribués à des personnes qui sont entrées dans une salle obscure pour y découvrir un film.
Dans ce contexte résolument optimiste, s'ajoute la reconnaissance internationale continue du cinéma belge francophone. Depuis une quinzaine d'années, les films réalisés avec l'aide du centre du Cinéma de la Communauté française n'ont cessé d'être présents dans les Palmarès du Festival de Cannes, soit dans la section officielle, soit dans les sections parallèles.

1991 : Toto le Héros de Jaco Van Dormael : Caméra d'Or.
1992 : C'est arrivé près de chez vous de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde : Prix de la SACD, de la Critique et de la Jeunesse à la Semaine de la Critique.
1996 : La Promesse de Luc et Jean-Pierre Dardenne à la Quinzaine des Réalisateurs. Sélectionné dans la section officielle.
1996 : Le Huitième jour de Jaco Van Dormael : Prix d'interprétation masculine pour Daniel Auteuil et Pascal Duquenne.
1999 : Rosetta de Luc et Jean-Pierre Dardenne : Palme d'Or et Prix d'interprétation féminine pour Emilie Dequenne.
2003 : Le Fils de Luc et Jean-Pierre Dardenne : Prix d'interprétation masculine pour Olivier Gourmet.2005 : L'Enfant de Luc et Jean-Pierre Dardenne : Palme d'Or.
2008 : Le Silence de Lorna de Luc et Jean-Pierre Dardenne : Prix du scénario. Eldorado de Bouli Lanners et Élève Libre de Joachim Lafosse sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs. Rumba de Fiona Gordon et Dominique Abel, et Home d’Ursula Meier présentés à la Semaine de la Critique.

On pourrait enrichir cette énumération très peu exhaustive avec les films sélectionnés et primés à Angers, Locarno, Venise, etc.
Exceptionnellement, la cuvée cannoise 2009 fit la part belle au cinéma belge néerlandophone : Lost Persons Area de Caroline Strubbe et Altiplano de Jessica Woodworth et Peter Brosens retenus à la Semaine de la Critique. La Merditude des choses (De Helaasheid der dingen) de Felix Van Groeningen sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs.
Tout ceci pour arriver à une conclusion. Malgré la qualité d’un cinéma jalousé par nos voisins européens et le fait qu’il soit l'activité culturelle qui attire le plus large public (65 à 69 % des habitants de la partie francophone du pays déclarent fréquenter une salle au moins une fois par an), le public wallon et bruxellois méconnaît son cinéma !

À part C'est arrivé près de chez vous, les quelques titres de films belges qui viennent spontanément à l'esprit des spectateurs questionnés sont les films palmés d'or à Cannes ou primés dans la sélection officielle de ce même festival. Quant à la notoriété des comédiens, elle se fait après une récompense cannoise ou, pour certains, par leur présence exceptionnelle dans la cinématographie française (Benoît Poelvoorde ou Cécile de France). Il en va de même avec les réalisateurs. Deux Palmes d'or et quelques autres prix ont propulsé les frères Dardenne à la première place des cinéastes belges cités spontanément par le public francophone, même si Rosetta, double palme, a fait à peine 200.000 entrées en Belgique. De même, une Caméra d'or, un prix d'interprétation masculine, mais aussi peut-être une absence remarquée lors de l'édition cannoise 2009 de Mr Nobody, ont rafraîchi les esprits du nom de Jaco Van Dormael.
Le Festival de Cannes ferait-il la pluie et le beau temps du cinéma belge en Belgique francophone ?
Toujours d'après le même sondage, la nationalité d'un film ne serait pas un critère au moment de choisir. Qu'un film soit Italien, Iranien, Allemand ou même Américain n'a aucune importance dans le fait qu'on aille le voir ou non. Sauf, pour certains (5%) s'il est français. C'est-à-dire que 5% des personnes choisissent de voir un film parce qu’il est Français, et 1% seulement parce qu'il est Belge...
Là, s'impose un parallèle avec le public flamand. Les films qui font le plus d'entrées en Flandre sont flamands. Après seulement, viennent les productions américaines.
Il serait intéressant de réaliser le même genre d'enquête auprès du public potentiel du nord du pays, et d’essayer de comprendre ce qui a incité 1.207.110 personnes à aller voir, en 2009, en salle et sur grand écran, Loft d'Erik Van Looy, celui-là même qui défia les chroniques en 2003 avec un nombre d'entrées de plus de 700.000 pour De Zaak Alzheimer. Notons, pour la petite histoire, que Loft, devant son insuccès aux Pays-Bas, va être « remaké » par le même réalisateur avec des comédiens hollandais.
Dans ce cas précis, un film aux ingrédients typiquement hollywoodiens a su faire sa place dans le box-office. Pour d'autres, les comédiens flamands, connus grâce aux séries télévisées, sont des moteurs pour attirer le spectateur dans les salles. Il faut souligner que la concurrence linguistique est quasiment exclue. Les films non néerlandophones étant principalement sous-titrés, et les seuls parlant néerlandais sont flamands ou hollandais. 

Le cinéma belge francophone ne rencontre pas ses publics.

Devant cette situation paradoxale, opposant, d'une part, la reconnaissance internationale du cinéma belge francophone et, d'autre part, la non-adhésion du public, la Communauté française, premier bailleur de fonds de l'industrie cinématographique, a entrepris de circonscrire la question et de prendre les mesures adéquates pour pallier la désertion du public.

Suivant les résultats de l'étude « Image du cinéma belge francophone auprès de la population francophone belge », le désintérêt apparent du public pour son cinéma est dû, avant tout, au manque de communication. Ici, pas question de rejet ou d'indifférence, mais uniquement de désinformation.

Promotion ciblée
Face à cette constatation, la Ministre de la Culture et de l'Audiovisuel, en collaboration avec le Secrétaire général de la Communauté française et en concertation avec les professionnels du cinéma (Pro-Spere : Fédération des professionnels de la création et de la production audiovisuelle et l'Union des Producteurs de Films Francophones) ont décidé de prendre certaines mesures d'aide à la promotion et à la diffusion des films soutenus par les instances communautaires. Ces moyens, sur lesquels se sont accordées les parties en place (producteurs, distributeurs et pouvoirs publics), font encore l'objet de discussions dans leur fonctionnement pratique. Les aides à la promotion et à la diffusion qui existaient jusqu'à présent, vont être réunies et augmentées. Les dépenses éligibles vont être diversifiées et accordées plus tôt dans la vie d'un film. Un producteur ne devra pas attendre que le film soit terminé pour recevoir une aide à la promotion. Celle-ci se fera dans la singularité, selon un plan médiatique en accord avec le Centre du cinéma qui accordera son soutien à condition et en rapport avec l'investissement du producteur. Contrairement aux a priori des spectateurs questionnés, le cinéma belge francophone n'est pas un et unique, mais diversifié, ayant un seul dénominateur commun, celui du film d'auteur, auprès duquel chacun pourrait trouver son intérêt. Il suffit de le découvrir.

Le bouche-à-oreille
Pour être vu, un film doit attirer le spectateur. Mis à part une campagne de promotion qui portera sans doute ses fruits, un second moyen, semble-t-il plus efficace selon l'enquête, est le bouche-à-oreille. Mais pour que celui-ci puisse s'installer, un film doit pouvoir rester à l'affiche au moins trois à quatre semaines. Une aide, selon des modalités en cours de décision, sera attribuée aux exploitants des salles pour les inciter à maintenir un film soutenu par la Communauté française.
L'enjeu semble banal, mais il n'en est rien ! 
Susciter la curiosité

Découvrir un film, un livre ou une chanson ne circulant pas sur les autoroutes de la communication tient de la performance, principalement auprès des jeunes, qui, l'étude le démontre bien, sont les premiers consommateurs culturels et donc les plus sollicités. Dans cette course au partage du marché que représentent les moins de 26 ans, il est primordial de ne pas tomber dans les pièges de la concurrence des grosses machines cinématographiques. La notification et la promotion ne suffiront pas, les superproductions ont un gros budget pour la réalisation et la publicité ! La curiosité des jeunes ne pourra être suscitée qu'à travers l'éducation. Un grand défi attend l'enseignement libre et démocratique : attirer les jeunes vers des « produits » culturels diversifiés. Ce qui est rassurant, c'est qu’un jeune qui découvre la singularité d'un film belge par exemple, l'apprécie.
L'organisation du Prix des Lycéens en est la preuve. Ce concours, instauré dans les écoles secondaires de la Communauté française, est un véritable succès, et rencontre l'engouement toujours grandissant des étudiants des dernières années et de leurs professeurs. Suite à la réussite que ce concours a connue dès sa création, en 1993, en littérature, il fut également instauré, en 2006, pour le cinéma. Les jeunes doivent élire le film belge qu'ils préfèrent sur une sélection de 5 films qui leur sont proposés : un moyen ludique de leur faire connaître les réalisations en Communauté française. Pour une meilleure appréhension et compréhension d'un cinéma qui leur est souvent inhabituel, les enseignants font appel aux artistes qui se cachent derrière ces œuvres. Réalisateurs, comédiens ou parfois techniciens sont invités à rencontrer les étudiants et répondre à leurs questions. Donner chair à une notion aussi éclectique que le « cinéma belge », adoucit les aspérités intellectuelles pour mieux toucher l'émotion.
L'impact de ces rendez-vous n'est plus à démontrer, et s’ils découlent encore actuellement de faits volontaires, le désir est de généraliser la pratique dans l'ensemble des établissements scolaires de la Communauté. Suivant La Déclaration politique commune, bible du gouvernement actuel, les Ministres de la Culture et de l'Enseignement se sont engagés à inscrire l'éducation et les pratiques culturelles dans l'enseignement obligatoire.

Etre présent dans les nouveaux moyens de diffusion
Le cinéma est une affaire de grand écran, mais pas uniquement. C'est aussi la télévision et, plus proches des usages des jeunes, Internet et la VOD (vidéo à la demande). La Communauté française a inscrit, dans ses priorités, le soutien à ce mode de diffusion des films de fiction ou documentaires aidés par le Centre du cinéma.

Moderniser les infrastructures cinématographiques
Une sortie au cinéma doit rester un moment de plaisir. Son accès doit être facilité, et les conditions de projection doivent être agréables : confort, projection et son optimaux, équipements numériques pour relever le défi des nouvelles technologies d'un futur proche. Les travaux sont envisagés avec l'aide des régions.

Des mesures structurelles de longue haleine
Créer une connexion entre le monde des professionnels du cinéma et le monde des institutions non-marchandes : écoles, centres culturels, éducation permanente, etc., notamment dans le domaine du documentaire. Solliciter les ciné-clubs pour une programmation plus proche du cinéma belge francophone et création d'événements autour de celle-ci. 

Comédiennes et comédiens, passeurs du 7ème ArtRosetta
Que serait un film sans les comédiens ? Les réalisateurs sont les premiers à le savoir, aussi géniales que soient leurs idées, sans comédiens pour leur donner corps, elles n'existeraient tout simplement pas ! Tout cinéaste sait que le choix du casting, c'est déjà 70% du film. Trouver celle ou celui qui marche, qui parle ou qui regarde comme le personnage qu'on a imaginé tient du pur bonheur. Et un casting réussi est le meilleur tremplin pour un comédien. Est-ce un hasard si Benoît Poelvoorde est le premier comédien belge que l'on nomme spontanément, de la même façon que C'est arrivé près de chez vous est le film le plus souvent cité ? Idem pour Emilie Dequenne et Rosetta.
De même, quand on essaie de comprendre le succès du cinéma flamand, une des raisons avancées et certifiées est l'appréciation des comédiens qui drainent les spectateurs.
L'étude fait également remarquer que l'on se souvient des comédiens belges francophones qui ont joué dans les films français. Des films qui ont peut-être été vus, mais surtout dont on a entendu parler. Les plateaux de télévision française accueillent, quasi quotidiennement, les premiers rôles des films français qui sortent en salles, et parmi ceux-là, nombreux sont Belges. 
Une constatation s'impose quant à la notoriété d'un comédien belge; il se fait un nom dans le cinéma français parce que c'est un cinéma plus vu, mais surtout plus médiatisé.
Cécile de France en maîtresse de cérémonie du festival le plus glamour, Benoît Poelvoorde invité par Mireille Dumas, ou même Yolande Moreau qui s'est fait connaître à la réception du César de la Meilleure actrice dans son film Quand la mer monte. Cette comédienne, qui réalisait son premier film, avait fait une déclaration pour la production indépendante qui a eu l'effet d'une bombe médiatique.
Festivals, remises de prix, et autres événements autour de la production cinématographique sont les vecteurs qui font connaître les films.
Les chaînes de télévisions publiques belges francophones ont l'intention de trouver des moyens de mettre aussi en valeur ses artistes. Des projets en ce sens s'initient et verront bientôt le jour.
Le 7ème Art est une histoire de fusion entre scénarios, images, paroles, musiques, sons, comédiens et... spectateurs.

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