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Entrevue avec Jean-Luc Gason

Publié le 01/01/2005 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Il participe depuis ses débuts à l'aventure de Cine&fix, une société qui s'est spécialisée en truquages numériques et qui a fourni, lors des deux dernières éditions du Festival du Film de Namur, des tests comparatifs sur l'emploi de la pellicule et du numérique à la prise de vues et sur l'étalonnage. Ce qui n'a pas empêché Jean-Luc Gason de tourner La Séquence Silverstein en pellicule. Un film de 9'30 qui a un tempo frisant la perfection, et un sujet qui nous fait poser bien des questions sur les recherches actuelles en biologie.

Entrevue avec Jean-Luc Gason

« Du plus loin que je me souvienne, j'aimais bien étant enfant, le film fantastique ou Héroïc fantasy. Il y a un film qui m'a marqué c'est Le loup garou de Londres de John Landis. Un film qui m'a terrifié pendant des années alors que ce qui est intéressant, dans ce film, est précisément qu'on ne voit rien, comme dans tous les grands films de suspense. Tout est basé sur la mise en scène. » Ce genre de films l'amène à vouloir raconter des histoires sans qu'il sache trop si c'est par la littérature ou le cinéma. Ses rédactions scolaires ressemblant à des feuilletons fleuves. « C'est ce qui m'a amené au cinéma plus que l'image, c'est le fait de pouvoir raconter des histoires, je dois encore avoir une douzaine de nouvelles qui traînent sur le disque dur de mon PC. » Finalement il bifurque vers le cinéma parce que le septième art synthétise plusieurs arts. « Pour moi, c'était le meilleur des mondes, en quelque sorte »  ajoute-t-il ironiquement.

 

Etant adolescent, il est un peu cinéphage de cinéma américain comme beaucoup d'adolescents. « Il y a eu Jurassic Park (Steven Spielberg), parce que c'était la première fois que je voyais des images qui sortent de l'imaginaire plus que les anciens films, pour lequel j'ai aujourd'hui un énorme respect, car je sais le travail que cela demande. Si on prend Mary Poppins on est halluciné en voyant ce que les techniciens ont inventé sans l'aide d'un ordinateur. Blade Runner (Ridley Scott) m'a beaucoup marqué également tant au niveau de l'image, du scénario que du jeu des acteurs. »

 

Après ses humanités, il se fait une année d'informatique dans l'espoir de faire des jeux vidéo, dans l'optique de raconter une histoire. C'est l'époque de l'explosion des play-station. « Très vite je me rends compte qu'il faut laisser un électron libre dans mon histoire. Il faut laisser à la personne qui joue une place pour qu'il puisse jouer. Là, je me suis rendu compte que j'étais très directif dans ma façon de raconter. » Conclusion il décide de rentrer dans une école de cinéma. Ce sera l'INRACI. L'INSAS ou l'IAD n'étant pas dans ses cordes. Jean-Luc se voit comme un enfant du cinéma fantastique et de science-fiction et assidu au Festival du cinéma fantastique et de Science-fiction de Bruxelles. « Je trouvais important de commencer par une base technique, pour la direction d'acteurs, je me suis formé avec l'aide de Gerald Frydman. »  Il est de plus en plus frappant de voir les jeunes réalisateurs belges se tourner vers le film de genre. Ce qui est une voie qui n'était pas très explorée jusqu'ici mais qui gouverne tous les films de Stanley Kubrick !

 

« Je me demande s'il n'y a pas une réaction. Le cinéma belge s'est focalisé sur le réalisme social. Les jeunes générations veulent faire autre chose ! Comme toutes les réactions les débuts sont violents, on s'installe dans l'opposition. On se dit on va faire un cinéma de genre mais, je pense que tout va se rejoindre parce qu'il n'y a pas un cinéma qui soit meilleur que l'autre. Il y a de bons et de mauvais films. »
On pense au cinéma asiatique qui très habilement fait des films de genre en détournant les codes. «  C'est ce que certains reprochent au cinéma asiatique : sa lenteur. C'est vrai qu'on prend le temps d'installer une ambiance, des personnages plutôt que de les mettre dans des situations explosives. Effectivement on n'est pas dans le cinéma américain ou toutes les x secondes il faut une action afin de capter l'attention du spectateur. »
La Séquence Silverstein
est basée sur l'anticipation, le fantastique, mais surtout manie le suspens avec maestria. Le spectateur est incapable de deviner la fin tragi-comique du film avant qu'elle ne survienne. Le film qui est une fable sur le contrôle absolu d'une société sur l'individu à partir de son idiosyncrasie propre, donc sur ce qui lui échappe fait froid dans le dos. Pas moyen de se corriger. Ce sont vos gènes qui décident de votre inscription sociale ou non « L'idée a été travaillée à plusieurs voix, si j'ose dire : Gérald Frydman et Bruno De Vriendt m'ont aidé à construire le scénario. Au départ, on voulait faire un film sur l'exclusion. Qu'est-ce qui nous attend, qu'est-ce qui pourrait être universel et pourrait toucher tout le monde. Clairement ce sont les progrès qu'on réalise en génétique aujourd'hui parce que nous sommes tous des bombes à retardement. On ne sait pas ce que nous avons en nous. »

 

Le film a une option de couleur bleutée, sans couleurs vives. « Il n'y a que le bleu qui est vif, lors des scènes de bureau. C'est une volonté tout comme l'absence de mouvements dans le film pour montrer la rigidité de cette société. On a fait tout le film en plans fixes. » Tourné en pellicule « parce que le rendu de couleur numérique et chimique me gênait. Je dois ajouter que l'image chimique induit dans mon subconscient la fiction tandis que l'image numérique induit l'idée de reportage. Mais c'est complètement psychologique. A l'époque de la réalisation du film les caméras HD numériques n'avaient pas atteint le degré de résolution qu'elles ont acquis à l'heure actuelle. Maintenant, il arrive qu'on rajoute de manière artificielle, du grain sur ordinateur ou qu'on trafique les couleurs pour que cela ait l'air d'avoir été tourné en pellicule (rires). Pour le tempo, on a eu beaucoup de versions au montage pour arriver à cet équilibre qui moi me plaisais bien ainsi qu'à tout le monde. » La Séquence Silverstein a été achetée par l'agence du court métrage et sera diffusée dans toute la France. Pareil pour le Québec. Jean-Luc est en train d'écrire un second scénario (il ne se perd pas tout à fait dans la passionnante aventure du numérique) dont il préfère garder le secret. Tout ce qu'on peut vous dire c'est qu'il s'agira d'un film d'anticipation. « Parce que c'est un genre dans lequel je me sens à l'aise. Il y aura un côté scientifique parce qu'en médecine et en biologie beaucoup de choses bougent. La question qui va se poser bientôt en génétique : est-ce que l'homme n'est que la somme de son génome ? »

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