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Entrevue avec Joely Mbundu pour la sortie de Green Border d’Agnieszka Holland

Publié le 07/02/2024 par Dimitra Bouras, Cyril Desmet et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

Révélée dans Tori et Lokita sorti en 2022, Joely Mbundu est à l’affiche de Green Border d’Agnieszka Holland. Comme le film des frères Dardenne, celui de la réalisatrice polonaise, qui a reçu le prix spécial du jury à la dernière Mostra de Venise, aborde  la question de l’immigration. Dans Green Border, la jeune comédienne bruxelloise incarne une immigrée somalienne qui tente de passer la frontière entre la Biélorussie et la Pologne avant d’atteindre l’Europe. Comme beaucoup d’autres familles de réfugiés, elle se retrouve bloquée par des militaires aux pratiques douteuses et extrêmement violentes.

 

Cinergie : Comment êtes-vous arrivée dans le casting de ce film ?

Joely Mbundu : Comme c’était une petite production, les fonds étaient assez limités. Ils ont donc fait des castings là où ils ont demandé des fonds : en France, en Belgique. C’est Kadija Leclere, sur la demande d’Agnieszka Holland, qui m’a proposé de faire le casting pour Green Border. J’ai reçu le scénario en entier. Au départ, je ne comprenais pas bien de quoi il s’agissait comme le scénario était traduit du polonais au français, mais j’ai tout de suite vu le potentiel de cette histoire et j’ai accepté de travailler sur ce projet. Même si c’était un plus petit rôle, je me suis dit que ça en valait la peine. Je pars du principe, comme le mentionnait Stanislavski, qu’ "il n’y a pas de petits rôles, il n’y a que de petits acteurs".

 

C. Comment s’est passée votre entrée dans le monde du cinéma ?

J. M. : Quand j’avais 13-14 ans, je rentrais de l’école avec des amis et il y avait une fille qui était en première année d’école de cinéma et qui devait réaliser un court métrage. Elle a demandé à un de mes amis s’il voulait jouer dans son film. Ce n’était pas son truc alors il a refusé et moi je lui ai dit que j’allais l’aider. Quelques semaines plus tard, j’ai fait un petit court métrage dans les rues de Bruxelles. Cette expérience a été un déclic et c’est là que je me suis dit que c’était ce que je voulais faire de ma vie. J’ai aimé ce partage et cette solidarité dans une équipe qui devient progressivement notre famille, j’ai trouvé cela extraordinaire. Pendant trois ans, j’ai cherché partout, j’ai envoyé des mails, j’ai appelé sans avoir de réponse. Un jour, cette même fille m’a dit qu’il y avait un casting sauvage organisé sur les réseaux et que j’étais parfaite pour ce rôle. J’ai tenté, ils m’ont rappelée et à la troisième fois, j’ai eu le rôle de Lokita dans le film des frères Dardenne.

 

C. Comment imaginiez-vous le travail dans le monde du cinéma ?

J. M. : Je le voyais comme une 'colonie de vacances' pour adultes. Je voyais des gens qui ne se connaissent pas assis autour d’une table qui se mettent à raconter une histoire ensemble, en partageant leurs craintes, leurs joies, leurs peines. Ce petit groupe devient progressivement notre famille. C’est l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes, d’apprendre d’elles et vivre à travers elles.

 

C. Comment s’est passé le tournage avec les frères Dardenne?

J. M. : Bien entendu, le film aborde un sujet assez lourd, mais l’expérience était extraordinaire. Je les considère encore aujourd’hui comme des mentors qui me guident. J’ai appris beaucoup d’eux en tant que comédienne, mais aussi en tant que personne. C’était une expérience inoubliable.

 

C. Cette expérience vous a-t-elle aidée pour ce nouveau film ?

J. M. : Quand j’entre sur un nouveau tournage, je pense inconsciemment à ce premier tournage. Mais, j’ai aussi ce côté lâcher-prise en me disant que c’est une nouvelle aventure et que je vais apprendre de nouvelles choses. Je me vide et me remplis d’un autre bagage.

 

C. : Après vos différentes expériences, comment voyez-vous les différentes approches des réalisateurs et réalisatrices ?

J. M. : Chaque personne est unique et a des approches différentes dans la direction d’acteur. J’essaie de comprendre et de suivre et souvent ça fonctionne quand j’accepte d’entreprendre le rôle. J’ai l’impression que quand on accepte un rôle, on partage le même rêve que le ou la cinéaste, sinon ça n’a pas de sens de travailler sur un projet qui ne fait pas écho chez nous. On apprend beaucoup de chaque individu que ce soit positivement ou négativement. Tout dépend de la perspective et de comment on voit les choses.

 

C. : Parlez-nous de votre personnage dans Green Border.

J. M. : Je joue une jeune femme congolaise de 29 ans qui étudiait l’économie au Congo avant d’atterrir à la frontière biélorusse et polonaise. Le film raconte comment ces deux pays jouent avec les gens qui voyagent, comme des balles de ping-pong. Suite à cela, elle a malheureusement perdu son enfant. Dans le film, elle est présentée comme une Somalienne, mais cette femme existe vraiment, elle est Congolaise et s’appelle Judith.

 

C. : Vous l’avez rencontrée ?

J. M. : Non, mais j’ai lu son histoire qui a eu lieu en 2021 et qui a été publiée. Il y a des activistes qui sont là aux frontières et qui essaient de publier un maximum d’informations sur ce qui se passe réellement. Agnieszka Holland est elle-même en contact avec plusieurs activistes. J'essaye de m'informer un maximum avant de raconter l’histoire de quelqu’un.

 

C. : Comment s’est passé le tournage ?

J. M. : Il avait lieu près de Varsovie et c’était assez intense parce qu’il faisait froid, c’étaient des tournages de nuit. Mais ce n’est rien par rapport à ce que les gens vivent dans la réalité.

 

C. : Est-ce qu’il y a eu des répétions avant le tournage pour Green Border?

J. M. : Non, mais tout s’est passé assez rapidement. J’avais déjà eu le scénario, j’ai eu les essayages quand je suis arrivée. Quand on arrive sur le plateau, on sait ce qu’on doit faire, c’est assez clair. Je pense qu'on peut faire confiance à Agnieszka Holland et qu’on peut la suivre aveuglément. On ressent tout de suite ce qu’elle veut et où elle veut aller.

 

C. : Avez-vous eu besoin de vous informer sur la réalité des migrants pour pouvoir jouer ce rôle ?

J. M. : Pas vraiment. J’avais déjà beaucoup appris à ce sujet avec Tori et Lokita qui parlait aussi de l’immigration. Même si chaque rôle touche d’une certaine manière, celui de Judith m’a particulièrement touchée.

 

C. : Quels sont vos futurs rôles ?

J. M. : Ce sont des rôles très différents. Pour le premier film, il s’agit d’une jeune fille qui veut travailler dans la promotion du cinéma et de la publicité et dans l’autre de Marie-Hélène Roux, c’est une survivante du génocide qui a lieu aujourd’hui dans l’est du Congo et le film raconte aussi l’amitié entre le docteur Denis Mukwege et le docteur Guy-Bernard Cadière.

 

C. : Comment s’est passée votre expérience à Berlin l’année passée quand vous avez été nommée Shooting Star 2023 ?

J. M. : C’était extraordinaire. J'ai eu l’opportunité de rencontrer énormément de gens du cinéma qui vivent le même rêve éveillé que nous et qui peuvent faire travailler leur créativité au quotidien. J’ai rencontré beaucoup de gens et j’ai hâte de pouvoir les retrouver sur un plateau de tournage et les voir dans d’autres circonstances aussi.
J’ai rencontré plusieurs directeurs de casting du monde entier un peu comme à des speed dating et il y a quelques drinks pendant lesquels on peut se parler plus librement. Je pense que les choses ont bougé grâce à ça et qu’elles vont bouger parce que ce n’est que le début.

 

C. : Vous voulez travailler aux Etats-Unis?
J.
M. : Je pense que la créativité n’a ni limite ni frontière. J’essaye, avec mes talents linguistiques, de partir partout et de conquérir le monde de ce côté-là. Je ne me mets aucune limite et j’y vais au talent.

 

C. : Dans votre carrière de comédienne, envisagez-vous une carrière de danseuse ou de chanteuse, vos premiers moyens d’expression artistique ?

J. M. : Je ne sais pas ce que je veux faire d’autre, mais je n’aime pas me confiner à un seul titre. C’est par passion que je ferai ce que je veux entreprendre.

 

C. : Vous avez quel âge?

J. M. : J'ai 19 ans.

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