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Entrevue avec Marion Hänsel future présidente de la Commission de sélection

Publié le 01/10/2001 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Née à Marseille, Marion Hänsel a été élevée à Anvers dès l'âge de quatre ans.

"Le premier film que j'ai vu, en tout cas celui dont je me souviens, nous confie-t-elle, était Dumbo l'éléphant, le bébé rejeté parce qu'il avait de grandes oreilles. Mes parents n'étaient pas très cinéphiles, j'ai commencé à aller au cinéma à l'adolescence. Enfant c'était rare. Par contre, on avait un petit projecteur 8mm avec les films de Disney. Ensuite, j'ai été voir avec mon grand père des westerns en salles. En réalité, mon grand-père adorait les chevaux. C'était un grand cavalier. Il n'en avait rien à cirer du cinéma. Donc chaque fois qu'il y avait un nouveau western il m'appelait. Lui allait voir les chutes de chevaux et moi l'histoire telle qu'elle était racontée. C'est une très bonne école et d'ailleurs je regarde encore les westerns, même ceux que diffuse RTL et qui - c'est scandaleux - ne sont pas en version originale."

 

Ce n'est pas nous qui contredirons Marion Hänsel. Le western n'étant pas seulement le récit d'une chevauchée dans de grands espaces mais aussi la découverte d'un espace intérieur, d'un personnage subissant des épreuves qu'il surmonte. Voyez la rédemption de l'ivrogne Dude (Dean Martin) dans Rio Bravo. Et surtout, votre serviteur en salive rien que d'y penser, la fabuleuse utilisation du hors-champ au début du film qui fait de Howard Hawks l'un des grands réalisateurs de l'âge d'or hollywoodien.

Mais le cinéma n'est pas une vocation pour Marion. Ce qui l'intéresse, vers 12-13 ans, c'est de devenir comédienne. Peu passionnée par les études, elle s'intéresse davantage aux activités parascolaires comme le théâtre qui lui permet de sortir de l'échec. " J'ai participé à un spectacle en sixième primaire et cela m'a peut-être influencée. J'ai été impressionnée par cette salle pleine de parents qui me regardaient et tout à coup, je me suis sentie aimée. " style="text-align: justify;"> Du coup, en 1967 (l'année même où Pierre Laroche est aux Etats-Unis), elle entre à l'IAD, où l'on donne plein de cours théoriques. Elle trouve ce type d'enseignement frustrant. Patatras. Le syndrome scolaire ressurgit.  Survient Mai 68 pour couronner le tout. Le théâtre est partout. Les cours s'improvisent comme la vie en société . " Je me suis dit : je vais suivre des cours privés, peut-être vais-je apprendre quelque chose ". Elle passe une audition au Théâtre des Galeries et au Théâtre des Quatre Sous et apprend donc le métier sur le tas, en jouant, puis file à New York pour suivre les stages prestigieux que dispense l'Actor's Studio de Lee Strasberg, mais aussi pour se rapprocher du cinéma " car le théâtre, j'en avais fait un peu le tour. Je voulais jouer devant la caméra. " Elle glisse une cigarette dans son porte-cigarette et l'allume.

De retour en Europe, c'est à Paris, qu'elle atterrit, à l'Ecole du Cirque d'Annie Fratellini. Etre funambule donne de l'équilibre à cette rebelle impénitente. Son entourage l'incite à écrire. Ce sera Equilibres, le scénario d'un court métrage, qu'elle envoie à la Commission de sélection du film. Celle-ci l'accepte. " Le film a assez bien marché, il a reçu la prime de la qualité en France. Il a un peu circulé et alors, la Commission m'a demandé un scénario de long métrage. " Voilà comment, à son corps défendant - " J'étais comédienne et j'avais encore envie de jouer " -, elle se trouve embarquée dans la réalisation et la production de films. Mais comme toujours, elle assume et finit même par y prendre goût.

Le Lit, son premier long métrage de fiction d'après un roman de Dominique Rollin, " n'a pas été un succès commercial mais il a marqué les gens, on m'en parle encore ; par contre Dust qui a obtenu le Lion d'Argent à Venise, a été un succès international ". Suit les Noces barbares avec Marianne Bassler. style="text-align: justify;">En 1987, Marion Hänsel est élue femme de l'année et dans la foulée présidente de la Commission de sélection des films, une fonction qu'elle quitte rapidement. " La première fois, je n'ai pas aimé ", précise-t-elle (elle y reviendra à partir de janvier 2002). style="text-align: justify;">En 1991, c'est Sur la terre comme au ciel, un film dont l'insuccès critique et public reste pour nous d'autant plus incompréhensible que le sujet était et reste plus que jamais d'une actualité brûlante. Un enfant décide en concertation avec tous les foetus humains de ne plus naître afin de laisser s'éteindre la race humaine. On ne peut pas leur donner tort vu l'état de la planète. L'amour d'une mère (Carmen Maura) suffira-t-il à infléchir leur décision ? "Un clash dramatique", précise Marion, c'est un film qui n'est pas venu au bon moment, le discours écologique n'était pas encore constitué. Ce film était un cri d'alarme qui disait attention à ce qu'on fait sur cette terre. C'est un échec qui m'a fait très mal."


Nuages, le nouveau film de Marion Hänsel, est en quelque sorte la suite de Sur la terre comme au ciel, dont il est très proche puisque ce dernier commençait avant la naissance et celui-ci à la conception. Il a été conçu comme une lettre adressée à son fils." C'est un constat sur l'état du monde et le constat de mon amour pour lui, comme on peut le faire lorsqu'on a un enfant. D'ailleurs à la sortie du film un journaliste m'a dit : " il faut absolument que j'appelle ma mère " . C'est une ode à la terre, c'est une ode à la vie ! Un film profondément écologique. Je pense qu'en le voyant on est subjugué par la beauté qui nous entoure ".

En effet et pour boucler la boucle, western oblige, les deux personnages, celle qui montre et celui qui voit, la mère et le fils, sont hors-champ !

 

marion hansel

 

Marion Hänsel nous reçoit entre deux séances de la Commission d'agrément. Elle vient d'achever Nuages, un long métrage que vous aurez la chance de découvrir en salles en octobre. Film aux superbes images avec une musique signée Michael Galasso (In the Mood for Love). Marion Hänsel, élue femme de l'année dans les années 80, a initié puis accompagné les aventures de la production cinématographique des années 90. Membre du Collectif 2001, elle est bien placée pour nous parler de l'évolution d'une profession en pleine mutation. D'autant qu'à partir de janvier 2001 elle redeviendra présidente de la Commission de sélection des films du Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel de la Communauté française Wallonie-Bruxelles.

" Je pense que les années 1990 ont été intéressantes, qu'elles sont le résultat d'un travail en profondeur, notamment au niveau du scénario. Les plans médias se sont mis en place. Des formations, des séminaires, comme ceux dispensés par Frank Daniel, ont permis à de jeunes réalisateurs de s'amener avec des histoires bien construites, différentes du tout venant de la production américaine ou même française. style="text-align: justify;">Nous avons donc eu une décennie pendant laquelle de nombreux talents ont pu s'exprimer et surtout, toucher un public qui les a bien accueillis. Le problème, c'est que les moyens n'ont pas suivi. Je ne comprends pas les hommes politiques. Ils nous soutiennent mais comme les budgets n'ont pas augmenté il va bientôt y avoir des problèmes. Il fallait prévoir des augmentations régulières. Quel est leur politique ? Mystère !

Il y a le " tax shelter " qui se profile. Le ministre fédéral du Budget nous a demandé de travailler avec lui, en accord avec les producteurs flamands. C'est une matière extrêmement complexe. Je ne suis pas trop optimiste. Quelque chose va passer. Mais est-ce que ce sera intéressant ? Et surtout, c'est mon principal souci, est-ce que ce sera applicable ?
Par ailleurs, pour ce qui est du budget de la Communauté française, on promet trente-cinq millions pour le début de l'année à la Commission de sélection du Centre du Cinéma. Bien que ce soit de l'argent d'un fonds qui devrait être géré par les auteurs, les producteurs et les artistes interprètes pour en faire une action culturelle. Mais par ailleurs, j'entends dire qu'on veut acheter un théâtre en Avignon ? A-t-on besoin d'un théâtre en Avignon ? J'espère que ce ne sont pas les mêmes 35 millions qu'on nous a promis dont on parle pour Avignon. Sinon, c'est dramatique !  style="text-align: justify;">On nous parle du refinancement de la Communauté en 2004. Très bien. Ça ne m'empêche pas d'être assez inquiète par rapport à ce qui va se décider dans les mois qui viennent. D'autant qu'à la Communauté le budget est géré par trois ministres, ce qui est loin de simplifier la tâche de chacun !
Pour ce qui est de la RTBF un très gros travail a été accompli pour gérer de manière plus équilibrée les relations entre la profession cinématographique et la chaîne publique. Quant à RTL, on peut dire que la convention tripartite (Communauté-producteurs-RTL) a été détournée. On ne peut pas consacrer son budget à une superproduction aussi réussie soit-elle. Il y a donc là aussi un souci."

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