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Entrevue avec Nadir Moknèche à propos de Viva Laldjérie

Publié le 01/04/2004 / Catégorie: Entrevue

Rencontre dans le cadre du Festival Méditerranéen de Bruxelles du réalisateur de Viva Laldjérie.

Entrevue avec Nadir Moknèche à propos de Viva Laldjérie

Cinergie : Votre film montre une Algérie qui commence enfin à panser ses plaies, à se 
découvrir une nouvelle liberté.

Nadir Moknèche : Oui, c'est ça ! C'est vraiment une volonté de ma part de sortir l'Algérie de son isolement et de la montrer comme elle est... De sortir des clichés, des pensifs, et de montrer comment les gens vivent de façon quotidienne, comment ils arrivent à s'en sortir après toutes ces années de terrorisme : par les combines, le système D, la surenchère, les satisfactions immédiates. Ca se matérialise notamment par l'apparition de boîtes de nuit, de cabarets, de bars. Psychologiquement, les gens ont vraiment besoin de ça, de s'extérioriser... Même s'il y a toujours des gens complètement fermés sur eux-mêmes, qui ne pensent qu'à Dieu, qu'au religieux, qui sont superstitieux.

 

C : En même temps vous montrez une Algérie qui, malgré la fin de la crise, connaît des problèmes comme le port d'arme, la prostitution, le vol, le crime. Est-ce une façon pour vous de dire que l'Algérie a aussi ses côtés peu reluisants, comme ici en fin de compte ? 
N. M. : Oui, je voulais faire comprendre que c'est une société comme les autres, avec des gens auxquels tout le monde peut s'identifier. Il y a une humanité qui ressort de ces gens-là. Mais comme l'Algérie est un pays assez complexe, ce n'est pas facile de comprendre les choses... Vous ne comprenez pas toujours ce qui se passe, vous vous demandez « Dans quel pays je vis  ? » Ce n'est que du paradoxe à longueur de journée.

 

C : On ressent en effet ce paradoxe dans les personnages, avec Goucem qui doute mais ne veut pas le montrer, qui sort en boîte et se dévergonde puis met le voile pour se promener dans les rues...
N. M. : Goucem est typiquement locale : elle traite sa mère de putain, mais sa mère déteste les putains, et sa meilleure copine est une putain ! C'est typique, ce problème d'identité et d'émancipation.

 

C : Ce sont des personnages en quête d'affection, de reconnaissance, de compréhension. Est-ce une conséquence immédiate de la situation sociétale actuelle ?
N. M. : Oui, tout à fait. Quel est le projet de société qu'on veut avoir ? Un projet de société moderne, ouverte, qui permet à chaque individu de pouvoir y vivre ou un projet de société religieux, qui est le contraire ?

 

C : En tout cas vous évitez de mettre en évidence ce deuxième choix de vie.
N. M. : Je n'aime pas les films idéologiques. Moi aussi je suis spectateur ! Et j'aime aller voir des films qui ne m'indiquent pas ce que je dois penser, qui me prennent par le bras.

 

C : Idem pour le terrorisme ? 
N. M. : On ne peut pas parler de quelque chose qui vient juste de se terminer. Il faut du temps, de la maturation, et en même temps les gens n'ont pas envie de parler de ça : ils préfèrent parler de la vie, du quotidien. C'est vraiment une volonté d'oublier et de parler d'autre chose.

 

C : Que signifie le titre ? 
N. M.  : C'est un mélange entre le mot arabe « El Djazaïr » et le mot français « Algérie » Ce sont les supporters de foot dans les stades qui scandent « 1, 2, 3, Viva l'Aldjérie ! ». C'est un slogan populaire.

 

C : Pourquoi avoir choisi de tourner en français ? 
N. M.  : Parce qu'il y a très peu de comédiens arabophones... Lubna est Belge d'origine marocaine : elle parle donc l'arabe marocain, ce qui n'a rien à voir... C'est comme si on jouait avec les accents ici en Belgique : le flamand, le wallon... Tout le monde gueulerait, il y aurait des manifs et le roi serait décapité ! (rires) 

 

Grégory Escouflaire

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