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Entrevue avec Patrick Lauber

Publié le 01/07/2004 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

A 12 ans, il a chopé le virus du cinéma avec cette caractéristique très sixties que l'avenir ne pouvait être meilleur que le présent. En faire son métier parce que c'est une aventure, un challenge et qu'il adore relever les défis. Il ne se shoote aux images que pour autant qu'elles éveillent son insatiable curiosité, que ce soit en terme de sujet, de format ou de support. Réalisateur, puis producteur, il vient de coéditer avec Boomerang Pictures Marcel Superstar, un documentaire d'Olivier Monssens qui est aussi son premier DVD. Portrait.

Le premier film qu'il a vu en salles, et qui l'a marqué, était Le bon, la brute et le truand. « Notre oncle avait un petit cinéma ce qui m'a permis de voir le film de Sergio Leone. J'étais fier parce qu'il m'a emmené dans la cabine deprojection pour voir les machines tourner, mais je savais que je voulais faire du cinéma avant d'avoir vu ce film car je tournais déjà des films en Super 8 en Suisse, mon pays d'origine. » Il réalise plusieurs bandes en format S 8, avec ses amis et sa famille. « Cela a commencé par les réunions familiales où j'arrivais avec trois à quatre spots de 1.000 watts. »  Puis petit à petit, il réalise des fictions à partir de scénarios, de découpages. « Vers I6-17 ans on s'est dit qu'on allait faire une fausse pub. On a pris une marque de café comme sujet. On s'est bien amusé en réalisant le spot. On l'a montré au responsable qui nous a dit :  c'est pas mal mais tel quel cela n'est pas exploitable. » On a dit Okay on peut la faire en 16mm. Il a payé les coûts de fabrication. C'est ainsi qu'on s'est retrouvé sur les antennes suisses pendant un an avec notre petite pub réalisée avec trois fois rien. Cela m'a permis de réaliser un court métrage consacré à un poète. »
C'est après ce coup d'éclat qu'il passe le concours d'entrée à l'INSAS et entre en section réalisation. Nous sommes en 1990. Il tourne Marcel et Gros Louis réalisé en Super 16 scope (on croyait la chose très difficile à l'époque). Pourquoi passe-t-il à la production ? « J'y suis venu petit à petit. L'école nous demandait d'écrire nos propres scénarios et personnellement, je n'ai jamais aimé l'écriture en tant que telle. Vertigo, créé avec Guy Maezelle, la première maison de production monte  L'innocence interdite. Ensuite, vient Kaos Films qui verra la réalisation de Histoire d'habitude un court métrage de Santos Helvia tourné, en Super 35mm, dans les Asturies avec un cheval dressé en Belgique et qui a obtenu l'Iris d'Or au Festival de Bruxelles. »

 

Le Portrait de Philippe Murgier est le dernier film qu'ils tournent en pellicule. Pour tester le numérique Philippe Rigot réalise, pour Kaos, un court métrage de 6'30, tourné en haute définition avec les mêmes contraintes qu'un court métrage en 35mm (c'est-à-dire une série d'optiques, etc.) et dans lequel ils testaient également l'incrustation et les effets spéciaux.. « Ce qui nous a permis de faire le tour de la question puisque nous avons même été jusqu`au report en 35mm, via le kinescopage. Le résultat est impressionnant, très bluffant. D'autant qu'on s'était imposé comme contrainte de tourner à l'extérieur, là où c'est le plus difficile pour la haute définition en termes de contrastes. Il faut vraiment être un chef op. pour savoir que cela a été tourné en haute définition numérique et l'incrustation des effets est vraiment chouette. Je ne crois pas que cela va remplacer le 35mm, mais c'est une autre façon d'appréhender la production.
La plupart de nos documentaires ont été tournés en DV. Le premier s'appelait Le Mystère Karakyngol, un documentaire sur des fouilles archéologiques en Mongolie et finalisé en Béta-digital. Marcel Superstar a aussi été tourné en DV. C'est une chaîne de production qu'on maîtrise assez bien. On a un banc de montage en Avid. On peut travailler en termes d'effets spéciaux, d'étalonnage et avoir une qualité, en finale, qui est impeccable. Mais surtout d'avoir une grande souplesse. Marcel Superstar, dont nous vous parlons par ailleurs sous la rubrique « en DVD » vient de sortir. Patrick Lauber pense que le mouvement va s'accélérer quitte à se passer ou de la salle, ou de la diffusion en télé. C'est un support qui lui semble avoir un grand avenir. ` « Cela ne va pas supplanter les salles de cinéma car rien ne vaut la vision d'un film en salles mais c'est un nouveau médium. Pour Marcel Superstar, le film, en audience cumulée des différentes chaînes sur lesquelles il a été diffusé, a dépassé largement le million de téléspectateurs. On a pris le risque - avec Boomerang--de l'éditer en DVD. Cela signifie d'utiliser le médium le mieux possible et de réaliser des bonus. C'est une nouvelle piste qu'il faut envisager très tôt dans la production d'un film. Il permet d'ajouter des passages supprimés à la diffusion en salles ou en télévision et d'en faire une version longue. »

 

Marcel Superstar est un peu l'inverse de strip-tease ce que confirme Patrick Lauber : «C'était une volonté d'Olivier Monssens de s'en démarquer. Je veux travailler dans le respect le plus absolu des gens que je vais rencontrer. Laisser les témoins de l'époque s'exprimer et ne pas aller au-delà de cela. En effet, l'histoire est incroyable. Il faut imaginer que Brasilia Carnaval a été fait à Mouscron bien que tout le monde, à commencer par les Brésiliens eux-mêmes, s'imagine que le hit a été produit au Brésil. Marcel De Keukeleire était quelqu'un qui était vraiment à l'écoute du public. Comme il était aussi accordéoniste de bal, il sentait bien ce qui marchait ou pas. Pendant la vague disco, il y a eu Brasilia Carnaval qui était un boléro qu'il jouait à l'accordéon. Il a compris que les gens désiraient bouger davantage et donc ils l'ont arrangé pour en faire un air disco. Ce qu'il faut savoir est que même les paroles ont été faites sur un coin de table, sur le temps de midi puisqu'ils enregistraient l'après-midi. Marcel De Keukeleire avait du flair et de la simplicité. Cette histoire est tellement forte - dans le documentaire on a du éluder plein de choses - qu'on a envie d'en faire un long métrage de fiction que Stéphane Malandrin scénarise en ce moment. Par ailleurs, Vincent Tavier et Stéphane Malandrin unissent leurs efforts sur Rouge Caviar, autre long métrage de fiction. »

 

« Pour moi un film doit être rentable rencontrer son public que ce soit le grand public ou un public plus restreint peu importe le type de film tourné. La ligne éditoriale de Kaos est assez diverse. Elle s'inscrit dans les coups de coeur, dans ce qui nous passionne, tant dans le documentaire que dans la fiction. L'un de nos projets de documentaire concerne Django Reinhardt qui s'appelle Djangomania, une coproduction avec le Canada. Le film concerne les fans de Django aujourd'hui. Comment se fait-il qu'il conserve une telle aura de nos jours, notamment au Japon. Pour mieux s'entendre, un autre documentaire que nous produisons, est le portrait d'une écrivaine burundaise qui, pour réunir Hutus et Tutsis, s'exprime principalement par des pièces radiophoniques. » 

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