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Jaco Van Dormael

Publié le 01/05/2001 / Catégorie: Dossier

Après Alain de Halleux, Pierre-Paul Renders, Thierry Zamparutti, dont les propos ont été publiés dans nos précédents webzines, nous avons demandé à Jaco Van Dormael de nous confier une carte blanche sur les événements qui depuis le début de l'année secouent la Cinémathèque Royale de Belgique. Car si un interlocuteur a été trouvé en la personne du ministre Charles Picqué, rien n'est réglé pour autant (nos politiques continuant à croire que le maigre subside de la Cinémathèque suffit à préserver et diffuser -- ne parlons même pas d'une numérisation de certains supports ou de la documentation afin de rendre celle-ci accessible aux étudiants et au public que le cinéma intéresse plus que jamais -- les films alors qu'il n'est qu'une mise sous perfusion ou un emplâtre sur une jambe de bois).

19/04/2001

Carte blanche - Cinémathèque


L'amnésie nous guette. Il y a quelques années, on demandait aux professionnels européens du cinéma de voter pour les dix films les plus importants du siècle. Après dépouillement, quatre-vingts pour cent des films choisis avaient moins de dix ans. C'est dire si la mémoire est courte. Mes propres enfants refusaient jusqu'il y a peu de voir un film s'il était en noir et blanc, classé « trop vieux ».

Les émissions de ciné-club à la télévision ont disparu. Le seul lieu où l'on peut encore voir les films qui ont fait l'histoire du cinéma, c'est la Cinémathèque.
Ce lieu magique, rempli de trésors, est une machine à remonter le temps. Il permet au visiteur de connaître le chemin qui a mené au cinéma de maintenant. Il a, pendant plus de septante ans, permis de conserver les traces de cette évolution. Certaines copies sont des trésors uniques, introuvables dans le reste du monde. Puis, un jour, la cinémathèque s'est retrouvée sans argent et sans tutelle. Ce qui arrive à notre cinémathèque fait, je crois, partie du démantèlement général de la Belgique, de son démontage en pièces et morceaux. Ce qui est belge est en passe de ne plus exister, il y a de moins en moins de place pour ce qui n'est pas « culturellement pur » : spécifiquement flamand ou spécifiquement wallon. Si ceux à qui nous avons délégué notre pouvoir sont trop occupés à gérer leur divorce, où est le bon sens ? Qui s'occupe de l'intérêt commun ? Coupons les Rubens en deux, le haut pour les Wallons, le bas pour les Flamands. Démontons la Grand-Place en nombre de pavés égaux.


Dommage, ce qui n'est pas divisible n'intéresse personne. Une cinémathèque, qu'en faire ? La cinémathèque de qui, d'abord ?
Alors, qui s'occupe de ce qui est de l'intérêt de tout le monde, et pas seulement d'une partie représentée par un parti ? Où vont les Belges en voie d'extinction, que deviennent les institutions et les gens qui ne sont pas culturellement purs, qui ne se sentent nin wallons en ook niet vloems, qui n'appartiennent à aucune partie ni à aucun parti, et qui ont beaucoup de mal à croire que de l'autre côté d'une frontière, les gens sont différents ?

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