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Jean-Jacques Rousseau : Wallonie 2084 - Belfilm

Publié le 14/11/2007 par Philippe Simon / Catégorie: Sortie DVD

Pour qui n’a jamais été confronté à l’œuvre hautement perturbante du « cinéaste de l’absurde », Jean-Jacques Rousseau, la sortie en DVD de deux de ses films est un événement à ne pas manquer. (1) 
Grâce à la collection Made in Belgium et au travail de Paul Geens, un éditeur qui n’a pas froid aux yeux, personne aujourd’hui ne pourra plus ignorer l’aventure cinématographique et ludico-traumatisante qu’est la vision de Wallonie 2084(long métrage) et d’Irkutz 88 (moyen métrage).

Jean-Jacques Rousseau : Wallonie 2084 - Belfilm

Le cinéma de Jean-Jacques Rousseau est unique en son genre et totalement habité par une passion de filmer. Passion qui n’a d’égale que sa fascination pour ces violences qui nous sont faites et qu‘il nous renvoie comme autant de délires malsains qui l'obsèdent jusqu'au plus profond de sa chair.
Bricolés avec des bouts de ficelles et quelques sous, ces films charrient, à jets continus, des cauchemars récurrents, inspirés de ces séries B et Z des années cinquante, mélange à la sauce artisanale de ce que le cinéma de genre a pu nous proposer de pire. Car les films de Jean Jacques Rousseau sont, dans un premier temps, ce que l’on peut imaginer de plus navrant. Réalisés à l’emporte-pièce sans s’embarrasser d’une cohérence narrative qui viendrait sans doute alourdir le récit, joués par des amateurs qui ne savent pas toujours ce qu’ils font là, ils sont au cinéma d’auteur, ce que le barbare est au civilisé, une insulte et une menace.
Et c’est là précisément que se joue la force et, pour tout dire, la vérité du cinéma de Jean-Jacques Rousseau. Furieux autant qu’irrationnel, il met à l’épreuve nos conforts de spectateur et plonge dans cette part d’ombre de la culture que nos constructions artistiques cherchent sans cesse à masquer. Ce qui s’éprouve d'inacceptable, voire de carrément insupportable lors de la projection de films comme Wallonie 2084 ou Irkutz 88, nous montre combien notre attente cinématographique peut être comme morte et sans surprise.
Et pourtant, faire l’expérience d’un film de Jean-Jacques Rousseau a quelque chose de revigorant. Car c’est mettre en péril cette raison esthétique qui juge du beau et du laid, du bien et du mal et c’est peut-être retrouver ces chemins de l’enfance qui, comme chacun sait, sont aussi ceux qui mènent parfois aux corridors glacés de l'innocence et de la folie.
Cinéma art brut, résolument rebelle aux valeurs d’un monde policé, Wallonie 2084 et Irkutz 88 sont exemplaires de cette barbarie effrénée et de ce manque de goût iconoclaste dont Jean-Jacques Rousseau a si bien le secret.
À voir pour qui sait aimer la déraison avec passion.


1) Le film de Frédéric Sojcher, Cinéastes à tout prix, brossait, entre autres, le portrait de J. J. Rousseau, cinéaste autodidacte, prolifique et délirant, et donnait envie de voir ses films qui, ne passant pas dans le circuit commercial, étaient quasiment invisibles.

 

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