Jean-Jacques Rousseau, cinéaste de l’absurde
« Moi, j’étais en train d’halluciner en écoutant Jean-Jacques Rousseau parler de cinéma, de le découvrir. Chaque fois qu’il y a une question qui lui est posée, je ne pouvais même pas imaginer l’once du début de sa réponse. Il m’embarquait dans un univers surréel et joyeux », nous explique médusé Jan Kounen, le réalisateur de 99 francs, qui vient de rencontrer Jean-Jacques Rousseau dans un amphithéâtre de la Sorbonne, lors d’un débat sur les stars du cinéma animé par Frédéric Sojcher.
La crise de 1929 a lancé, dans le monde du cinéma, le screewball comedies (les comédies loufoques) dont Midnight (La Baronne de minuit) de Mitchell Leisen reste un archétype, ou encore l’époustouflant The Palm beach story (Madame et ses flirts) de Preston Sturges (réalisateur favori des frères Coen). Pourquoi vous parle t-on des screewball comédies qui sortent en rafales via les DVD en 2008 ? Rien à voir, comme vous vous en doutez, avec la crise de 2008 ! Et bien parce que les films de Jean-Jacques Rousseau ne sont pas seulement absurdes, ils sont drôles. Drôles comme leur réalisateur déclarant devant des étudiants stupéfaits, et même hallucinés, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne qu’il n’aimait pas les publicités pour le dentifrice parce qu’elles étaient diffusées, dans les tranchées, pendant la seconde guerre mondiale, comme ceci « : le dentifrice Legrand, qui défend victorieusement vos dents ! »
Frédéric Sojcher, à qui l’on doit Cinéastes à tout prix, a rencontré JJR dans un café près de la Bourse à Bruxelles en 1996. Il est en train d’écrire sa thèse de doctorat sur le cinéma belge (La Kermesse heroïque du cinéma belge) lorsqu’il découvre un certain nombre de cinéastes semi-professionnels travaillant en 16 mm dont Jean-Jacques Rousseau. Une rencontre qui démarre bizarrement, puisque JJR méfiant, lui envoie son jeune assistant pour savoir s’il dégage de « bonnes ondes ». L’examen de cet exercice télépathique réussi, « il vint nous rejoindre et, depuis lors, Jean-Jacques Rousseau n’a plus quitté ma vie. Plus un mois sans qu’il me fasse signe. »
Jean-Pierre Bouyxou pense que JJR est un cinéaste expérimental. « Qui, à part lui, songerait à faire commencer un film par un carton annonçant « Vingt ans plus tard » alors qu’il ne s’est encore strictement rien passé sur l’écran ? » En effet. Cela a fait mourir de rire Benoît Poelvoorde (voire Cinéastes à tout prix).
Comme nous l’explique Frédéric Sojcher, la montée des marches au Festival de Cannes, de toute l’équipe de Cinéastes à tout prix fut épique car soumise à une véritable négociation avec le service du protocole, pour JJR. Fidèle à lui-même, il refusait de monter les marches à visage découvert. Après trois heures de discussion, on lui permit de s’affubler d’une perruque, d’une fausse moustache, et d’un chat (le masque des bals costumés).
Jean-Jacques Rousseau, cinéaste de l’absurde, sous la directions de Frédéric Sojcher, Editions Archimbaud/Klincksieck, 238pp.