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L’attrait de la neige, un livre de Mathias Lanvin

Publié le 15/03/2015 par Serge Meurant / Catégorie: Livre & Publication

Mathias Lanvin enseigne l’esthétique et l’histoire du cinéma à l’université Paris 8. Il est l’auteur de deux livres sur Manoel de Oliveira et a également dirigé un ouvrage collectif dédié à Ozu. 

Cover L'attrait de la neige Yellow nowL’attrait de la neige explore, de façon poétique, érudite et subtile à la fois, les apparitions de la neige au cinéma, comme un élément privilégié d’une météorologie du septième art. Son livre répond au mystérieux pouvoir des images de la neige à demeurer dans la mémoire du spectateur jusqu’à se substituer parfois au souvenir du film lui-même. La question posée trouvera, chez chacun, l’écho d’une expérience vécue. En ce qui me concerne, l’image du repas de neige partagé par les habitants du Tras-os-Montes, dans le film d’Antonio Reis et Margarida Cordeiro (1976), constitue la matrice d’une rêverie active sur ce rituel, associant les vivants et les morts d’une communauté.

André Bazin écrivait, en 1948, un bel essai intitulé Neige sur le cinéma. Il semblait au critique que de nombreux films, réalisés avant-guerre, manifestaient un singulier attrait pour la présence de la neige. Si peu de titres figuraient dans cet essai, il y traçait déjà les chemins de la lecture que nous propose Mathias Lanvin, des origines du septième art à aujourd’hui.

Ce précieux petit livre, à peine une centaine de pages, se déploie en une sorte de labyrinthe, à partir d’une série de variations sur les thèmes : « Neige-lumière/ Neige-couleurs », « Neige- écrans », « Neige informe/neige-mouvante », « Neige- matière » et « Neige-fiction ».

Jacques Aumont rappelait, dans un livre de la même collection L’attrait de la lumière (2010),

que « la lumière est une donnée brute, immédiate, minimale de notre perception du monde, mais le cinéma se contente rarement de la reproduire en tant que telle, et préfère toujours s’en servir comme d’un opérateur de signification, d’émotion, d’étrangeté voire d’estrangement ».

Cette définition s’applique davantage encore à la lumière de la neige et se vérifie dans tous les films analysés par Lanvin qu’il s’agisse du Faust (1926) de Murnau, de Passion (1982) de Jean-Luc Godard, de La Salamandre (1971) d’Alain Tanner, de Cœurs (2006) d’Alain Resnais. La multiplicité et la diversité des exemples choisis par l’auteur mettent en relief les différentes fonctions que revêt l’utilisation de la neige au cinéma. La neige est associée à la circulation de la lumière, sa présence ou son évanescence, sa proximité avec l’écran, qu’elle soit pure lumière ou aplat coloré. Elle peut apparaître enfin comme une puissance de défiguration, lorsqu’elle dissout les corps, rend le paysage méconnaissable, jusqu’à la disparition de la figure humaine, comme dans le film de Kijû Yoshida : Amours dans la neige (1968).

Cette promenade au pays de la neige révèle bien des surprises heureuses au lecteur-spectateur, des découvertes placées sous le signe de la poésie. C’est un travail que Gaston Bachelard aurait apprécié.


L’attrait de la neige, un livre de Mathias Lanvin

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