L'Autre Néo-réalisme, une correspondance, de Marco Bertozzi et Thierry Roche
La correspondance entre Marco Bertozzi (réalisateur et historien du cinéma) et Thierry Roche (anthropologue) suit le parcours des réalisateurs qui ont animé le néo-réalisme. Pas seulement les grandes figures d'un style fécond qui a permis à tout un pan du cinéma italien de se développer - de Roberto Rossellini à Pier Paolo Pasolini - mais aussi autour de l'idée d'un réalisme qui refuse l'option naturaliste. Tant dans le documentaire que dans la fiction. (1)
Thierry Roche, dans l'idée d'organiser une rétrospective du cinéma documentaire italien, demande à Marco Bertozzi – lequel a écrit un livre important sur l'histoire du documentaire italien – de l'aider à choisir parmi dix mille films ayant été réalisés entre 1945 et 1970.
Il y a différentes approches du néo-réalisme consistant souvent à le situer historiquement. Il s'agit d'un processus qui a commencé avant la seconde guerre mondiale, mené par des réalisateurs qui voulaient développer un cinéma plus en phase avec le réel. La résistance au fascisme, les décombres de la fin de la guerre, leur ont permis de dresser un état des lieux avec Païsa, Umberto D., Riz amer… et face à la défaillance des adultes, nous montrer les enfants et les adolescents qui se trouvent confrontés à un monde qu'il faut réinventer (Allemagne année zéro, Le voleur de bicyclette).
Le cinéma néo-réaliste déserte les studios et invente un nouveau type d'images, en privilégiant la présentation des faits plutôt que sa représentation et les structures dramatiques d'un scénario préétabli. « Cela peut-être dramatique ou mélodramatique, mais les personnages sont d'une vérité bouleversante, aucun ne représente un code social ou un symbole », écrira André Bazin dans Qu'est-ce que le cinéma ? (2)
Sur les enfants victimes de la guerre, Bertozzi signale quelques sommets comme Bambini in Città de Luigi Comencini (1946), Il mondo nel cortile de Piero Nelli (1949), un court métrage sur des gosses dans la cour d'un immeuble à Rome. Sur l'adolescence perdue, Adolescenza (1959) de Franco Morselli.
Autre approche, les cinéastes du néo-réalisme sont les premiers à franchir le Rubicon, la ligne entre le documentaire et la fiction. Riz amer est une fiction épurée. Autour du travail et de son contexte se tisse une intrigue sentimentale. C'est presque la phrase-manifeste de Cesare Zavattini (scénariste et théoricien du néo-réalisme) : « La véritable tentative ne consiste pas à inventer une histoire qui ressemble à la réalité, mais à raconter la réalité comme si c'était une histoire » - cité par Thierry Roche.
Le dialogue est très souvent intéressant, mais demande une bonne connaissance du cinéma italien de l'après près guerre 1940-1945, une époque pendant laquelle il a connu un âge d'or. Hormis les différents festivals comme « Filmer à tout prix » qui a diffusé certains des films dont les deux interlocuteurs parlent dans le livre, il est parfois difficile de s'y repérer. On aimerait d »couvrir Il male di San Donato de Luigi Di Gianni (1965) et La mia terra d'Umberto Delli Colli. Une bonne raison pour que Cinematek organise quelques cycles pour compléter notre connaissance sur la richesse de ce cinéma pré-berlusconien.
Jean Domarchi a développé l'idée que le cinéma est américain parce que l'Europe n'a point réussi à se dégager de l'emprise de sa littérature et de sa peinture. Sauf, nous précise-t-il, avec trois exceptions : Carl Dreyer, Jean Renoir, Roberto Rossellini, in Georges Cukor, éditions Seghers.
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André Bazin, dans Une esthétique de la réalité (Tome IV de Qu'est-ce que le cinéma ?) défend que le néo-réalisme produit un plus de réalité. En 1985, Gilles Deleuze (in Cinéma 1) nous explique que le néo-réalisme est le premier mouvement du cinéma moderne qui va se développer en Europe.
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L'Autre Néo-réalisme, une correspondance, de Marco Bertozzi et Thierry Roche, éditions Yellow Now/Côté cinéma.