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Le Fil des jours de Marie André

Publié le 12/11/2021 / Catégorie: Critique

Il y a eu l’Urss. Il y a la CEI. C’est ce que l’Histoire nous raconte dans le grand fracas des empires qui s’effondrent. Avec médiatisation d’images fortes : les putchs, les nouvelles maffias, la violence, le désordre économique. Et puis, comme disait Godart : « il y a la vie, simplement la vie ». Celle qui s’écoule inchangée, quotidienne loin des news et des événements. C’est dans cette permanence russe que se situe le film de Marie André, qui ignore le sensationnel ou le folklorique. C’est-à-dire qu’à l’Est comme à l’Ouest, là-bas comme ici, à la ville comme à la campagne, des gens vivent du matin au soir, les choses vont comme elles sont.

Le Fil des jours de Marie André

Les images et les plans de Marie André jouent sur cette proximité et cette différence. Ils sont portés par des hommes et des femmes qui se réveillent, se parlent, travaillent et, le lien narratif est simplement celui de la cinéaste, du regard de la cinéaste qui construit son film comme une partition musicale avec des mouvements, des reprises, des prolongements ou des arrêts sur des thèmes d’une très grande fluidité.

Cette structure symphonique est accentuée par l’utilisation de la bande sonore où les paroles échangées sont plus indicatives qu’informatives et travaillent avant tout sur les sonorités de la langue. Cette volonté de scènes « en mineur » s’appuie sur une échelle de plans toujours égale où le spectateur est tenu à une certaine distance , celle de la description, de la mise-en-place d’une situation qui ne veut pas devenir récit autonome mais être juste un fragment d’un ensemble plus vaste qui s’organise avec elle et en dehors d’elle.

Et, très étrangement, ces 111 plans qui se refusent de dire plus qu’ils ne montrent, qui sont des ponctions dans les petites choses de la vie sont en définitive terriblement russes parce qu’ils captent à travers le rythme, ce décalage des gestes et des objets, la certitude de l’ailleurs, celui d’un espace et d’un temps différent.

 

Jacqueline Aubenas (1994)

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