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Marion Hänsel - Droit au but

Publié le 01/10/1996 / Catégorie: Entrevue

Directe, sensible et prenant volontiers ses responsabilités, Marion Hänsel ressemble à ses films. Sur la terre comme au ciel reste fidèle aux thèmes féminins chers l'auteur. Peut-être que son denier film semblera plus tendre que les précédents. Mais la douleur et le doute y ont leur place comme dans Dust, Le Lit ou Les Noces barbares.

Marion Hänsel - Droit au but

Cinergie: Parallèlement à votre métier d'auteur-réalisatrice vous développez une importante activité de productrice. Quelles motivations trouvez-vous dans le financement des films des autres ?

Marion Hänsel : J'aide des gens qui me sont proches et dont les projets me plaisent. Ce sont des collaborateurs ou des amis. Je refuse d'office tous les autres scripts qui me sont soumis. Je produis donc un peu par " fidélité". En soi, le financement d'un film ne me passionne pas. Ca reste une opération trop problématique. "Alan's Film " intervient aussi, minoritairement, dans des productions étrangères. Mais il s'agit là d'investissements permettant de trouver des coproductions pour mes propres projets. Un échange de bons procédés en quelque sorte.

 


C. : D'où vient l'idée de votre nouveau film ?
M. H.:
Elle n'est pas de moi. Paul Le, un jeune Français, l'avait proposée à un concours européen de scénarios et de courts métrages. Je faisait partie du jury et je trouvais formidable cette idée de foetus refusant de naître parce que le monde lui déplaît. J'en ai donc négocié les droits avec l'auteur. Et je l'ai développée pour en tirer un long métrage.

 

C. : C'est le premier de vos scénarios à n'être pas adapté d'un roman. Cela a-t-il une incidence sur le travail d'écriture ?
M. H.:
Pas beaucoup. Sans trame de départ, le tissage initial est forcément moins structuré. Mais le travail et les joies qu'on en retire restent identiques. Livres ou pas, mes scénarios connaissent entre six et huit versions. Peut-être dévoile-t-on un peu plus d'intimité dans un sujet original, bien qu'il n'y ait ici, aucun élément autobiographique.

 

C. : Quel fut l'apport de Jaco Van Dormael au scénario ?
M. H.:
Il a rédigé une version pendant que je tournais Il Maestro. Mais ce fut une collaboration temporaire. A certains stades, j'ai recours à des gens qui me servent d'interlocuteurs et de critiques. Sur d'autres films j'ai par exemple fait appel à Henri Colpi et à Dominique Deruddere (pour Il Maestro), mais je reste toutefois seule auteur de la version finale. Il me serait difficile de travailler avec un co-scénariste de la première à la dernière monture d'un script.

 

C. : Les éléments fantastiques au film sont canalisés dans une réalité très rationnelle.
M. H.:
Tout à fait. L'idée pouvait aboutir à des films très différents allant du fantastique au burlesque en passant par la comédie psychanalytique à la Woody Allen. J'ai préféré la traité de façon intimiste, car pour moi, il ne s'agit pas d'une science-fiction. Si nous n'entendons pas les enfants que nous portons, c'est peut-être parce que nous ne savons pas les écouter. Et comme foetus, nous avons peut-être envoyé à nos mères, des messages dont nous ne nous souvenons plus. Tout cela n'a pas été décodé. Mon film lance un cri bien réel : " qu'allons-nous laisser à nos enfants ? ". Quand Cousteau fait signer une charte sur les droits des générations futures, il ne dit pas autre chose.

 

C. : Selon vous, quels sont, dans la vie, les symptômes concrets de ce que l'on appelle dans le film : " la perte du désir d'être " ?
M. H.:
Autour de nous, beaucoup de gens vivent, bougent, mangent et dorment. Ils gagent leur vie, font des gosses... mais leurs espoirs portent sur cinq semaines de vacances ou sur l'âge de la pension (qui ne sera pas forcément plus heureux). Ils passent le plus clair de leur vie comme anesthésiés, attendant la mort. Les vivants qui aiment ce qu'ils font, qui veulent évoluer, apprendre, découvrir et changer les choses ne sont pas nombreux. Le désir d'être, donc de vivre et de transformer ne me paraît plus très présent.

 

C.  : Pourquoi alors, avoir choisi un fin plutôt optimiste ?
M. H. :
Il y a neuf ans, j'ai fait un enfant que je désirais. Cela supposait un certain espoir dans l'avenir. Je n'aurai pas voulu finir un récit comme celui-ci de façon pessimiste.

 

C. : Comment avez-vous choisi Carmen Maura ?
M. H.:
Je savais qui étais Almodovar, mais je n'avais pas vu ses films. C'est plutôt dans Ay Carmela de Carlos Saura que j'ai admiré Carmen Maura. Je la trouvais forte, pleine de possibilités. Vu sa nationalité espagnole, je ne la voyais cependant pas dans un de mes films. Et puis, je l'ai rencontrée par hasard à la cérémonie des Félix à Glasgow et j'ai découvert qu'elle parlait bien le français. Je lui ai donc envoyé le scénario et elle a tout de suite accepté le rôle. 

 

C. : Le métrage au film, assez bref, le rend d'autant plus incisif ?
M. H.:
Je pense que c'est là, une de mes constantes. Mon plus long film, les Noces barbares dure 1h38 et encore est-il tiré d'un roman toufu. Le Lit fait 1h18 et celui-ci 1h20. j'aime aller droit au but, c'est dans mon caractère. Au montage, il faut me retenir sinon je coupe et je coupe. Tout ce qui ne me semble pas vraiment bien : poubelle ! même si la scène a coûté cher, que son tournage a pris des jours, qu'on s'y est bien amusé ou qu'on a sué sang et eau, je n'ai aucune complaisance envers mes images. L'important, c'est le sujet !

André Joassin

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