Mauvaise foi de Roschdy Zem
Dieu m’a donné les foies
Histoire d’amour moderne dans le Paris d’aujourd’hui. Ismaël et Clara forment un jeune couple comme les autres, heureux et épanoui. Ismaël est arabe, Clara juive, un détail qui semble jusque-là ne poser de problème à personne. Et pourtant, la donne va changer le jour où Clara tombe enceinte et que le couple doit annoncer la nouvelle aux parents, juifs orthodoxes pour Clara, musulmans pratiquants pour Ismaël. La découverte de leurs familles respectives devient un véritable enfer. « Ces gens-là n’ont rien à voir avec nous, ils sont incompatibles ! Avec tout ce qui se passe en ce moment en plus... » C’est alors tout un monde de traditions, de préjugés tenaces et de désaccords qui leur tombe sur la tête. Au départ, Ismaël et Clara tiennent bon : à deux contre l’adversité même si le déséquilibre et la peur s’installent. Mais, petit à petit, les mésententes naissent au sein du couple. Jusqu’à les séparer ?
Premier long métrage réalisé par Roschdy Zem, « l’acteur qui n’articule pas » néanmoins excellent dans 36, Quai des Orfèvres et Indigènes, Mauvaise Foi est une petite comédie douce-amère très modeste qui assène son message de tolérance à travers une galerie de personnages, pour une fois assez bien écrits, ce qui devient de plus en plus rare dans la « jeune comédie française ». La qualité (sinon l’originalité) de l’écriture est à mettre au crédit de Zem et de son coscénariste, le talentueux Pascal Elbé, également acteur. Si la narration et la structure sont on ne peut plus classiques, ce sont les thèmes abordés et certains dialogues réjouissants qui emportent notre enthousiasme : ainsi, une discussion animée entre deux amis, un juif et un arabe, se termine par une conclusion assez édifiante : les juifs qui commettent des atrocités sont de véritables barbares tandis que les arabes kamikazes qui se font exploser dans une école remplie d’enfants sont des martyrs. L’ironie, l’humour et le sens de l’observation sont présents de fort belle manière dans les dialogues.
À l’actif du film également, une belle brochette de seconds rôles. Si les deux acteurs principaux sont tout à fait corrects (encore qu’il serait temps de voir Cécile De France changer de registre, voire d’agent...), revoir le toujours magnifique Jean-Pierre Cassel, décédé récemment, hilarant dans l’un de ses derniers films est un vrai plaisir. Le voir ouvrir la porte à son futur gendre arabe, le remercier pour la livraison du bouquet de fleurs et lui refermer la porte au nez est un grand moment de comédie. Pascal Elbé, Leila Bekhti et Antoine Chappey bénéficient également de personnages tour à tour touchants et amusants.
Là où le film pèche, c’est par son manque d’ambition. Sa forme ne le différencie guère d’un simple téléfilm à grande écoute formaté pour le prime-time. On pourra également rester circonspects par quelques détails un peu durs à avaler, des facilités scénaristiques gênantes : ainsi, le couple qui gagne sa vie modestement vit dans un appartement grand luxe qu’aucun arabe dans le Paris actuel ne pourrait se payer. On sait que Cécile de France est une gentille car elle travaille avec de gentils gentils nenfants handicapés. Et puis le happy end inévitable et exagéré semble très peu probable, là où un peu plus de subtilité aurait été de mise. Une concession de Zem à ses producteurs ? Il y aurait beaucoup à parier...
Ces réserves mises à part, Mauvaise Foi a le mérite d’amener, de manière intelligente, le débat sur les traditions et la religion au sein du couple. On se retrouve en fin de film à se poser certaines questions (avouez que ça devient assez rare dans les comédies françaises qui, dernièrement, semblent atteintes d’une douloureuse lucbessonite aiguë...) : prénommeriez-vous votre enfant Abdelkrim pour faire plaisir à votre mari ? La recette du bon mariage passe-t-elle par la conversion ? La religion et les croyances ont-elles leur place au sein d’un couple ? La tradition doit-elle passer avant l’amour ? Si les réponses semblent couler de source, elles auront, dans la vie de tous les jours, brisé plus d’un couple.
Evidemment si on était chez Luc Besson, les réponses seraient encore beaucoup plus évidentes puisque chez lui les arabes sont des caricatures, les Japonais sont des débiles proches de la trisomie et les femmes sont TOUTES des putes hystériques. Heureusement donc que chez Luc Besson on ne se pose aucune question, si ce n'est de savoir combien de fois on pourra refaire Taxi avant que le public ne remarque la supercherie... Mais je divague.
Par contraste, on ne peut donc que se réjouir du bon goût de Roschdy Zem lorsqu’il dépose sur le ventre de Cécile De France des écouteurs afin que leur futur bébé écoute un superbe enregistrement live de Born To Run par Bruce Springsteen. On se dit alors que le gosse, qu’il soit circoncis ou pas, qu’il mange du porc ou pas, qu’il porte le voile ou pas, qu’il aille au temple ou à la synagogue, aura, quoiqu’il arrive, un goût très sur pour la bonne musique ! Une manière de souligner que, quelles que soient les croyances, les pratiques et les religions, l’art s’élèvera toujours beaucoup plus haut que ces considérations en fin de compte tellement dérisoires.
En bonus, le DVD de Mauvaise Foi propose trois courtes interviews de Roschdy Zem, Cécile De France et Pascal Elbé ainsi qu’un making-of de 23 minutes où l’on retrouve le réalisateur expliquant ses choix de mise en scène, sa collaboration à l’écriture et son amitié avec Pascal Elbé et présentant un à un les acteurs du film.
Mauvaise foi de Roschdy Zem - 2006
Avec Roschdy Zem, Cécile DeFrance, Pascal Elbé, Jean-Pierre Cassel, Leila Bekhti
Distribution: Belgafilms