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Les Animaux Amoureux de Laurent Charbonnier

Publié le 01/02/2008 par Matthieu Reynaert / Catégorie: Critique
Les Animaux Amoureux de Laurent Charbonnier

Cinergie aime suivre les talents belges qui s’exportent, et même explosent à l’étranger. Cécile de France en est, bien sûr, un des meilleurs exemples. En dix ans de carrière, l’éternelle adolescente de 32 ans a enchaîné une bonne vingtaine de longs métrages (en Belgique, aux Etats-Unis, et surtout en France), plus un téléfilm sous la direction de Claude Chabrol. Avant de la retrouver dans le formidable Où et la main de l’homme sans tête ? (où elle dévoile la facette la plus adulte de son jeu), sur scène avec Eddy Mitchell, ou dans le diptyque consacré à Jacques Mesrine; c’est aujourd’hui de sa belle voix, douce et un peu cassée, qu’elle nous fait profiter, dans le documentaire Les Animaux Amoureux.

 Ce film, signé par un des chefs opérateur du Peuple Migrateur, suit un nombre impressionnant d’espèces animales à travers le monde de la parade nuptiale à la naissance des petits. Si une bonne partie des images ne dépasse hélas pas ce que l’on peut voir dans les éternels documentaires animaliers de la télévision, certaines sont tout à fait splendides ou surprenantes. Des oiseaux exotiques prenant des poses magnifiques mais invraisemblables aux kangourous qui se battent sur la croupe même d’une femelle, en passant par les tranquilles baleines ou nos cousins simiesques, Laurent Charbonnier nous offre de l’émerveillement et du rire. De ce point de vue, malgré quelques images assez crues, on est en plein dans le film pour sortie familiale, mais la structure de l’œuvre se révèle étonnement expérimentale.
Le son est géré sur trois niveaux. La voix de Cécile de France qui ouvre et ferme le métrage avec grâce et un chœur partagé entre les bruits et les chants des animaux auxquels répond la musique originale de Philip Glass - ce célèbre compositeur new-yorkais de musique sérielle a récemment signé les bandes originales de The Hours ou Cassandra’s Dream et s’est souvent frotté au documentaire, mais jamais animalier. Cette association est LA bonne idée du film, car la musique sérielle, ou répétitive, est la plus à même de porter à la méditation sur l’organisation du monde et les réflexes du vivant. L’alchimie fonctionne donc bien mieux ici que dans Le Peuple Migrateur, où la partition de Bruno Coulais ne faisait que mettre l’emphase sur la beauté des images. Ici, la musique ne parodie pas la nature, elle dialogue avec elle. La voix humaine devient alors un élément extérieur qui doit trouver sa place dans cette harmonie. D’un point de vue de spectateur, cette recette impose le respect du monde animal bien mieux que tous les discours moralisateurs de documentaires tels que La Planète Bleue. Le message est bien plus simple ici : c’est l’amour qui fait tourner le monde. (Mais si! Rappelez-vous, Le Roi Lion : “C’est l’histoire de la viiiiie, le cycle éterneleuh”! )

Le montage a, lui, quelque chose d’eisensteinien. Si l’on distingue plus ou moins une continuité narrative, les sauts géographiques, les variations dans la durée des plans, et la pléiade d’espèces observées crée un petit maelstrom hypnotisant. Ainsi, le parent cinéphile qui emmène sa progéniture “voir les animaux” trouvera-t-il son compte dans un film entre-deux, dont l’audace relative ne perturbe pas outre mesure les enfants, produits d’une civilisation de l’image (j’écris cela pour l’avoir vu en présence de ces petits êtres étranges). Dans cette civilisation, il est plus important que jamais de rappeler notre lien à la nature, et de faire tourner, encore et encore, non pas le cycle de la vie, mais bien Cécile de France.

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