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Panda Farnana, un congolais qui dérange

Publié le 15/01/2012 par Sylvain Gressier / Catégorie: Critique

Fruit d'un important travail d'investigation, le dernier film documentaire de Françoise Lévie, Panda Farnana, un congolais qui dérange (coproduit par la Communauté française de Belgique et le VAF) a été récemment présenté dans plusieurs lieux bruxellois dans le cadre de la réhabilitation de celui qui fut le premier intellectuel congolais de Belgique, l'occasion de découvrir la vie de ce personnage oublié de l'Histoire. 

Françoise Lévie a le goût des sujets méconnus, la lumière de ses projecteurs se dirige cette fois sur celui qui devint le premier agronome noir de Belgique. Natif du Congo, Panda quitte le pays à l'âge de sept ans, et est employé comme « nourrice » d'un nouveau-né de colons belges. Enfant et parents décèdent sur le bateau qui les ramène en Europe, et le jeune boy est, à son arrivée, recueilli par Louise Derscheid, sœur de la défunte, qui va lui offrir une éducation humaniste. Une fois diplômé, le jeune homme entreprend alors de retourner au Congo dans le but d'apporter son savoir et son soutien, d'abord comme agronome au service de l'état belge, puis, comme Congolais épris de liberté et d'égalité pour son peuple colonisé.

L'armature du film, construite sur une série de lettres de correspondance entre Panda et divers interlocuteurs et d'une douzaine de photos inédites dénichées au fil des recherches de la réalisatrice, est appuyée par des scènes d'évocation, ainsi que par des entretiens avec quelques personnages locaux du village natif de Panda, président de l'association à son nom, ou de parents éloignés.

Le film met l'accent sur la volonté humaniste de Panda, jeune homme élevé dans les meilleures conditions du système occidental et qui se trouve confronté à la réalité de l'ère colonialiste où, tout intellectuel qu'il soit, il demeure aux yeux de ses pairs, nègre, avant tout. Blessé par la réalité du racisme, il se radicalise progressivement, passant de l'état d'un jeune premier plein d'aspirations à celui d'un "combattant" comme il se définit lui-même dans sa correspondance à W.E.B Dubois, père du pan-africanisme, au regard désabusé, mais à la volonté inflexible.

Plus de cinquante ans après l'accession à l'indépendance congolaise, le film a le mérite d'être à la fois un hommage rendu à un précurseur méconnu des luttes pour l'émancipation du pays, mais aussi une salutaire piqûre de rappel quant à ce que fut la colonisation, ses implications et ses conséquences.

Si le sujet est éminemment instructif, la bonne volonté palpable, et certaines images fort belles, on regrette d'autant plus la mise en scène télévisuelle qui dessert parfois le propos à force d'une dramatisation excessive dont celui-ci n'a pourtant aucunement besoin.



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