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Rencontre avec Jasna Krajinovic à propos d'Un été avec Anton

Publié le 18/02/2013 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

Une rétrospective des films de Jasna Krajinovic a lieu actuellement au studio 5 à Flagey. Partant du portrait intimiste, la réalisatrice d'origine slovène dévoile les blessures qui défigurent encore l'ex-Yougoslavie, et dans son dernier film, Un été avec Anton, les prémices d'une guerre annoncée en Russie. Intrigués par les artifices de sa mise en scène, nous l'avons rencontrée, afin qu'elle puisse nous livrer ses intentions et sa manière de travailler.

Rencontre avec Jasna Krajinovic à propos d'Un été avec Anton

Cinergie : Vous affirmez, dans vos deux derniers films - La Chambre de Damien et Un été avec Anton -, un point de vue intimiste, très proche de vos sujets. Expliquez-nous cette démarche.
Jasna Krajinovic : Parfois, des gens parlent de votre travail en pointant des choses justes auxquelles on n'avait pas pensé. Un étudiant, qui faisait un doctorat sur le cinéma documentaire, a vu tous mes films et a intitulé son texte Le moi blessé : je trouve ça très juste. Quand vous me parlez de La Chambre de Damien ou d'Un été avec Anton, je suis allée vers eux avec la volonté de leur offrir un autre regard. Je pense que cette approche se trouvait déjà dans mes films précédents, mais qu'elle était moins claire. Pour Deux Sœurs, je possédais moins de recul car j'étais aussi blessée et touchée par cette guerre.
La Chambre de Damien évoque la violence chez les jeunes en Slovénie, au moment où le pays rentrait dans l'Union Européenne. Le film devait être distribué en salles, mais a été arrêté après la première projection à la demande de la mère de Damien qui a eu peur de revivre un enfer si le film était diffusé. Il y a beaucoup de non-dits dans mon pays, de choses cachées. J'étais très déçue et très triste pour ces jeunes prisonniers qui vont rester des oubliés.

C. : Vous essayez toujours davantage, avec ces deux derniers films, de vous rapprocher de vos personnages, de réduire la distance. Comment vous y êtes vous prise ?
J. K. : Les deux tournages ont été très différents. Pour La Chambre de Damien, j'ai animé un atelier de cinéma à la prison pendant un an avant de filmer. On a beaucoup travaillé avec les détenus, et ils me connaissaient bien. Lorsque je suis revenue avec l'équipe de tournage, Damien était prêt et heureux et il avait une grande confiance en moi. Nous avons pris le temps de nous apprécier, et cela c'est très bien déroulé avec l'équipe également. Il fallait qu'il sente que nous ne le jugions pas, notamment parce qu'il racontait des choses qu'il n'avait jamais révélées auparavant. C'était très différent avec Anton où nous devions filmer très vite une fois le dossier accepté en Russie, car la situation pouvait évoluer très rapidement. Mais dans les deux cas, un partage s'est installé d'emblée. Si cela a fonctionné, c'est peut-être parce nous leur laissions un espace de liberté pour oublier un peu leurs situations difficiles.

C. : Vous avez fait des études d'analyse de cinéma avant d'intégrer l'INSAS. Vous aviez toujours voulu faire du cinéma ?
J. K. : Non, pas du tout. Ma cousine est actrice, mais l'art n'est pas bien vu dans ma famille, il fallait trouver un métier qui rapporte. J'étais très intéressée par la littérature, et j'ai suivi des études afin de devenir traductrice. En fin de cursus, j'ai vécu de gros bouleversements, plusieurs êtres chers sont décédés et puis, la guerre a éclaté. Je n'avais plus envie d'être traductrice, il me fallait quelque chose de plus fort. J'ai tenté l'académie de cinéma de Ljubljana par curiosité et pour me provoquer. La guerre nous a enfermés. La Yougoslavie n'existait plus. Désormais, on parlait de Slovénie et de toutes ces républiques qui s'affrontaient. Or, nous étions entrés à l'école pour élargir notre regard et non l'inverse. Alors je suis partie, je suis entrée à l'INSAS, j'ai pu réaliser un documentaire avec peu de moyens, et ça m'a énormément plu car jusqu'ici, j'étais dans la théorie. C'est à ce moment-là que j'ai pris conscience que c'était ce que je voulais faire.

C. : Le cinéma était en quelque sorte un moyen d'arrêter le temps, et c'est devenu un moyen d'expression permettant même de penser au futur.
J. K. : Oui, c'était le moyen de traverser le miroir, d'aller voir ce qui se trouve derrière ce qu'on voit. En Yougoslavie, nous venions de terminer nos études, il n'y avait pas de haine entre nous, nous ne comprenions pas cette guerre. C'était très dur de voir des villes magnifiques comme Dubrovnik bombardées ou de voir les gens se terrer dans les caves. De plus, le cinéma m'a permis de déconstruire ces images formatées par les médias.

C. : Néanmoins, vous n'avez pas utilisé la capacité divertissante de l'outil cinéma, il s'agit de dénoncer, même si vous le faites de manière sous-jacente et non frontale.
J. K. : En sortant de l'école, je voulais faire de la fiction. Je suis allée faire un repérage en Bosnie un an après la guerre. Je me suis rendue compte que le réel se suffisait à lui-même. Pourquoi en rajouter alors que les témoignages sont déjà si forts ? J'ai préféré être pudique, leur laisser un espace où puisse s'engouffrer l'inattendu afin de ne pas les emprisonner dans la tragédie. Un Eté avec Anton est pour moi le film le plus dur parce qu'on voit ce qui précède la guerre. Quand la guerre est finie, il y a l'espoir, et on se tourne vers la paix, alors que lorsqu'on est en paix et qu'on aperçoit les prémices de la guerre, surtout comme ici avec des enfants, c'est dur...Toute l'équipe a eu des moments de saturation.

C. : Quel était le dispositif pour Un été avec Anton ?
J. K. : On était quatre personnes en comptant l'assistante-traductrice. Nous avons commencé à filmer chez Anton, puis on l'a suivi dans le camp d'entraînement pendant 3 semaines non-stop. Les instructeurs inventaient des situations pour que nous filmions les entraînements comme si nous étions dans un film de guerre, avec la caméra très mobile qui suit des « combats », alors que cela ne nous intéressait pas du tout. Par contre, après ces exercices, les enfants étaient très fatigués, ce qui nous était plus intéressant. Mais c'était très dur d'être 24h sur 24 sur le lieu de tournage, avec ces enfants qui souffraient.

C. : Parlons des repérages. Vous avez cherché un camp d'entraînement puis un jeune qui allait y faire un stage d'été.
J. K. : C'est ça. Je suis d'abord allée au camp d'hiver. J'ai vu les enfants s'entraîner dans la neige, se battre au corps-à-corps, construire et déconstruire des armes. Ils avaient également des cours théoriques, et j'ai pu réfléchir à la structure du film, comprendre un peu ce fonctionnement militaire. Quant on est allé tourner, c'était l'été, les espaces occupés étaient plus vastes, ce que j'avais pressenti s'est confirmé. Même s'il y a beaucoup d'exercices physiques, je pense que le but est de manipuler les enfants, de leur faire assimiler certaines visions particulières du monde. L'important est là, le décorum est accessoire, et je trouve cela très grave.
C. : Comment avez-vous choisi Anton ?
J. K. : Lorsque nous sommes arrivés en hiver pour les repérages, nous nous sommes retrouvés dans un abri où ils rasaient la tête des enfants. Le temps d'installer notre matériel, beaucoup d'enfants étaient passés sous la tondeuse, et nous avons filmé un garçon : Anton. La façon dont ils manipulaient sa tête pour lui faire changer d'apparence était selon moi la métaphore de tout ce qui se tramait. Anton nous regardait avec beaucoup de curiosité, et une certaine tendresse. Lorsque nous sommes retournés voir Anton, il était très content de nous voir. Chez lui aussi, nous avons reçu le même accueil de la part de sa grand-mère. On avait l'impression d'être chez nous.

C. : Cet accueil et cette relation entre Anton et sa grand-mère comme si la caméra n'était pas là est très étonnante. Y a-t-il eu de la mise en scène, comme la scène où il s'endort sur les genoux de sa grand-mère ?
J. K. : Il s'endormait petit à petit et on a passé beaucoup de temps là. Il y a beaucoup d'autres moments très spontanés, mais que je n'ai pas pu les inclure dans le film. La construction du film était assez difficile car nous devions nous focaliser sur Anton. Le film est un patchwork de nombreux moments très différents. Nous avions demandé à Anton de porter certains T-shirts pour que ça soit plus simple pour le montage, mais sinon ils oubliaient très souvent la caméra. Nous sommes restés trois semaines chez eux, puis trois semaines dans le camp.

C. : Est-ce que l'histoire était écrite avant d'être filmée ?
J. K. : Oui, j'ai écrit un film que je voulais faire, et je me suis laissé emporter par ce désir. J'ai un peu d'expérience maintenant, et je sais qu'il ne faut pas se focaliser uniquement sur le personnage, alors j'ai inscrit les grandes lignes du film dans le scénario. Parallèlement, je cherche à conserver une certaine liberté pour pouvoir improviser, laisser le personnage se développer seul. Il faut parfois savoir construire autre chose que ce que l'on avait prévu. Nous sommes partis avant d'avoir réuni le financement. Nous ne pouvions pas attendre à cause des contraintes de l'armée, nous n'avions pas beaucoup de possibilités de tournage.

C. : Ce camp a été choisi par hasard ?
J. K. : Non, pas du tout. En fait, je suis tombée sur un calendrier contenant des photos d'enfants du monde entier, et il y avait une photo en noir et blanc d'un enfant-soldat russe. Cela m'a beaucoup étonnée, et j'ai contacté le photographe. Il m'a dit qu'il l'avait prise au camp Kaskad. Nous avons rencontré le capitaine qui a tout de suite accepté. Ce sont des gens qui ont envie qu'on parle d'eux, notamment à l'étranger, qui assument ce qu'ils font et qui y croient.

C. : Ils perçoivent le cinéma comme un moyen de propagande.

J. K. : Oui tout-à-fait. D'ailleurs, quand ils ont vu le film, ils ne comprenaient pas pourquoi on voyait une grand-mère ? On a eu beaucoup de chance, car si le capitaine avait voulu être méchant ou manipulateur, le film n'aurait pas pu se faire. Ils n'ont pas contrôlé les images par exemple.

C. : Ce film peut-être vu comme une approche sociologique d'un possible futur proche. N'est-il pas davantage destiné à l'Occident, pour dénoncer ce qui se passe en Russie ?
J. K.: Au départ, je voulais vraiment montrer Anton et ce qu'il vivait. Ensuite, je pensais évidemment aux spectateurs d'ici, je ne croyais pas que mon film puisse intéresser la Russie. Lorsqu'il a été projeté au Festival des Droits de l'Homme, des programmateurs russes ont été intéressés. Je suis allée présenter le film à Moscou en décembre 2012, et Anton et sa grand-mère sont venus. Le capitaine était occupé et fort heureusement car c'était un festival organisé par des opposants de Poutine et ça se serait très mal passé. J'ai eu l'impression que mon regard distancié d'occidentale sur le sujet leur a permis de voir les camps d'une façon différente, peut-être plus clairement que si ç’avait été un film réalisé par un Russe. Les réactions ont été très contrastées : certaines personnes sont allées demander à la grand-mère où se trouvait le camp pour y inscrire leurs enfants ; d'autres étaient en pleurs et sont venues nous dire qu'elles croyaient que ces camps étaient proches des scouts et qu'elles avaient été effrayées et tristes de constater que leur pays allait dans cette direction. C'était dur pour eux de voir que le nationalisme était inculqué à des enfants, dont le futur est déjà un peu tracé. C'était une bonne expérience, mais éprouvante, car j'ai eu l'impression de les provoquer, ce qui n'était pas du tout mon intention. Le film a vraiment dépassé mes espérances en termes de réactions, et ce n'est pas fini, car le film va être diffusé sur une chaîne documentaire russe, ce qui donne un espoir. C'est une société très dense, très complexe, où les gens ne se font plus vraiment confiance et où tout semble possible. L'opposition notamment n'est pas aussi porteuse de liberté qu'on peut le croire en Occident et semble, pour beaucoup de Russes, une alternative assez similaire au pouvoir. C'est un pays où la liberté telle que nous la connaissons n'existe pas, mais néanmoins, ce film, critique, est tout de même diffusé. Il reste de l'espoir malgré tout.

C. : On imagine que l'ambiance ou la situation politique n'a rien à voir avec la situation en Yougoslavie avant la guerre.
J. K. : C'est vrai, le monde a changé, les guerres se sont déplacées. Mais les armes ont changé aussi et l'humanité sera surprise, je pense, par leur puissance et leurs effets comme elle l'a été durant la Seconde Guerre mondiale. Depuis la chute du mur de Berlin, en Russie, le nationalisme a fortement augmenté, l'information est toujours plus muselée. Il y a eu deux guerres en Tchétchénie et aujourd'hui, on ne sait pas ce qui se passe à Grozny, comme dans d'autres républiques russes. Les journalistes voulant révéler ce type d'informations comme Anna Politkovskaya ont été assassinés. Il y a beaucoup trop de zones d'ombre, on ne sait pas ce qui peut se passer. La société est très partagée et ne voit pas vraiment d'issue dans le futur. Cela me rappelle la situation en ex-Yougoslavie où je trouvais que tout était trop calme, d'un calme étrange. Où l'on pensait qu'il y avait de l'espoir mais en fait, pas vraiment...

C. : Vouliez-vous faire passer ce ressenti dans le film, symboliquement, à travers ce personnage enfantin ?
J. K. : Je pense que cela aurait été moins intéressant avec un soldat revenant de la guerre. Cet enfant de douze ans, un âge où tout est encore possible, ne se rend pas totalement compte que son horizon se rétrécit, qu'il est déjà pris dans cette « mâchoire ». Que, tout en s'épanouissant, il est déjà limité sans qu'il le sache vraiment.

C. : Vous filmez à sa hauteur, avec beaucoup de gros plans. Il y a l'idée de ne faire qu'un avec Anton.
J. K. : Exactement, mais ce n'est pas venu tout de suite. Nous ne filmions pas de façon si proche au début, nous ne voulions pas enfermer l'enfant dans le cadre. Dans le camp par exemple, il nous fallait aussi l'environnement, les nombreux bruits etc. Nous cherchions à capter des instants particuliers sans trop influer sur ces mouvements. Il fallait être très patient, mais il était nécessaire qu'il puisse aussi nous échapper.

C. : Comment avez-vous travaillé avec Jorge León à l'image et Quentin Jacques au son ?
J. K. : Le plus important était qu'ils établissent leur propre rapport avec Anton et la grand-mère. Il faut que les personnages les voient d'abord en tant que personnes, et que la caméra ne soit qu'un accessoire. Cela s'est très bien passé, et Anton demande des nouvelles de Jorge ou Quentin. C'était primordial qu'il s'agisse d'une rencontre et d'une expérience humaine avant d'être un film. Le film nous accompagne. Il est comme un carnet de notes des moments que l'on a partagés ensemble. J'avais déjà collaboré avec les membres de mon équipe.

C. : Vous n'avez pas filmé tout de suite ?
J. K. : Non, nous avons commencé par prendre des photos, faire des jeux, des dessins... Parfois, Anton et la grand-mère étaient mal à l'aise, puis ça passait, ils oubliaient la caméra. C'était parfois très dur pour Jorge ou Quentin, pliés en quatre derrière le frigo à attendre le bon moment, qui n'arrivait pas forcément. On avançait petit à petit et, heureusement que nous avons pu faire cette première partie car cela aurait été beaucoup plus compliqué si nous n'avions été que dans le camp pour obtenir la confiance d'Anton au sein d'un groupe.
Les parents d'Anton vivent dans la rue et cela le mettait très mal à l'aise. Sa mère rentrait parfois le soir et nous nous demandions si nous étions à notre place, si Anton ne nous en voudrait pas d'être témoins. Sur mes précédents films, je faisais de longs repérages pour être certaine du contexte, ici je le découvrais au fur et à mesure. Je me posais beaucoup de questions, c'était parfois tendu. Tout comme dans le camp à cause des conditions de tournage très difficiles. Il fallait réussir à prendre du recul, à ne pas se laisser happer par ce contexte. C'était une vraie leçon. Anton a beaucoup évolué entre les deux parties, chez lui il ne voulait plus nous quitter, il voulait dormir avec nous. Alors que, une fois au camp, il était avec ses camarades et ne nous connaissait pour ainsi dire plus, il ne riait plus à nos blagues. Lorsqu'on lui disait que nous voulions le filmer après son repas, il allait demander l'autorisation au capitaine. Nous lui disions de se détendre, mais la situation n'a pas changé durant les trois semaines. On sent son malaise. À ce moment-là, il parlait au nom de Kaskad en quelque sorte.

C. : Revenons à votre collaboration avec Jorge León. Lui aviez-vous donné des indications précises, sur le cadrage notamment ?
J. K. : Oui, nous avons échangé des idées préalablement. Nous avons étudié les images prises durant l'hiver. Nous avons évoqué l'importance du corps dans le cadre, qu'il nous guiderait et nous surprendrait. Nous nous sommes mis d'accord également pour que je n'intervienne pas trop, que je fasse pleinement confiance à Jorge. Il est très instinctif, très sensible et possède une certaine curiosité de l'espace, des mouvements corporels qui donnent une grande générosité au personnage. Nous ne donnions que très peu d'indications à nos personnages : par moment, ça fonctionnait, d'autres fois non. Mais assez rapidement, le film a commencé à grandir, à acquérir son identité et nous avons abandonné nos idées de départ pour mieux nous laisser surprendre.
Par contre, ce fut une toute autre histoire au camp, car filmer un personnage dans un groupe est très difficile. Pour conserver cette identité cinématographique, cette proximité, Jorge a été obligé de s'imposer, de faire véritablement corps avec Anton. C'était très difficile, car lors des exercices de tirs à blanc par exemple, Jorge et Quentin étaient très exposés. Nous avions des partis-pris que nous avions décidé de conserver, ne sachant pas où cela nous mènerait. Il fallait être très patient, vraiment.

C. : Vous regardiez les rushs le soir-même ?
J. K. : Oui, après toutes ces aventures nous devions nous poser pour prendre du recul. Et cela passait par le visionnage des rushs. On ne pouvait pas courir avec ces enfants, participer à leurs activités sans savoir où nous allions. Il fallait résister aux propositions du capitaine également. Et il nous fallait surtout rester modestes.

C. : Combien d'heures de rushs avez-vous accumulées ?
J. K.: Presque septante heures. Ce qui est énorme en six semaines. Nous tournions sans cesse. Déjà, nous devions nous réveiller avant tout le monde afin de capter les images où les enfants émergent des tentes. Si elles n'avaient pas été dans le film, cela aurait été fort dommage.
C. : D'où cette impression de mise-en-scène.
J. K.  : C'est ce que j'explique aux spectateurs durant les rencontres. Ces séquences sont en réalité constituées de très nombreux moments très différents. Nous avions sept heures de rushs de ce type de situations ; peu avant qu'ils ne s'endorment, durant leurs pauses, au réveil... Le montage est devenu une sorte de « broderie fine ». Nous prenions un petit moment par-ci, un autre par-là... Parfois, c'était vraiment presque rien. 
Même si c'était dur à cause de la fatigue, je considère que ces moments-là, même s'ils sont infimes, sont extrêmement précieux. Rien que pour les garçons lorsqu'ils regarderont ces images dans quelques années, j'imagine que cela leur fera quelque chose.

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