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Rencontre avec Juliette Klinke et Thomas Xhignesse

Publié le 15/07/2016 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

Juliette Klinke et Thomas Xhignesse, lauréats du Prix de la Critique 2016 au Festival du Film d'Amour de Mons, pour leur court-métrage Nelson.

De voir que notre film raisonne, c'est un réel plaisir !

Alors qu'il n'a été réalisé que dans le cadre d'un exercice de l'IAD (l'Institut des arts de diffusion de Louvain-la-Neuve) chapeauté par Benoît Mariage, Nelson s'est mué en un court-métrage qui, cette saison, a connu une carrière assez exceptionnelle en festivals. Primé dans un premier temps par ARTE, au FIFF de Namur, puis en Allemagne et en Suisse, le film figurait dans la sélection des huit meilleurs courts lors des derniers Magritte. Avant de recevoir le Prix de la Critique au Festival du Film d'Amour de Mons et encore, deux Prix d'Interprétation pour le jeune Axel Capite, l'acteur principal, lors des récents Brussels Short Film Festival et Le Court en dit long à Paris. 
Rencontre avec Juliette Klinke et Thomas Xhignesse, le jeune tandem de réalisateurs.

Cinergie : Pourriez-vous d'abord évoquer votre parcours ?
Juliette Klinke : Je suis née et j'ai grandi en Suisse francophone, autour de pas mal d'amis baignant dans le milieu artistique. J'ai moi-même fait du théâtre en amateur, mais c'est au lycée, où j'ai commencé à faire des petits films dans une option artistique, que m'est venue l'envie de tester une école de cinéma. Les écoles belges ayant très bonne réputation chez nous, j'ai tenté la réalisation à l'IAD.
Thomas Xhignesse : Moi, je viens de Marche-en-Famenne, et le cinéma est venu un peu par hasard sur mon chemin. Alors que j'étais en rhéto où j'étudiais les mathématiques et les sciences, une amie m'a orienté vers un atelier de cinéma à Liège, qui se tenait tous les mercredis. J'y ai pris goût, notamment pour la richesse humaine de l'aventure. J'ai ensuite fait une petite formation au Mexique, tout aussi riche humainement, et en rentrant en Belgique, j'ai préparé mes examens à l'IAD et à l'INSAS. J'ai été pris à l'IAD, et l'aventure de la réalisation s'est lancée comme ça...

C. : Nelson n'aurait pu naître sans votre amitié. Qu'est-ce qui vous a réuni ?
J.K. : En fait, notre rencontre s'est faite à l'occasion d'un atelier de direction d'acteurs, donné par Frédéric Fonteyne. On s'est vu plusieurs fois, on a sympathisé et on a compris que nos univers se complétaient. Comme nous savions qu'il y avait un exercice de réalisation à deux dans le programme de l'IAD, l'envie de travailler ensemble est venue assez naturellement...
T.X. : Oui, c'était aussi stressant qu'une demande en mariage (sourire). C'est vrai que cette collaboration est née d'abord d'une amitié. Ce qui est hyper important dans le cinéma, je pense.

C.: Malgré les apparences, Nelson n'est pas un film de fin d'études, mais plus exactement un exercice d'avant-dernière année. Qu'est-ce que cela impliquait ?
T.X. : Oui, c'est en fait un atelier de fiction, qui est encadré par Benoît Mariage. À l'IAD, on appelle ça entre nous « Les Mariages de l'IAD » (sourire). Le principe, c'est de pouvoir écrire et réaliser un film en binôme. Une fois le scénario bouclé, on a un mois de préparation et une semaine de tournage. Cela va donc assez vite, mais c'est ce qui fait la richesse de cet exercice, car on n'a pas le temps de se poser mille questions. Cela crée une énergie spontanée dans les films. Une fois le tournage fini, pendant lequel nous dirigeons chacun les acteurs, chacun part de son côté avec la matière, pour le montage final.
J.K. : L'exercice est finalement proche d'un cinéma naturaliste, mais Benoît Mariage reste ouvert à beaucoup de choses. L'idée, c'est surtout d'avoir une situation de base conflictuelle, pour qu'il y ait quelque chose d'intéressant à raconter.

C. : L'histoire, qui raconte la première expérience de deux jeunes adolescents chez des prostituées, émane paraît-il de vos lectures...
T.X. : C'est vrai ! Je ne suis pourtant pas un féru de littérature, mais il se fait que pendant la période d'écriture, je lisais Chronique d'Hiver de Paul Auster, une sorte d'autobiographie de jeunesse, dans laquelle il explique qu'il a eu sa première fois dans un camp de vacances vers 15 ans. On a vu là les prémisses d'une histoire à raconter, qui correspondait assez bien à la contrainte de l'exercice. Mais on s'est bien sûr distancié du propos initial.

C. : Comment s'est déroulé le tournage ?
J.K. : Notre gros challenge était de trouver le personnage principal. Cela n'a pas été sans mal. On a rencontré énormément de jeunes pendant un mois, avant de jeter notre dévolu sur Axel Capite.
T.X. : Oui, pour un enfant, ce n'est jamais simple, car il faut tomber sur la perle rare, qui puisse correspondre au rôle. Ça a été un peu moins compliqué pour les rôles des comédiennes, par contre. Après, le tournage s'est passé normalement...

Juliette Klinke et Thomas Xhignesse, réalisateursC. : Vu les Prix d'Interprétation reçus par Axel Capite à Bruxelles puis à Paris, vous avez visiblement vu juste. Qu'est-ce que ce comédien débutant a de plus que les autres ?
J.K. : Ce qui nous a frappé chez lui, c'est qu'il avait une espèce de sincérité, un truc tellement simple et authentique, qu'on avait l'impression qu'il ne se rendait pas compte qu'il tournait un film. Ce détachement, en plus de son naturel, a permis de transcender l'histoire.
T.X. : Il y aurait presque un documentaire à faire sur lui ! Il n'y a même pas eu de construction du personnage sur ce qu'il allait devoir jouer, tellement c'était lui dont nous avions besoin. Après, il a bien sûr fallu imposer un peu d'autorité, car nous étions là pour travailler avant tout, ce dont il se rendait peut-être moins compte (sourire). Mais il était bien entouré sur le plateau, grâce aux autres comédiens.

C. : À quel moment avez-vous pris conscience que Nelson pouvait faire une carrière en festivals ?
T.X. : À Namur, au FIFF, en fait...
J.K. : Oui, mais déjà à l'IAD, le film avait été bien accueilli. On a donc envoyé le film à quelques festivals, mais sans réelles ambitions. Et dans la foulée, le film a reçu le Prix de la Relève à Soleure, au Festival du Film Suisse...
T.X. : ...et on a aussi reçu un Prix à Munich. On a été assez impressionné quand il s'est retrouvé dans la présélection des Magritte. De voir que le film raisonne à ce point chez les gens, c'est toujours un réel plaisir.

C. : Et qu'a représenté pour vous, le Prix de la Critique reçu à Mons?
J.K. : C'était un moment assez émouvant, j'avoue. Je ne savais pas trop quoi dire sur scène, mais ça a été pour nous l'occasion de faire de belles rencontres. Et savoir que le film a plu à des journalistes qui ont l'habitude d'en voir beaucoup, c'était aussi gratifiant qu'intéressant.

Juliette Klinke et Thomas Xhignesse, réalisateursC. : Quid de la suite pour vous ?
T.X.: Là, on vient de montrer notre film de fin d'années à l'IAD. Le mien s'appelle Jolie Môme, celui de Juliette Les Dauphine.
J.K. : On termine en effet nos derniers devoirs à l'IAD, puis on prend chacun des vacances. Pour ma part, je vais un peu voyager. Il n'y a rien de très concret pour le moment, on va voir où tout ça mène, mais je ne me vois pas quitter la Belgique. J'aimerais bien renforcer les liens qui existent avec mon pays, et j'espère continuer à faire des films. Tout en ne fermant pas la porte à d'autres projets artistiques, comme l'utilisation de la vidéo ou même le cinéma documentaire...
T.X. : La réalisation est bien sûr une envie, mais ce qu'il y a de bien avec ce métier, c'est qu'il laisse place à d'autres choses. De mon côté, j'aimerais redécouvrir l'outil de la caméra et du cinéma à plus petite échelle, pour travailler dans d'autres conditions qu'à l'école. J'ai aussi envie de voyager. On doit un peu se remettre de quatre années qui ont été assez intenses à l'IAD. Avant de relancer la machine (sourire)...

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