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Laura Nanchino, Responsable du service de la Promotion et de la Diffusion au Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel

Publié le 14/07/2023 par David Hainaut, Antoine Phillipart et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

"Le Centre du Cinéma tient à aider les petits cinémas"

Dans une Fédération Wallonie-Bruxelles où le manque d'écrans se fait parfois ressentir, l'aide aux cinémas de proximité se révèle précieuse. Lancée pendant la crise sanitaire en 2020, elle a ainsi permis de soutenir 27 exploitants au cours de l'année écoulée, pour un montant de plus de 300 000 euros.

Rencontre avec celle qui coordonne ce guichet, Laura Nanchino, qui œuvre au Centre du Cinéma depuis 2017 et qui gère d'autres aides, dont celles octroyées aux opérateurs audiovisuels: à savoir, les ateliers d'écoles, les distributeurs de films, les exploitants d'art et essai, les festivals ou encore, les structures et les plateformes numériques.

Cinergie: Attribuer des aides financières aux salles, c'est donc en partie ce qui vous occupe au Centre du Cinéma?

Laura Nanchino: Effectivement. Cela fait trois ans qu'on a lancé notre première aide pour les cinémas de proximité, en marge du Plan de Relance et d'une volonté de la Ministre de la Culture, Bénédicte Linard, d'épauler aux mieux les structures culturelles, les cinémas ou les distributeurs, qu'on dit de «proximité». Il y a eu une vingtaine d'aides en 2020, un peu plus en 2022 et nous venons de clôturer la réception de dossiers pour 2023. Tout cela réclame évidemment une analyse, et donc une certaine charge administrative.

 

C.: Et pour cette année, on se dirigerait vers le même genre de proportions?

L.N.: Je pense, mais je ne peux pas encore donner un chiffre exact. Mais nos critères restent sensiblement identiques, soit, pour les cinémas aidés, une programmation avec 30% de films européens et/ou d'art et essai. C'est donc plus souple que les aides que nous accordons aux cinémas exclusivement d'art et essai. Où là, on demande 70% d'œuvres continentales et/ou d'art et essai.

 

C.: Concrètement, quels cinémas de proximité reçoivent ces aides, qui sont encore récentes?

L.N.: Et bien, des cinémas que nous n'avions pas l'occasion d'aider par le passé, et dans toutes les provinces. Comme le Plaza à Hotton, le Stockel à Bruxelles, le Cinéma Caméo de Tamines, le Bouillon-Ciné, celui de Stavelot etc... Et les grandes enseignes comme le Kinépolis ou l'UGC peuvent aussi candidater, les montants étant de 7500 euros pour les cinémas possédant un ou deux écrans, et de 15 000 pour ceux ayant plus de deux écrans.

 

C.: Une fois ces aides octroyées, les cinémas sont parfois amenés à réajuster leur programmation?

L.N.: C'est l'idée. De les inciter à programmer plus de films européens et/ou art et essai. Mais le taux de 30% reste facilement atteignable, en tenant compte des nombreuses comédies françaises qui sortent. Dans nos critères, les petits cinémas doivent aussi programmer trois films belges francophones par an, et les plus gros doivent en montrer cinq. Tori et Lokita des frères Dardenne, Un monde de Laura Wandel ou Nobody Has to Know de Bouli Lanners sont parmi ceux qui ont été le plus souvent programmés.

 

C.: On imagine que votre manne financière n'est pas illimitée...

L.N.: Notre budget est de 300 000 euros. S'il est dépassé, on essaie alors de trouver l'argent nécessaire ailleurs, comme ça a été le cas l'an dernier, avec 22 000 euros de surplus. Mais jusqu'à présent, tous les cinémas qui ont demandé cette aide l'ont obtenue...

 

C.: L'autre gros volet de votre travail concerne encore d'autres aides...

L.N.: Oui, où là le travail est encore plus conséquent! C'est ce qu'on appelait auparavant la Commission d'Aides aux opérateurs et qui fait aujourd'hui partie de la Commission Cinéma. Là, les aides vont sur deux ou quatre ans, avec un jury qui se décide sur base de dossiers et d'auditions. Là, l'enveloppe globale a fortement augmenté lors de la dernière session, puisqu'on est passé de 3,4 à 4,2 millions d'euros.

 

C.: Et dans ce cas, qui soutenez-vous par exemple?

L.N.: On soutient par exemple fortement les Grignoux à Liège et à Namur, les cinémas Aventure, Palace et Vendôme à Bruxelles, désormais le Ciné4 à Nivelles, aussi. Puis, des ateliers, comme le Centre d'Audiovisuel à Bruxelles (CBA) et Wallonie Image Production (WIP), des distributeurs (Cinéart, Imagine, Le Parc Distribution, O'Brother...), pour vous citer quelques exemples. Cela prend du temps, car ces opérateurs doivent chaque année remettre leur budget prévisionnel et leur projet d'activité, avant que nous analysions le tout. On suit aussi tous ces organismes dans la communication et les festivals, en demandant une page de publicité de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou du Centre du Cinéma dans les catalogues, pour avoir nous aussi une visibilité.

 

C.: Vous aidez les festivals, aussi...

L.N.: Oui, le plus soutenu est le Festival du Film francophone de Namur, mais il y a aussi le Tournai Ramdam Festival, le Festival international du Film de Bruxelles (BRIFF), le Festival du Film fantastique (BIFFF) et bien d'autres. Comme de plus récents, comme Courts mais Trash ou l'Extraordinary Film Festival, dédié au handicap.

 

C.: Au niveau de votre service, celui de la promotion et de la diffusion, quelles sont encore les autres initiatives que vous gérez, pendant l'année?

L.N.: En plus des aides structurelles dont on vient de parler, il y a aussi des aides pour les sorties de films en salles aux producteurs ou aux distributeurs, des aides lorsqu'un film belge est sélectionné dans un festival international majeur. Et puis, on organise des manifestations pour promouvoir le cinéma belge et d'art et essai, comme Le Mois du Doc en novembre, La Fête du Court-métrage en mars. Sans oublier, depuis septembre 2020, l'opération J'peux pas j'ai cinéma en septembre, où on met à disposition des tickets à seulement un euro. Car on le sait, comme pour d'autres arts (danse, musique, théâtre...), le cinéma peut parfois être coûteux pour certains portefeuilles.

 

C.: Défendre le cinéma belge et celui d'art et essai, c'est difficile ?

L.N.: Un peu, mais ce qu'on constate depuis fin 2022 et début 2023, c'est que le secteur du cinéma se porte mieux. Peut-être pas aussi bien qu'on le souhaiterait dans un monde idéal (sourire), mais le public est de plus en plus présent, en particulier dans les petites salles. Et ça, on le doit aussi à l'initiative de la carte Cinéville, ce nouveau principe d'abonnement illimité qui dépasse désormais la Capitale. Ou celle de nouvelles structures dynamiques, comme le Ciné Versailles, qui permettent un petit renouveau.

 

C.: Et ce manque de salles dont on parle parfois, vous le ressentez?

L.N.: Ah, j'aimerais qu'il y en ait plus, notamment dans des zones à plus faible densité de population. Pour Bruxelles, je pense qu'on est parés, et ça fonctionne bien. Ce qu'on constate surtout, c'est que les spectateurs aiment de plus en plus se déplacer quand il y a un événement. On remarque dans les chiffres qu'il y a plus ou moins le même nombre de personnes pour dix événements que pour cent séances! C'est certes beaucoup de travail en plus, tant pour les exploitants que pour les distributeurs, les producteurs et les réalisateurs, mais cela paie...

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