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Rencontre avec Marc-Olivier Picron - "Culture en péril (ceci n'est pas un statut)"

Publié le 15/04/2015 par Sylvain Gressier / Catégorie: Entrevue

C'est au gré des premières douceurs de l'année que l'on retrouve le réalisateur Marc-Olivier Picron à la terrasse du café l'Athénée, situé en face des locaux de l'Insas théâtre. Nid à chômeurs en puissance, le lieu était tout trouvé pour évoquer la situation de l'artiste en Wallonie, sujet de son documentaire Culture en péril

Tourné en quelques mois avec des moyens dérisoires, le film faisait salle comble quelques semaines plus tôt, lors d'une projection ouverte au Théâtre National. Combinant une activité artistique à celle de professeur de scénario à l'école Agnès Varda, c'est sa situation, partagée par l'ensemble de ses pairs qui a poussé Marc-Olivier à s'attaquer au sujet du statut d'artiste en Belgique : « J'ai le droit à 44 euros par jour où je ne travaille pas et comme je suis enseignant, je donne des cours de scénario et de production, ce que je touche à l'école est déduit de mon chômage. Je suis plafonné à 1.100 euros par mois. » Cette situation de précarité touche l'ensemble du milieu artistique et nombreux sont les artistes à élever une voix révoltée bien que peu entendue contre la casse de leur système d'indemnisation. « Le principal élément déclencheur a été l'affiche de David Murgia pour sa pièce L'âme des cafards. À gauche, se trouvait sa carte de pointage avec les jours de travail cochés, et à droite, son nom et sa qualification « pêcheur en mer, bûcheron, artiste de spectacle ». Les trois métiers partagent en effet le même code du travail dans la présente législation, une singularité révélatrice de la situation kafkaïenne de ce statut dont nul ne sait s’il existe ou pas. « La loi a été votée en décembre 2013 par le gouvernement provisoire, sans aucune concertation avec les milieux concernés. Entrée en application en avril 2014, elle prévoie la délivrance d'une carte de travail par une commission d'artistes qui n'a jamais vu le jour, personne ne voulant y participer. Une loi nous oblige donc à avoir une carte d'artiste et il n'y a personne pour nous la donner, c'est absurde ! »

Un an maintenant de flou artistique… et un gouffre d'incompréhension qui se creuse entre le milieu artistique et le politique. Pour tenter de débloquer la situation, la Fédération Wallonie-Bruxelles a lancé, depuis mars, une opération nommée Bouger les lignes qui vise à « adapter la politique culturelle à l’évolution de la société ». La première coupole de ce vaste et ambitieux champ de thématiques à débattre s'intitulant justement « Artistes au centre ». Marc-Olivier Picron : « La ministre Joëlle Milquet organise une série de concertations avec les artistes, mais elle n'a pas le pouvoir décisionnaire, c'est du ressort de l'ONEM et donc du gouvernement fédéral. Si elle n'arrive pas à convaincre le ministre Kris Peters, il ne se passera rien. Le fédéralisme devient un vrai problème puisque l'on est constamment obligé de demander aux Flamands pour que quelque chose bouge dans ce pays et le rapport de force n'est pas en notre faveur ». Comment sortir dès lors de cette impasse ? « Je pense qu'il faut viser l'Europe, c'est elle qui doit jouer ce rôle-là. Toute télévision qui est implantée en Belgique doit subventionner la création, mais pour les nouveaux médias on ne peut rien faire, c'est de l'ordre international. Il va falloir que l'Europe arrête d'être hypocrite, il faut que les parlementaires créent un statut européen pour protéger les artistes et les créateurs. On n’a pas les moyens de créer ce statut en Belgique, en Wallonie particulièrement, où l'on a un problème de diffusion - autant pour la musique que le cinéma-, qui bien que de plus en plus reconnus à l'international sont plutôt boudés par le public belge. »

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