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Rien à guérir, film collectif, 2023 aux RIM

Publié le 05/02/2025 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

En 2009, Layla Hachichi est retrouvée calcinée dans l’habitation de ses parents à Anvers, après avoir subi ce qui s’apparente à un exorcisme. L’objectif vraisemblablement poursuivi : “guérir” la jeune femme de son homosexualité. À partir de cet épisode, Alex Winkel, chercheur et membre de l’ASBL Citoyenneté & Participation, a tenté d’en apprendre plus sur ces “thérapies de conversion” peu médiatisées en Belgique et pourtant bien présentes. Rien à guérir raconte, au travers de témoignages que l’on peine à croire sortis de notre société belge du 21e siècle.

Rien à guérir, film collectif, 2023 aux RIM

Mehdi, Jean-Philippe, Khadija, Fabienne ou Dan. Ces témoins, parfois dissimulés sous des noms d'emprunt pour leur propre protection, ont entre 18 et 59 ans. Leur point commun : on a voulu les « guérir » de leur homosexualité. À coups de séances de pseudo-professionnels de la santé, de rencontres forcées avec des autorités religieuses qui se muent en tortionnaires ou en prédateurs, et de phrases assassines prononcées au quotidien. Jusqu’à ce que “cette merde, tu la manges”, pour reprendre les propos d’un des interrogés.

Car la pression psychologique infligée est immense, continue et pernicieuse. Quand la réalité dépasse la fiction, les personnes victimes de ces pressions sont souvent démunies, isolées et esseulées face à des approches méthodiques et rigoureusement orchestrées. Et ce, au sein tant de communautés religieuses que laïques. “Esprit de l’homosexualité, sors de ce corps!”, a pu entendre Dan dans sa jeunesse, alors qu’un prêtre lui agrippait les parties génitales et le torse avec violence. Tandis que Fabienne s’est vue elle prise en tenaille entre un psychiatre et son épouse, transformant son homosexualité en pathologie petit à petit, malgré ses arguments et sa défiance.

Comment, dans de tels cadres, imaginer un développement sain, d’autant plus lorsque ces thérapies sont régulièrement infligées dès le plus jeune âge? Mehdi, lui, n’a dû son salut qu’à la fuite, alors qu’imams, prêtres et parents le disaient possédé par les démons. Et son récit reflète celui de Khadija, dont la destinée aurait pu être encore plus funeste.

“Ma mère m’a appris ce que c’était l’homophobie”, témoigne la jeune fille, remplacée par une actrice. Et cette pression familiale, qui commence dès le laisser-faire, contribue à de nombreuses tentatives de suicide chez ces publics fragiles.

À la rencontre de ces témoins, l’équipe derrière Rien à guérir adjoint également une mise en avant des professionnel·les belges de la santé qui luttent pour offrir à ces personnes une alternative. Que ce soit dans un accompagnement psychologique, à l’instar de l’Épicentre, espace de santé inclusive cofondé par Noah Gottlob, ou via une protection comme celle offerte par Le Refuge, structure d’hébergement d’urgence et d'accompagnement pour personnes LGBTQIA+ basée à Uccle. Au travers de ces initiatives, une lueur apparaît au bout du tunnel, et un chemin vers la guérison. Non pas celle prônée par les thérapies destructrices révélées par ce documentaire, dont les témoignages aux violences intangibles sont mis en images par le trait de Mathilde Mayen, mais une guérison de ces blessures souvent invisibles, et pourtant bien présentes.

 

Rien à guérir sera projeté dans le cadre des Rencontres d'Images Mentales, le lundi 10 février à 14h, accompagné d’un débat avec des professionnels de la santé et le réalisateur Alex Winkel. Plus d’informations : https://www.psymages.be/

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