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Sauvages, de Claude Barras - 2024

Publié le 07/06/2024 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Fort du succès de Ma vie de Courgette, le réalisateur Claude Barras revient cette année avec une proposition tout autre, mais néanmoins parcourue des mêmes thèmes et des mêmes questionnements de l'enfance. Sauvages, plongée dans la jungle de Bornéo aux côtés d’une jeune fille citadine porteuse de l’héritage de son île, se révèle comme un film aux messages simples, mais à la facture grandiose, démontrant tout le talent et la résilience de l'animation européenne d'aujourd'hui.

Sauvages, de Claude Barras - 2024

Après s'être partiellement dévoilé au festival Anima avant de gravir les marches cannoises en mai dernier, voici désormais Sauvages en route pour Annecy, où il s'annonce déjà comme l'un des prétendants majeurs au Cristal du Meilleur long métrage d'animation. Dans ce récit à hauteur d'enfant, l'on découvre l'île de Bornéo, sa jungle et ses habitants au travers des yeux de Kéria, fille de la ville aux ancêtres issus de la nature. Alors que son père travaille désormais pour une grande compagnie responsable de la déforestation de la région, Kéria va renouer avec ses racines grâce à son cousin Selaï, à son grand-père, et à un petit orang-outan orphelin de sa mère, tout comme elle.

Autour de ce trio, Claude Barras et son équipe helvético-franco-belge tissent une fable écologique pétrie de bienveillance et de magie, sans pour autant éviter la violence de son sujet. Peuplé de personnages attachants et porté par une héroïne jeune, mais résolue, Sauvages est nettement actuel, autant qu’il est universel. Kéria, adolescente innocente, quoique légèrement arrogante, sert ainsi de guide au public dans sa découverte des horreurs subies par la nature bornéenne, dont on ne peut qu’apprécier la beauté et la richesse lorsqu'elle est transposée à l'écran. Et à ce jeu, Sauvages excelle. Dès les premiers pas dans cette jungle foisonnante, la richesse visuelle fascine, tandis que l’on s'extasie devant des marionnettes tout simplement magnifiques. Des créatures pleines de vie et de couleurs, de la grenouille au calao en passant par un félin aussi sublime que fugace dans ses apparitions, qui s’animent avec une grande finesse sous nos yeux émerveillés. Oshi, petit orang-outan aux grands yeux, est quant à lui une boule de tendresse et d'émotion mise en mouvement par des mains habiles, et qui brisera le cœur de plus d'un•e. Dans ce monde où la nature est luxuriante, les humains - pourtant tout aussi joliment et finement représentés grâce aux marionnettes de Grégory Beaussart et son équipe, dont les Belges Christine Polis et Benoît Povêche - paraissent dénués de couleurs. De bout en bout, la magie de la jungle et de sa faune nous emporte par l'image et par les sons, récoltés sur place par le compositeur et sound designer Charles De Ville. Une partition issue des bruits, des cris et des murmures de la forêt savamment orchestrée et qui, mêlée aux décors fascinants de Jean-Marc Ogier et son équipe, emplit l’écran et l’esprit donnant lieu à des séquences d’anthologie. À l’instar de cette forêt nocturne qui s’illumine sous les yeux ébahis de Kéria et des nôtres, majestueuse telle une Pandora d’un autre univers.

Mais, malgré les similitudes, ce n’est pas la planète imaginaire de James Cameron qui est ravagée sous nos yeux, c'est bien la nôtre. Et le film de nous le rappeler sans cesse, mettant en scène des sauvages bien plus terrifiants que ceux que certain⸱es voudraient nous faire appeler “sauvages”.

Dans son épilogue, le film appelle d’ailleurs à l’action, afin que petit⸱e·s et grand⸱e·s spectateur⸱ice·s puissent marquer leur soutien à cette lutte, nécessaire à la préservation de cette nature si sublime, à laquelle Sauvages rend un vibrant hommage.

 

Pour plus d’informations, rendez-vous sur https://www.sauvages-lefilm.com/

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