Six ans après Nos batailles, Guillaume Senez renoue avec Romain Duris et la figure du père face à l’adversité dans Une part manquante, présenté au FIFF cette semaine et qui sortira dans les salles belges le 20 novembre. Un film tendre peuplé de personnages imparfaits et néanmoins attendrissants, où espaces clos et rencontres fortuites créent une atmosphère bien particulière pour ce récit directement inspiré d’une réalité méconnue.
Une part manquante - Guillaume Senez - 2024
Cette réalité, c’est celle de nombreux parents au Japon, séparés quasiment définitivement de leur(s) enfant(s) dans une société où l’idée de garde partagée est encore balbutiante. Une condamnation qui frappe de plein fouet des centaines de personnes, hommes et femmes, japonais·es ou non d’ailleurs. Jérôme alias Jay (Duris) est de ceux-là. Chauffeur de taxi la nuit, parent en perpétuelle recherche le jour, il parcourt Tokyo au volant de son véhicule depuis neuf ans avec le désormais infime espoir de renouer avec sa fille Lily. Et c’est alors qu’il s’apprête à abandonner et rentrer en France que, par un dernier coup du destin lors d’une course non planifiée, Lily se retrouve dans son taxi.
Ce sujet, Guillaume Senez et Romain Duris le portent depuis leur découverte de cette problématique en 2018, alors qu’ils accompagnaient Nos batailles dans sa carrière japonaise. Le genre de thème qui vous hypnotise par sa force, par la détresse des hommes et des femmes que l’on rencontre lorsque l’on foule ce chemin. Des témoignages que le cinéaste a pu recouvrir, et qui ont nourri les protagonistes de son film que sont Jay, Jessica (Judith Chemla) et Yu (Shinnosuke Abe), tous blessés à leur manière et en recherche de sens dans une vie qui en est devenue dépourvue.
Et alors que la rage de Jessica et la détresse de Yu tranchent avec le calme apparent de Jay, l’on comprend que les cicatrices de ces plaies sont fragiles, prêtes à se rouvrir et à causer leur lot de souffrances dès que l’espoir refait surface.
Pour autant, Une part manquante n’est pas un drame sombre. En mettant en lumière la solidarité qui s’installe entre ses protagonistes, et en accompagnant Jay dans sa recherche de rédemption, Guillaume Senez et son co-scénariste Jean Denizot nous emmènent sur le chemin d’un homme friable à la psychologie complexe, mais à la détermination intacte, puissamment incarné par Romain Duris.
Et alors qu’il reconnecte petit à petit avec sa fille (incarné par la talentueuse Mei Cirne-Masuki toute en retenue), on se prend d’empathie pour ce père faillible, mais néanmoins touchant, sur la corde raide entre l’amour qu’il porte à sa fille et les traditions et lois d’un pays qui le tolère plus qu’il ne l’accepte.
D’une actualité réelle (en mai 2024, le Parlement japonais a voté une modification du code civil établissant la possibilité d’une autorité parentale conjointe en cas de divorce, réforme qui entrera en vigueur en 2026), Une part manquante est un témoignage fort autant qu’une œuvre artistique complète et sincère. Un salut à ces hommes et ces femmes qui luttent dans l’adversité, de la part d’un cinéaste comme d’un acteur, tous deux pères à la fois.